Quand la sortie nous tend enfin les bras, je prends une grande inspiration. Je me sentais oppressée avec toutes ces indications de partout et le monde qu'il y avait autour de nous. Très vite, je réalise que ce n'est pas spécialement mieux à l'extérieur. Il y a toujours autant de monde et à ça s'ajoute une odeur de pollution plus forte qu'à Poitiers.

— Tu as l'adresse ? je lui demande.

Il ne me répond pas et je tourne la tête vers lui, je lis un air absent sur son visage, mêlé à l'anxiété qui vient de faire son grand retour. J'aimerais tellement lui prendre toute cette charge mentale pour qu'il puisse avoir la tête et l'esprit légers.

— Eliott ?

Il secoue la tête comme s'il venait de revenir sur la terre ferme.

— Pardon, j'étais perdu dans mes pensées. Qu'est-ce que tu as dit ? me demande-t-il, gêné.
— Ce n'est pas grave, je comprends. Je te demandais si tu avais l'adresse ? réitéré-je.
— Oh, oui. Elle est quelque part dans mon portable, attends.

Il sort son portable et fait défiler la conversation avec son frère jusqu'à trouver ce qu'il cherchait. On tape l'adresse sur le GPS qui nous indique qu'ils habitent à une vingtaine de minutes à pied de là où nous sommes. Vingt minutes qui j'espère permettront à Eliott de se détendre. J'ai l'impression qu'il passe son temps ces derniers jours à osciller entre la période d'anxiété et celle où le cœur se calme et puis ça recommence en boucle.

Je sens mon portable vibrer dans ma poche au même moment que la notification qui s'affiche sur son portable. Elle vient de la conversation Whatsapp avec Louise et Matéo. Je suppose que j'ai reçu la même chose alors je ne prends pas la peine de sortir le mien. Eliott clique dessus, laissant apparaître de magnifiques photos de nos amis à la montagne. La plupart sont des photos de paysages mais parmi celles-ci se cachent des photos qui nous font bien rire, comme celle où Louise est allongée dans la neige, comme si elle venait de tomber. Son teint est rougi par le froid mais ça ne l'empêche pas d'avoir un grand sourire aux lèvres. C'est tout elle ça, toujours sourire dans n'importe quelle circonstance. C'est à la fois une belle qualité chez elle, parce qu'elle a tendance à remonter le moral de par sa joie contagieuse, mais c'est à la fois un défaut parce qu'elle a tendance à renier ce qu'elle peut ressentir pour éviter de se confronter à des choses qui peuvent la blesser. Elle tient cette technique de la période où elle se faisait harceler à l'école et je suppose que c'est devenu une habitude ancrée en elle, qui semble lui convenir. Je ne lui dis rien la plupart du temps parce que je pense qu'on a chacun sa manière de gérer ses problèmes, même si ça paraît évident qu'il y en a certaines mieux que d'autres mais si elle est heureuse comme ça, alors je suis contente.
Sur quelques photos, on aperçoit nos deux amis s'embrasser au pied du chalet dans lequel ils résident, entourés d'une vaste étendue de neige et une autre où ils se tiennent la main en marchant. Cette dernière nous fait sourire parce qu'il y a tellement de neige qu'on ne voit presque plus leurs pieds. On continue de faire défiler les photos qui sont de plus en plus belles et de plus en plus drôles, à croire qu'ils ont fait exprès de les envoyer dans un certain ordre. À la toute fin, un message de Matéo:

Matéo: Personnellement, ma préférée c'est celle où elle se prend de la neige en pleine face juste après que je lui ai envoyé une boule de neige.

On hoche tous les deux la tête comme si nous nous étions compris sans même nous regarder. C'est notre préférée aussi, Matéo, et de loin. Eliott répond un petit message pour dire qu'on est d'accord avec lui puis remet le GPS.

On prend désormais la direction de la maison de ses parents biologiques, main dans la main. J'essaye de lui transmettre ma bonne humeur et mon calme par des blagues, des sourires et des petits mots doux. D'un point de vue extérieur, ça semble fonctionner mais je sais qu'au fond, son stress ne diminue pas étant donné que je le sens toujours compresser ma main aussi fort que dans le train. Je prends une nouvelle fois sur moi et me contente de faire des petits cercles sur le dos de sa main avec mon pouce pour lui faire sentir au maximum ma présence et mon soutien.

Nos coeurs entaillésWhere stories live. Discover now