Amy

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J'ai pensé, énormément pensé jusqu'à ne plus y arriver.

J'ai appelé ma grand-mère qu'elle me ramène à la maison, incapable de marcher ne seulement quelques pas.

- Ça fait longtemps mon chéri, tu ne viens jamais me voir, c'est bien dommage.

- On ne demande pas à un égoïste de faire des choses qu'il n'a pas envie et tu le sais très bien. Arrête de me prendre pour un imbécile.

- Il s'est passé quoi dernièrement, vous avez l'air vraiment mal les garçons, ce Kyllian, je l'ai beaucoup vu ces derniers temps, c'est un bon garçon qui travaille bien, il est poli…

- T'as qu’à l'adopter, lui et sa sœur, tu auras de meilleurs petits-enfants que moi. Pas celui qui a tué sa petite sœur, ni celui qui a fait fuir ton fils et sa femme.

Ma grand-mère donne un grand coup de frein, qui me projette en avant, heureusement attaché, je serai passé dans le pare-brise.

- Si tu m'as appelé pour être méchant, je préfère que tu descendes ici.

Je ne rajoute rien, je crois que je l'ai trop ouvert depuis un moment, et même quand j'essaie, ça se retourne contre moi, du coup.

La pancarte « Court camarades, les vieux jours sont derrière toi », me fait rire légèrement, je me demande qui est cet imbécile qui a créé cette phrase dans cette maison de retraite.
Ma grand-mère m'a longuement regardé quand elle s'est stationnée devant les grilles, et j'ai fait fermer cette porte en douceur quand je l'ai entendu souffler.

La petite cour qui donne au bâtiment orange est assez déserte, peu de voitures sur le parking, mais à l'accueil de grands sourires et des bonjours de tous les côtés, les résidents sont dans leurs bulles, à jouer aux cartes, regarder la télé, discuter.

Georgette dans son fauteuil devant un échiquier qui râle face à un vieil homme qui a l'air de tricher.

- Tu aurais dû déplacer ton cavalier, ici, et après le fou, là, c. 5…

- Tu vas plutôt jouer au lieu de tout toucher ?

Je m'assois à côté du vieil homme, qui a l'air de rien comprendre à mes déplacements, et Georgette ne me donne pas vraiment de fil à retordre pour gagner trois parties d'affilée plutôt facilement.

- Tu étais parti où, petit voyou ?

- Tu essaies de me déconcentrer ?

- Non, mais tu m'as l'air bien triste mon petit, avec moins d'énergie qu'à la normale.

Son roi tombe, échec et mat, encore gagner.

- On va dire que ça a été compliqué dernièrement.

- Encore perdue. Tu triches j'en suis sûr. Raconte donc, je ne pourrais pas t'aider, mais ça m'occupe de t'écouter, pas comme Hervé qui me raconte sa vie vingt fois par jour et toujours avec les mêmes histoires.

Alors, je l'ai fait, naturellement, c'était bien plus facile que dans le cabinet de Donoré, je lui ai parlé de Mamie, de Léa, de Kyllian, de comment je me sens. Mes petites aventures avec Callie et son copain, ça l'a fait rire, je pensais la choquer par mes petites histoires, mais elle m'a rappelée qu'un jour, il fut un temps lointain, elle aussi, elle a été jeune.

Et j'ai enfin pu discuter d'Amy, en lâchant les armes, en pleurant beaucoup, mais sans m'énerver.

- Quand j'étais enfant, je n'avais pas cette morphologie, j'étais presque obèse, à l'école, on se moquait de moi, mais pas qu'eux, les adultes aussi. Que ce soit verbal ou physique, j'étais poussé, frappé, on riait quand je me changeais pour le sport, c'était juste un enfer. Mais j'avais une petite sœur, Amy. Elle se battait pour moi, c'était tout mon contraire, elle était sublime, une petite blonde mince avec ses yeux gris comme les miens, nous n'étions pas jumeaux, mais on était très connecté. On devait sortir avec l'école, Amy avait tout prévu, elle adorait ça, elle aimait les gens, elle adorait l'école, et ce jour de sortie scolaire a été le dernier.

Change moiWhere stories live. Discover now