Le chien du voisin [Jungkook]

XVII

Jungkook, 

Ça fait treize mois que j'ai reçu ta lettre et je ne te réponds que maintenant. Ma vie a changé depuis. J'ai changé. J'ai beaucoup pensé aussi, beaucoup pleuré pour un tas de raisons et même pour rien. 

Voilà... je me trouve un peu dépourvue devant cet ordinateur ah ah, ça faisait si longtemps que je n'en avais pas utilisé... 

Je crois que je devrais me présenter d'abord, je te le dois bien après tout ce que tu as fait pour moi. Jungkook, tu ne m'as pas aidée, tu m'as sauvé la vie, tu m'as refait vivre et c'est extraordinaire. 

Alors voilà, je m'appelle Olga, j'ai fêté mes vingt-sept ans il y a quelques jours. Je suis norvégienne dans un village peeeeeeerdu mais ce n'est pas grave puisqu'il est joli (même si parfois ça manque un peu d'action). J'ai fait des études de lettres et de droit avant de commencer à travailler dans un bureau dans une grande tour qui me rendait malheureuse même si mes collègues étaient gentils. 

En fait, j'avais un frère à ce moment là et il a commencé à se droguer, à vendre des médicaments qu'il volait à l'hôpital où il était originellement infirmier et à voler l'argent de la famille. Nous nous sommes disputé plusieurs fois et un jour, je l'ai giflé. J'ai retrouvé son corps quelques jours plus tard dans la baignoire de la maison où nous avions grandi. Il y avait du sang de partout, ses plaies étaient absolument horribles à regarder et son corps avait changé de couleur. Je vais t'épargner les autres détails mais il me semble que tu as le droit de comprendre pourquoi et comment j'en suis arrivée là où j'étais quand on s'est rencontré. J'ai longtemps cru que c'était de ma faute et je n'ai compris qu'il y a peu que ça faisait un moment qu'il était mort à l'intérieur et que je n'étais pas assez forte pour l'aider suffisamment. Je regretterai toute ma vie nos disputes, les cris, les pleurs et cette gifle. Je regretterai toute ma vie de ne pas l'avoir mieux aidé. Je regretterai toute ma vie sa mort, de ne pas l'avoir vu sourire plus longtemps et de ne pas lui avoir plus dit que je l'aimais. Je regretterai toute ma vie mais je commence à accepter que ça ne changera pas et que ce n'est pas de ma faute spécifiquement. 

J'ai revu mes parents il y a quelques mois puis il y a quelques semaines. Je ne les ai pas reconnus tout de suite. Ils ont divorcés, ma mère a pris du poids, mon père a les cheveux blancs et un air encore plus fatigué que celui que je lui ai toujours connu. Pourtant, ils m'ont souri. Un sourire triste et douloureux qui m'a brisé le cœur. Un sourire que je leur ai rendu. On a mangé ensemble dans un restaurant en ville. Pareil la deuxième fois. On ne parle pas beaucoup, tu sais, et l'ambiance est un peu étrange mais ça fait du bien de voir qu'on est tous les trois dans le même cas et qu'on s'aime encore. Peut-être même encore plus qu'avant. En tous cas, c'est ce que mon père a dit. Il t'aimerait bien je pense. C'est un immigré de Papouasie qui a toujours beaucoup travaillé et qui semble ne parler que pour dire des vérités générales. Il aime les gens travailleurs et humbles. Maintenant que j'y pense, tu t'entendrais bien avec ma mère aussi. Elle était un peu comme ma grand-mère : elle parlait beaucoup, tout le temps et surtout pour dire des banalités. C'est assez drôle de se dire qu'elle et mon père sont tombés amoureux. 

Et moi, je vais bien. Je vis encore chez mes grands-parents et je suis retournée dans la chambre dans laquelle j'ai... bon tu vois quoi. Cette chambre là. En fait, je l'ai repeinte, j'ai racheté des meubles et je l'ai réarrangée. Elle est ma-gni-fique, tu serais fier ah ah. Je travaille à mi-temps dans un magasin en ville? Ce n'est pas grand chose mais ça m'oblige à sortir quand je ne le fais pas avec des amis. Ah oui, je ne t'ai pas dit, j'ai revu certains de mes amis d'avant et je m'en suis fait d'autres. Je m'occupe de la maison le reste du temps. Mamie est malade et mon grand-père est décédé quelques mois après ton départ. Mais ça va. Je relisais ta lettre quand ça n'allait pas et même quand ça allait d'ailleurs. Tu m'as aidée à tenir bon sans même être présent physiquement. 

Je ne te remercierai jamais assez Jungkook. J'espère que tu te rends compte à quel point tu as été génial parce que je crois que même moi je n'arrive pas à le mesurer. Tu es magique. 

Il m'a fallu du temps avant de te répondre. J'espère que ce n'est pas trop tard et si ça l'est alors tant pis pour moi, je te souhaite énormément de bonheur. Je t'ai vu sur YouTube et je voulais te dire que le travail que tu fais est fantastique et que je suis heureuse d'avoir rencontré l'homme avant l'artiste mais que je te soutiens dans les deux cas. 

Jungkook, je suis amoureuse de toi. C'est pour ça que j'ai mis aussi longtemps à t'envoyer ce message. Je n'étais pas prête, j'avais peur de te blesser et tu as eu raison de t'éloigner pour te protéger. Ça ne veut pas dire que tu ne m'aimais pas, je le sais, ça veut juste dire qu'il est important de se protéger soi-même et que je ne t'en voudrai jamais d'avoir fait ce choix. Je songe à partir en voyage. Dans un premier temps pour montrer plein de photos à ma grand-mère qui a toujours rêvé d'aller en Asie. Ensuite, parce que quand elle sera partie, je vais avoir besoin d'un changement d'air. Et si je dois être tout à fait honnête, je voudrais vraiment te revoir si tu as le temps et si tu es d'accord. 

J'attends ta réponse, en espérant qu'elle arrive. Et si tu le veux bien, si tu as attendu (je ne t'en voudrai pas dans le cas contraire), je serai heureuse de faire ta connaissance autour d'un café et de t'apporter un bouquet de fleurs aussi beau que celui que tu avais apporté l'année dernière. 

Olga

PS : de gros bisous à Bam

PPS : Takk, Thank you, 감사합니다, Barka, Obrigada, Stuutiyi, Rahmat, Gracias, Grazie, Tau, Mulţumesc, Mercé, Blagodaram, Murakoze, Akun, Vinaka, Salamat, благодаря, Dankie...