CHAPITRE DEUX

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 La nouvelle de mon futur mariage avec le prince Euryanax était vite arrivée aux oreilles de ma mère. Le soir même, alors que j'étais seule dans ma chambre, ma mère était venue me rendre visite pour s'assurer que tout allait bien.

« Ce n'est qu'une mauvaise période à passer, ma fille. » M'avait-elle dit.

Mais elle ne comprenait pas : ma mère avait toujours été folle amoureuse de mon père, alors ça ne lui avait posé aucun problème de l'avoir épousé à un âge précoce. Mais moi, épouser un homme qui a le double, voire le triple de mon âge ne me donnait pas envie.

« Tu ne comprends pas, maman. » Lui dis-je, l'air excédé. « Je ne peux pas épouser cet homme, il va me violenter. »

« Seulement si tu te comportes mal avec lui. »

« Il va me violer. »

« Mais il te donnera des enfants, et tu te raccrocheras à eux. »

J'étais presque choqué ; ma mère, sans réellement s'en rendre compte, était tout aussi pire que mon père.

« S'il veut que je devienne une princesse de Sparte, qu'il me laisse épouser le prince Nicias. Je promets d'être une épouse exemplaire avec lui... »

« Mais le prince Nicias ne sera jamais roi. »

« C'est toi qui m'avais dit que c'était un bon parti. »

« C'était pour t'encourager à lui parler. »

Décidément, j'étais vraiment seule contre tous...

« Ecoute ma chérie, » Fit ma mère d'une voix douce en caressant ma joue. « Tu es Agria, princesse de Corinthe, il est de ton devoir d'épouser un roi et de devenir reine... »

« Et si je ne voulais pas devenir reine ? »

« Tu es... Tu es une femme, tu n'as pas à choisir ton futur. Ton père fait tout pour toi, ma chérie. »

Je suis une femme, donc je dois me taire et me soumettre. C'était que sous-entendais ma mère. J'étais agacé par ce qu'elle me disait. Comment une mère pouvait dire cela à sa propre fille ? Elle n'était même pas de mon côté, et elle se fichait bien de ma souffrance.

Je la vis se relever après m'avoir embrassé le front.

« La nuit te portera conseil, ma fille. » Dit-elle avant de me laisser seule.

Mes yeux se fermèrent. Je serrai les poings si fort qu'ils me faisaient souffrir. Mais ils ne me faisaient pas aussi mal que mon coeur à cet instant. Mon père m'agaçait, le prince Euryanax m'agaçait, la reine m'agaçait, ma mère m'agaçait, tout m'agaçait.

Mon père m'agaçait d'être autant attiré par le pouvoir. J'espérais au fond de moi qu'un jour, mon père serait puni par les dieux pour être autant attiré de pouvoir. Le prince Euryanax m'agaçait d'être ce genre d'homme qui prenait de haut les jeunes femmes, et il m'agaçait d'être l'ainé de sa fratrie. La reine m'agaçait d'être finalement comme toutes les autres femmes, à vouloir marier ses enfants à tout prix. Ma mère m'agaçait de ne pas me comprendre. Peut-être que ces rumeurs étaient vraies. Après tout, peut-être que ma mère était véritablement faible d'esprit.

J'espérais que les dieux n'aient pas entendus mes pensées, je ne voulais pas que l'on sache que j'avais manqué de respect à ma mère.

Sur ma paillasse, je me recroquevillai sur moi-même et tentai tant bien que mal de trouver le sommeil, mais en vain. Je restai une bonne partie de la nuit allongée dans le noir, seule, confrontée à mes pensées.

Chroniques des Mythes Oubliés Tome 1 : La Fille des GuerriersWhere stories live. Discover now