Chapitre 18

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Je trouvais Matteo morose depuis quelques temps. A l'excitation de prolonger son séjour à Londres avait succédé une humeur en dents de scie, qui passait de la joie et la satisfaction lorsqu'il était avec nous, à un visage fermé et désabusé à chaque fois qu'il sortait de sa chambre. Parfois même simplement regarder son téléphone le faisait s'assombrir, il semblait soucieux. Je laissai passer quelques jours puis me décidai à l'interroger un midi. Est-ce que tout allait bien ?

« Oui, ça va ! Je suis super heureux d'être là.

– Ça se passe bien à ton travail ?

– Oui, mon patron est tellement content que je sois revenu qu'il m'a demandé d'être chef d'équipe. Au début il voulait que je change mes horaires, mais j'ai tenu bon pour le soir et il a accepté. Donc je suis le seul chef d'équipe avec des horaires fixes ! Et du coup le salaire est plus élevé.

– Et le travail en lui-même, ça te plaît ?

– Oui, je continue à servir les clients, mais un peu moins, et j'ai plus de travail de coordination, j'aime ça. »

Son visage ne mentait pas, parler de son job lui plaisait.

« Et tes études ? Ca s'organise bien ?

– Ça va, je commence la semaine prochaine. Je suis impatient de voir comment ça va se passer en ligne, même si j'aurais bien aimé continuer les vacances... Mais je suis super motivé, voir Steven travailler autant ça m'a même convaincu de réviser un peu le programme de l'année dernière pour me remettre dans le bain. »

Ce n'était donc ni son travail ni ses études qui le mettaient dans cet état. J'étais rassurée, j'avais eu peur qu'il ne regrette sa décision. J'allais l'interroger directement pour savoir ce qui le souciait autant lorsqu'il me donna la réponse de lui-même.

« Le seul problème en fait c'est ma copine. » Il se leva remuer la sauce des pâtes qui mijotait.

– Pourquoi ?

– Elle n'accepte vraiment pas que je sois là, chaque jour elle me le reproche. Elle me dit que je ne prends pas soin d'elle, qu'elle est sûre que je vais l'oublier... Des trucs comme ça.

– Mais tu l'appelles tous les jours, non ?

– Oui ! Même si parfois je manque vraiment de temps, je me débrouille toujours pour la skyper, et je lui envoie des petits messages dans la journée. Mais quand je la retrouve sur Skype et que je ne reçois que des reproches, vraiment c'est dur.

– Tu t'en veux ?

– Je ne sais pas. Pas exactement. » Il remuait toujours la sauce d'un air pensif. « D'un côté oui, bien sûr, je m'en veux de la rendre malheureuse à ce point. Mais de l'autre, je trouve qu'elle exagère. Je le sais qu'elle préfèrerait que je sois avec elle, pourquoi me le répéter chaque jour ! Et pourquoi me faire culpabiliser comme ça ! Surtout que maintenant c'est fait et que je ne le regrette pas du tout. »

Il éteignit le feu, égoutta les pâtes et y versa la sauce. Je n'osai poursuivre la conversation de peur de couper la confession.

« Quand je me réveille le matin et que je vois où je suis, que je pense à ce qui m'attend dans la journée, je suis super heureux. Puis je regarde mon téléphone et je vois les messages qu'elle m'a déjà envoyés. Et là, fini, je n'ai plus aucune motivation, plus envie de rien.

– Tu as envie de la retrouver dans ces moments là ?

– Pas du tout ! Je me dis juste que je n'aurais pas dû regarder mon téléphone ! » Il riait mais je sentais l'amertume de ses propos.

Une maison à LondresWhere stories live. Discover now