Chapitre 27

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Je croise les bras, signe que je prends racine à attendre devant le bâtiment.

Les soldats dînent autour d'un feu de camp et j'envie l'odeur qui se dégage de leur grillade. L'un d'eux a annoncé à voix haute qu'ils seraient tous en route demain matin et maintenant, ils fêtent ça. Peut-être bien que la nationale va être praticable plus tôt que prévu ? Ce qui m'arrange. Si je peux être à Bangalore demain soir, ce serait idéal... Le soleil est encore présent, mais en total déclin. Une seconde journée à Netkal vient de s'achever.

C'est passé si vite.

Trop vite ?

— Tu attends qui ?

Mes yeux se posent sur Tanveer qui vient de prendre la parole et qui adopte la même posture que moi. Debout, dos contre le mur du bâtiment hospitalier, regard perçant qui patiente. Je me retourne pour lancer un coup d'œil à l'entrée, mais rien ne se passe. Personne n'entre, personne ne sort.

— Shakti, finis-je par énoncer.

Le chaos de ce matin a disparu et les choses sont désormais bien plus calmes. Une bonne partie des habitants s'en est allée après avoir reçu les premiers soins, parce qu'ils ont de la famille ailleurs ou encore des connaissances prêtes à les soutenir. Le reste a investi toutes les pièces vides qui n'ont pas encore été aménagées. Les médecins et infirmiers venus de l'autre hôpital sont, pour la plupart, reparti également - dans une des ambulances que Tanveer voulait emprunter. C'est loin d'être terminé, mais l'urgence semble être passée.

Du moins, jusqu'à la prochaine fois. Quand la rivière fera de nouveau des siennes, que les orages reviendront en puissance. Tout recommencera sans doute, mais ils seront tous bien mieux préparés.

Cet hôpital est en réalité une ancienne école que le gouvernement n'a jamais terminé de construire. Un changement politique dans la région a révélé la corruption du chef du parti qui s'est ensuite barré à l'étranger pour éviter de finir sur un bûcher. Tante Bhavani ainsi que d'autres chefs de villages voisins se sont réunis afin de décider de la suite et de la manière de faire évoluer les choses pour les générations à venir. C'est alors que sa fille et deux de ses amis ont décidé de réinvestir les lieux pour en faire un centre médical. Le projet a été approuvé et pris en charge par le directeur actuel, le Monsieur Atish dont parlait Tante Bhavani.

Je pensais naïvement que Netkal se trouvait au milieu de nulle part. Mais d'un point de vue géographique, il semblerait que cet hôpital soit idéal pour un très grand nombre de personnes. Une pépite financière pour le directeur, mais ils sont encore loin d'avoir réussi à tout mettre en place. Il y a deux salles d'opération fonctionnelles pour trois chirurgiens, un médecin généraliste et une pharmacie en cours d'aménagement.

Pour eux, l'accès aux soins est une priorité. Une école finira par ouvrir ailleurs, si la génération de Shakti s'en est sortie même avec 2 heures de route chaque matin, la nouvelle peut aussi le faire. Quoi qu'il arrive, c'est une situation temporaire et ils sont tous d'accord pour décider ensemble des démarches à suivre - mais surtout, pour éviter de se faire avoir par une ou plusieurs personnes avides de pouvoir.

— Tu peux attendre Ayaat, aussi ? Elle ne va pas tarder.

Je sais qu'il aimerait revenir ici plus tard, non seulement pour continuer à donner un coup de main, mais aussi pour être sûr de ne manquer aucune information concernant le bus. Il n'a pas arrêté de la journée, et l'attente n'est clairement pas une chose facile pour lui.

— Si tu...

Un policier au faciès familier me coupe.

— Hé ! Le drogué ! Inspecteur ! Ils sont là ! Bon sang, je suis un vrai génie, se félicite Girish, le flic que Tanveer a frappé la veille.

Netkal : le dernier voyage de Sooraj.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant