aimer quelqu'un comme moi

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Parfois, j'ai du mal à vivre.
De façon générale, la vie est vachement dure pour moi.
C'est comme un putain de grand huit.

Au début, on trouve ça drôle et l'on rit à gorge déployée sur ce manège.
On est euphorique, on voit le monde à toute vitesse, et même à l'envers.
Qu'est-ce que c'est drôle !
Il y a ces gens dans le même bateau, ils ont beau n'être que des inconnus, ils deviennent soudainement des proches puisque vous partagez ce brin de folie ensemble.
Qu'est-ce que c'est drôle !

Jusqu'à ce que ce grand huit ne s'arrête jamais.
La machine s'était arrêtée pour laisser ses passagers descendre.
Puis, l'on voit tous ces gens qui étaient avec nous tantôt s'éloigner pour rejoindre la terre ferme.
Mais pour une raison quelconque, je suis resté dans ce manège.
Je n'ai jamais su comment le quitter.

Je vois ces gens monter puis descendre sans jamais m'accorder la moindre attention, alors je reste seul dans cette attraction qui avait pour habitude de me faire rire.
Maintenant, je n'esquisse plus de sourire puisque je connais ce jeu par cœur.

Je reste assis, sans la moindre émotion, les bras le long de mon corps tandis que les autres les lèvent et crient à plein poumon, exprimant leur joie.
Qu'est-ce que c'est drôle !

Le monde a arrêté de m'aider il y a bien longtemps maintenant.
Qu'est-ce que c'est drôle !

J'étais assis nonchalamment sur le canapé dans ma chambre, un livre à la main, lunette sur le nez, j'essayai de m'occuper l'esprit.
Je ne voulais pas penser au temps, je ne voulais pas avoir à patienter comme un con.

Je détestais montrer mon impatience à aller à ces rendez-vous.
Il n'y avait pas de réelle raison derrière.

Hélène finit par rentrer dans ma chambre.
Celle-ci était vraiment propre, tout était à sa place, que ce soient les vêtements, la bibliothèque, ma collection de disques vinyles ou même mon matériel de peinture.
Tout était à sa place.
Et ça me surprenait à chaque fois que j'arrivais à maintenir cette pièce propre malgré ma santé à moi.

Elle jeta un coup d'œil à la pièce et son regard s'arrêta sur mon dernier dessin posé sur mon bureau.

- C'est vraiment beau. Dit-elle. Très saisissant.

Elle s'en approcha à reculons, comme si elle était soudainement confrontée à l'une de ses plus grandes peurs et toucha le papier du bout des doigts.
J'avais souvent l'impression que les gens étaient confrontés à eux-mêmes lorsqu'ils regardaient mes œuvres.

Je ne savais pas si je trouvais ça positif ou négatif. Du moment que je provoquais quelque chose en eux, je trouvais ça suffisant.

- Le regard est très perçant. Ajouta-t-elle. Je sens beaucoup d'amour dans ses yeux.

Le dessin n'était rien d'autre que le regard de Khosi.
Je n'avais pas dessiné son visage, son corps ou quoi que ce soit, hormis ses yeux lorsqu'ils se posaient sur moi.

J'avais pris en photo dans ma mémoire, le moment où elle m'avait dit "Concentre-toi sur le rayon de soleil assis à côté de toi", et j'avais retranscrit ce regard-là.

Tout ce que ses yeux avaient pu me montrer ce soir-là, je l'avais mis sur papier.

- C'est qui ? Finit par demander ma sœur.

- Pourquoi tu demandes ? Répondis-je.

- Pour savoir d'où t'es venu cette soudaine inspiration. Me dit-elle. C'est pas tous les jours que tu nous montres de l'amour sur tes peintures.

FRÔLE-MOI LE CŒURWhere stories live. Discover now