CHAPITRE 3

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Quelques semaines plus tard...

       Ding ding. La sonnette de comptoir me sort de mes pensées et me signale qu'il est temps pour moi de m'activer. Je plisse rapidement mon tablier et sors des cuisines, non sans avoir une nouvelle fois checké mon téléphone, dans l'espoir de recevoir une notification d'appel ou de message. Deux semaines. Cela fait exactement deux semaines que j'attends des nouvelles de mon audition pour le rôle d'Arsenic, sans retour depuis ce fameux jour. Je n'ai même pas osé les appeler contrairement à ce que j'aurais fait d'habitude... J'ai sûrement peur d'encore être refusée pour un film, alors qu'il s'agit probablement de ma dernière chance avant que j'abandonne définitivement ce monde qui m'a tant fait rêver pendant des années. Pour les autres auditions, je ne me suis pris que des refus.

       Je vide progressivement les trois plateaux que je tiens en parfait équilibre sur mes deux bras en faisant le tour de la salle pour servir les clients. J'ai obtenu un boulot de serveuse dans ce café restaurant il y a un an, en même temps que je commençais à enchaîner les auditions. J'ai dû trouver ce job pour que ma mère me laisse un peu de répit. Et puis, je dois avouer qu'avoir un salaire qui tombe à la fin du mois est toujours réconfortant après tous les rejets que j'ai essuyés. Ce n'est finalement que lorsque la nuit commence doucement à tomber et que les derniers clients passent la porte, que je réalise que ma journée de travail est terminée. Je jette un coup d'œil à Daphné, ma responsable, en train de discuter au téléphone. Lorsqu'elle raccroche, son attention se reporte immédiatement sur moi, tandis que je nettoie lassement les dernières tables et le comptoir.

« Pff eh bien, c'était le rush toute la journée ! soupire-t-elle. Une bonne nuit de sommeil ne me ferait pas de mal. Alors, comment se passent les recherches de rôle de ma future étoile montante d'Hollywood ?

— Je rame, lâché-je mollement. Ma dernière audition date d'il y a deux semaines, et je n'ai toujours pas de nouvelles.

— Je suis sûre que tu les as épatés cette fois.

— Tu dis ça à chaque fois Daphné, fais-je remarquer en souriant.

— Oui, mais à chaque fois j'y crois ! Ton tour viendra ma belle, la célébrité ne vient pas toute cuite dans la bouche, il faut souvent aller la chercher à la sueur de son front.

— Eh bien je commence à en avoir marre de cette galère... c'était ma dernière audition avant que je ne me tourne vers un avenir réalisable. Si je suis encore refusée, finito, j'arrête les frais !

Daphné me scrute quelques secondes, l'air inquisiteur. J'arrive à peine à soutenir son regard perçant derrière ses lunettes.

— Tu penses vraiment ce que tu dis ? reprend-elle finalement.

— Honnêtement, je n'ai pas envie, mais je ne peux pas continuer à poursuivre un mirage... »

       Elle hausse nonchalamment les épaules, signe qu'elle ne sait plus quoi dire. Du haut de ses 45 ans, Daphné est, selon moi, la plus à même de comprendre que la vie est dure et qu'il faut faire de son mieux, dès son plus jeune âge, pour s'offrir une vie confortable. Pourtant, elle m'a toujours soutenu dans toutes mes auditions.

       Je me rappelle encore la première fois que je l'ai rencontré. Elle cherchait quelqu'un pour faire le service dans son petit bar-restaurant, et moi je cherchais à me faire de l'argent. Lors de mon entretien, nous avons très vite sympathisé. Daphné trouvait mon parcours très intriguant et, après lui avoir brièvement résumé ma situation, elle a décidé de m'embaucher pour me permettre de continuer à poursuivre mon rêve. Elle est un peu comme la tante que j'ai toujours rêvé d'avoir... Respirant la joie de vivre au quotidien malgré toutes ces fois où elle se plaint de ses clients, je me dis souvent que son mari a de la chance d'avoir un véritable rayon de soleil comme elle dans sa vie.

La rançon de la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant