Chapitre 28 - Matera : Hommage et mise à nu (partie 2)

25 6 16
                                    

— Je te le promets.

Nous nous contemplons un moment. C'est dingue, les silences n'ont rien de gênant avec elle. Je ne saurais d'ailleurs pas en estimer la durée, car ses yeux me font perdre toute notion du temps. Je ne sais pas si c'est la meilleure chose à faire sachant qu'il ne me reste qu'une nuit avant de repartir, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je suis fasciné par son regard et par l'aura qu'elle dégage, ce mélange de douceur et de détermination, de fragilité et de force.

Lorsqu'elle s'avance de quelques centimètres, mon cœur commence à s'emballer. Son rapprochement subtil, presque imperceptible, ne m'a pas échappé. Mon corps est empli d'une énorme bouffée de chaleur, mêlée d'excitation et d'appréhension. Une seule question résonne désormais dans mon esprit troublé.

Me désire-t-elle comme je la désire ?

Depuis que nous sommes réunis, j'ai si peur de faire un faux pas que je n'ose rien. Il faut dire qu'au-delà d'un potentiel rejet, c'est aussi de moi-même, dont j'ai peur. En admettant qu'il se passe quelque chose, comment vais-je gérer l'après ? Lorsque je serais contraint de rentrer en Colombie et qu'elle restera ici ? J'ai déjà eu tant de mal à quitter les amis que je m'étais faits durant ce voyage... La perspective de laisser derrière moi une personne dont je suis tombé amoureux me terrifie encore plus que tous les défis de cette foutue liste.

— Tu as peur, Samuel ?

Dios Santo, cette fille lit en moi comme dans un livre ouvert. C'en est presque effrayant.

— Non, rétorqué-je avec toute la mauvaise foi du monde.

Stella acquiesce d'un sourire amusé, avec l'air de quelqu'un qui ne croirait pas un mot de ce que je dis. Et elle a bien raison.

Je ne suis définitivement qu'un trouillard.

Cette petite voix perfide, qui semblait m'avoir laissé tranquille depuis un moment, profite de ce moment de doute pour s'immiscer en moi. Je déteste la saveur amère qu'elle me laisse sur le palais.

En face de moi, Stella détourne le regard pour terminer la tartine entamée qu'elle avait posée sur ses genoux. Le fait qu'elle brise ainsi notre contact visuel m'emplit d'une étrange vague de froid. De déception, sans doute.

Je réalise alors que je me trouve dans un moment clé, l'un de ces instants où tout est possible. Ces points de battement sont rares et fugaces. Si je ne saisis pas ma chance maintenant, elle s'envolera, emportant avec elle mon dernier espoir de connaître ce qui se cache au bout du virage. C'est comme si je me trouvais à la naissance d'un embranchement et que deux chemins s'offraient à moi. Je peux choisir d'emprunter la voie de l'audace... Mais, si je n'en fais rien, la vie me poussera automatiquement sur l'autoroute de la routine et du confort. Celle que j'ai toujours empruntée.

Une fois son reste de tartine terminé, Stella relève la tête et pose de nouveau ses yeux envoûtants sur les miens. En l'observant, je décèle sur la commissure de ces lèvres une petite tâche de pesto. Cette subtile goutte perlée ressemble presque à une invitation, un signe me criant de me lancer. Alors, sans réfléchir, je retiens mon souffle et approche mon pouce droit de sa joue. Tout doucement, je commence par venir caresser sa pommette gauche parsemée de taches de rousseur. Immobile, Stella plonge son regard dans le mien.

Mon pouce termine sa trajectoire au bord de ses lèvres, où il vient essuyer la goutte. Je le ramène alors vers ma bouche, comme elle l'avait fait au cours de cette fameuse dégustation d'escargots.

— Mmh, c'est vrai que le pesto est bon, observé-je.

Stella, qui saisit mon clin d'œil, se met à sourire.

Samuel et l'air de l'incertain [Terminée]Where stories live. Discover now