Il s'étonna surtout de ne pas voir auprès d'elle son chien de garde, Evgenia Klobber, l'entraîneuse spartiate, réputée comme étant la plus intraitable de tout le circuit du patinage. Après un regard à la ronde, il la repéra néanmoins un peu plus loin, en grande conversation avec un interlocuteur inconnu.

Stefan Pavnic introduisit d'abord Milan au Coordinateur de l'équipe Moldave, Vasile Dumitru. C'était un jeune homme agité, à la peau foncée, aux cheveux courts et noirs, aux sourcils charnus, qui de toute l'équipe semblait le plus affairé. Il s'occupait de leurs relations publiques autant que des questions de logistique. Quand bien même il se trouvait face à l'invité de Stefan Pavnic, Vasile Dumitru ne pouvait s'empêcher de pianoter presque en continu sur son téléphone, et de s'écarter tout aussi régulièrement pour répondre à un appel, ou à en passer d'autres à son tour. Il n'avait de cesse de proférer des mots d'excuse pour ses absences.

Pavnic n'en faisait guère façon, cela semblait lui paraître normal. En revanche, il se permit d'interrompre la séance de massage de la jeune athlète auprès du kinésithérapeute, un grand individu très maigre, pour présenter officiellement Milan Lazsco à Irina. 

Le matin, les deux s'étaient vus très rapidement. Cette fois, Milan fut explicitement désigné comme le protecteur attitré de la jeune championne.

Cette dernière reçut l'information sans donner signe de réaction, ni positive ni négative, semblant indiquer qu'elle lui était égale.

  – Pendant combien de temps ? demanda-t-elle seulement.
  – Aussi longtemps qu'il le faudra, dit Stefan Pavnic.

La jeune femme avait surtout l'air distraite, elle jetait des regards fréquents vers son entraîneuse, comme si elle rechignait à s'exprimer sans la présence du mentor. Autour de son cou, les écouteurs continuaient à les arroser de notes de musique étouffées.

Au troisième regard subreptice, Milan fut intrigué et lorgna lui aussi en direction de l'entraîneuse. Au milieu des athlètes et des personnels techniques, il assista alors à distance à une scène étrange. Evgenia Klobber, tournant le dos, leva brusquement les bras, geste auquel l'interlocuteur en face d'elle réagit par un mouvement de recul. Pour autant, aucune effusion sonore ne troubla le bruit de fond des vestiaires, et personne ne leur prêta d'attention. Le va et vient générait un brouhaha au travers duquel leur échange passait inaperçu.

Puis Evgenia Klobber reprit sa posture normale, et alors l'interlocuteur tira sa révérence, un air mi satisfait mi inquiet sur le visage. Seulement à cet instant Milan comprit que l'individu ne faisait partie d'aucune équipe sportive. C'était un sponsor si l'on en croyait tant son attitude que son costume clinquant. Il devait avoir la cinquantaine et sa moustache dénotait une certaine suffisance.

L'entraîneuse fit ensuite demi tour, pour rejoindre sa protégée en claudiquant. Elle ne semblait pas très heureuse, et son visage se ferma encore davantage lorsqu'elle aperçut Milan Lazsco.

– Pourquoi il est là ? demanda-t-elle d'un ton accusateur en désignant Milan. Je croyais que son service ne commençait que demain.

– Je veux faire les choses officiellement, dit Stefan Pavnic en conservant son attention sur la patineuse. Comprends-tu, Irina, pourquoi nous avons fait appel aux services d'un spécialiste ? 

– Pour que je n'aie à m'occuper que de la compétition, dit la jeune athlète, sur un ton de leçon bien apprise, qui ne leurrait ni Milan ni son mentor sur le peu de valeur qu'elle portait à ces paroles.

– Nous ne sommes pas certains qu'il y ait un danger, mais s'il existe, toutes les précautions doivent être prises.

– Evgenia est là pour moi.

Milan Lazsco : La Dette [E4 Quadrilogie du vampire] en  coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant