Netkal : le dernier voyage de Sooraj.

Chapitre 22

Aucune cellule de mon corps n'a été conçue pour le sport.

Je n'ai pas de force, pas de souffle et retenir des règles relève pour mon cerveau du miracle. Déjà gamin, une sieste me parraisait plus avantageuse que de sortir dans la rue et me faire des amis. Combien de fois me suis-je écroulé avant même de lancer la balle juste pour aller piquer un somme sur la chaise bancale du rez-de-chaussée ? Le vieux Sharma avait des livres illustrés trois fois plus intéressants qu'un Pithu Garam¹ épuisant. Pas étonnant qu'être invisible pour moi est devenu un jeu d'enfant.

Me demander de faire un effort physique me pousse à retourner dans les bras de Morphée et ça n'a pas changé. Sauf que la situation est différente. Je ne peux pas refuser la demande de Shakti et m'accroche au ballon lorsque nous arrivons derrière l'hôpital. La grande cour est l'espace idéal pour que les jeunes lâchent prise. Rien de mieux qu'un match improvisé pour se détacher des catastrophes subies. Nous avons ensuite bidouillé des faux buts à l'aide de pierres et de branches, et Shakti a rejoint le reste de l'équipe médicale.

Je crois que c'est la première fois depuis mon arrivée à Netkal que je prends vraiment du plaisir à faire quelque chose. Ce n'est pas uniquement parce que je suis à l'extérieur et que les enfants sont adorables. Que j'aime cela ou non, le sport fédère. Il réunit. Faire partie d'une équipe, c'est comme faire partie d'une communauté.

Aussi, mon instinct paternel a automatiquement pris le dessus. Prendre le contrôle de la situation n'a rien de compliqué face à ce petit groupe. Dégouliner de confiance et de joie de vivre, c'est tout ce que j'ai à faire pour que la journée se passe bien.

— Par ici, le vieux ! m'ordonne le jeune Ram dans l'espoir de marquer un but. Il fonce à toute vitesse une fois la balle en sa possession, mais l'ennemi n'a pas encore dit son dernier mot.

Les garçons sont impitoyables, mais les filles ont un très bel esprit sportif - elles ne sont que six, mais Ameera, la plus grande, est très douée. Elle vient de voler le ballon à Rohit avec un mouvement bien maîtrisé, prouvant son expérience dans le domaine. Pour que l'amusement soit total, les équipes sont mixtes et j'ai rejoint celle où il manquait un joueur. Après plusieurs plaintes, tout le monde a rapidement réalisé que j'étais loin d'être une carte joker.

Les nuages ont complètement disparu maintenant, laissant le soleil frapper fort sur nos têtes. Un type à la jambe cassée nous regarde, assis à l'ombre, de l'eau à ses côtés pour les enfants. Je l'entends parfois s'exclamer durant le jeu, s'improvisant comme notre arbitre avec son accent anglais bien prononcé.

— 6-0 ! annonce l'inconnu, frappant des mains.

— Bien joué, Ameera ! dis-je, plutôt ravi par son tir, mais je n'ai pas le temps de la rejoindre que deux gamins me renversent. Les coquins ! Je mords la poussière, mais avec un rire tellement contagieux que les autres oublient le ballon pour me sauter dessus. L'une des filles en profite pour me pincer les joues - j'ignore pourquoi c'est si amusant.

— Aïe, Aïe, Aïe. C'est bon ! C'est bon !

Je cède, signalant ma résignation comme le font les lutteurs et plusieurs jeunes se lèvent. Je suis désormais l'homme poussière et je me secoue comme un chien pour essayer de faire partir les autres. Mission accomplie après quelques mouvements des plus charmants qui ne manquent pas de faire rire les plus petits. Sans attendre mon approbation, le jeu reprend de plus belle. Je décide donc de m'éloigner, m'installant sur les marches de l'hôpital, exactement là où Shakti fumait sa cigarette hier, juste à côté du patient plâtré.

— Pas trop fatigué ? me demande-t-il.

J'ai un peu de mal à comprendre ce qu'un NRI  fait ici. Peut-être qu'il a eu un accident de la route durant un voyage dans la région, ou quelque chose comme ça ? De la famille, peut-être ? Des grands-parents qui ont souhaité la visite d'un petit-fils qui a du succès, une autre vie à l'étranger, et qui, trop souvent, néglige sa famille ?