.... peut-être que si

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S'il y avait un moyen de me faire disparaître dans l'immédiat, j'étais preneuse.
J'étais assise dans la salle de conférence, face au danseur que je ne voulais plus jamais revoir. Qu'est-ce que j'avais fait pour mériter ça au juste ? Si je n'avais pas la langue aussi trempée, ça ne me serait probablement pas arrivé. J'en étais convaincue.

Tout le monde prenait part à la discussion et moi, j'étais comme figée, trop choquée pour faire quoi que ce soit.
Pour être honnête, je ne savais même pas de quoi nous parlions. J'avais toute mon attention reportée sur le fait que je venais de faire la chose la plus embarrassante de toute ma vie.
Le ridicule ne tuait pas après tout, qu'est-ce qui pourrait arriver de pire ?

Il était en danse et moi, j'étais dans le théâtre/acting. Au pire des cas, s'il participait dans la pièce, il n'aurait aucune grande scène puisqu'il ferait partie du groupe de danseur que nous allions sélectionner pour certains moments.

Je ne risquais pas de le voir souvent aux répétitions.

- Khosi, t'es avec nous ? M'interpella Leila.

- Oui, tu disais.

- On parlait de ta scène de danse contemporaine, elle sera avec Valentin. Répéta-t-elle.

- Qui est Valentin ? Demandai-je.

- Moi. Répondit le jeune homme en face de moi, sourire aux lèvres.

Si le ciel pouvait me tomber sur la tête, j'aurais accepté.

Que je m'embarrasse devant lui était une chose, mais si en plus, je devais travailler avec lui.

- Oh, je vois. Soufflai-je.

- On l'a pris parce que c'est le meilleur danseur contemporain de son département et pour ce moment-là particulièrement, vous iriez très bien ensemble. Expliqua Dante, un des amis de Leila, et aussi membre du conseil des élèves.

Je l'avais vu de mes propres yeux et il était clair que c'était le meilleur danseur de tout l'établissement.
C'était tout simplement indéniable.

- Je pensais que c'était un moment complice entre les deux protagonistes. Remarquai-je.

- Oui, c'est ce qui était prévu. Tu danses bien puisque t'as fait de la danse avant, mais pas Léo. Dit Dante. Le gars a deux pieds gauche sans vouloir être méchant.

C'était un peu méchant mais pas faux.
Dans tous les cas, dès que Dante disait "sans vouloir être méchant", il fallait s'attendre à quelque chose d'un peu mauvais même si cela restait vrai.

- À la place, on changera ça en une scène où tu exprimes les sentiments que tu ressens envers l'autre personnage principal. Valentin sera une sorte d'illusion de Léo dans ta tête. Ajouta Lonnie. T'es le personnage principal donc on voulait vraiment accentuer sur tout ce qui pourrait se produire dans ta tête.

L'idée était vachement bien, je l'aimais beaucoup. J'étais même assez heureuse de travailler avec Valentin. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser à ce qu'il s'était produit plus tôt, j'avais encore honte.

- T'en dis quoi ? Me sonda Lonnie.

- C'est... Une super bonne idée. Finis-je par dire. J'ai hâte de commencer à travailler dessus.

- Ça tombe bien, vous avez du pain sur la planche. Déclara Leila.

- On vous laisse pour que vous puissiez parler des arrangements à deux. Annonça Dante.

- Vous n'êtes pas censé travailler dessus avec nous pour voir si ça correspond à vos attentes ? M'étonnais-je.

- On vous fait confiance et surtout, on veut que vous nous en mettiez plein la vue. Répondit Lonnie. Si on sait déjà à quoi s'attendre, ça perd de sa beauté.

- Exactement, on vous a donné l'idée principale maintenant débrouillez-vous avec. Commenta Leila.

- N'oubliez pas qu'il y a une histoire derrière. On veut de la profondeur, des larmes, de l'amour, de la tendresse et toute la compagnie des sentiments. Ajouta Dante. Je veux pouvoir chialer en criant à quel point j'aime l'amour quand je vous regarde, sinon c'est pas bon.

Gé-nial. Moi qui cherchais un moyen de ne pas me retrouver seul avec lui, c'était complètement planté ! 

Sur ces belles paroles, les trois lycéens quittèrent la pièce, me laissant seul avec le roux.

Il y eut un long moment de silence, durant lequel je fixais le sol, n'osant pas affronter son regard.

J'avais rêvé de ce rôle depuis si longtemps, mais je n'avais pas envisagé qu'un tel scénario puisse se produire.
C'était bizarre cette timidité soudaine et cette maladresse qu'il provoquait en moi. J'étais une personne relativement confiante dans la vie de tous les jours, mais mon cerveau allait dans tous les sens depuis que je l'avais vu. 
Pourtant, il dégageait une bonne onde, il n'avait pas l'air bien méchant. Il avait un sourire absolument adorable, très chaleureux. Ses joues ressortaient légèrement, j'avais envie de les pincer. C'était juste moi le problème. 

- Tu comptes regarder le sol encore combien de temps ? Demanda-t-il.

J'entendais à sa voix qu'il était amusé par la situation et je ne l'étais pas du tout.
Tout ce qu'il restait de moi n'était que la honte.

Je relevai la tête pour le regarder droit dans les yeux.

- Mettons-nous au travail, j'ai plein de trucs à faire. Décrétai-je en baillant.

- Regarder les danseurs et prendre la fuite en fait parti ? Se moqua-t-il.

- Tu te crois drôle peut-être ?

- Un chouïa.

- C'est déjà trop pour toi. Fis-je.

- Aoutch, tu m'as fait mal là ! Fit-il. Je croyais que les élèves qui faisaient du théâtre étaient gentils avec un bon sens de l'humour.

- T'inquiètes pas que je le suis. Juste pas avec toi. M'indignai-je.

- J'ai droit à la méchanceté gratuite. Analysa-t-il. J'aime bien. 

Il souriait toujours mais légèrement. 

- Ça va être long cette histoire de chorégraphie. Murmurai-je en me frottant le visage.

- Avec moi ? J'crois pas non. Déclara-t-il, sûr de lui.

- J'te donne 5 mois pour m'apprendre ta chorée parfaitement. Fis-je.

- Ce ne sera pas nécessaire, trois mois et demi et ce sera affaire réglée. Répondit-il, très sûr de lui.

- T'es toujours aussi confiant dans la vie de tous les jours ?

- T'as encore rien vu. Répondit-il. Bon, deal ou pas ?

- Deal. Acceptai-je. Si tu ne réussis pas en trois mois et demi, j'ai le droit de te demander un truc.

- Deal. Approuva-t-il. Si je réussis, c'est moi qui ai le droit à un vœu.

Je lui tendis mon auriculaire pour qu'il le scelle avec le sien, afin de rendre ce pari officiel.

J'aurais dû comprendre que peu importe qui gagnerait, à la fin, nous aurions le même vœu. En scellant nos doigts, nous avions scellé notre futur à deux.

Pour le meilleur et surtout, pour le pire.

- Au fait, moi, c'est Valentin. Dit-il.

Et il prit la fuite juste comme moi avant.
Sauf que je l'entendais rire à l'autre bout du couloir.

Quel chien.

FRÔLE-MOI LE CŒURWhere stories live. Discover now