Chapitre 4 - Airplane to hell, ou un vol en enfer

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Qu'est-ce que c'est que ça ?

Alerté par le vrombissement de l'énorme avion dans lequel je suis assis, je lance des coups d'œil furtifs aux autres passagers. Pas l'ombre d'un sourcil haussé ni d'une main crispée. Tout le monde semble totalement serein. À croire que je suis le seul à me soucier de ce qui est en train de se passer.

Je baisse les yeux en direction du sol, qui tremble chaque fois plus fort. Mon regard anxieux croise les perles en bois du rosario d'Abuela Dionisia. J'ai beau avoir en elle une confiance aveugle, il n'y a pas de doute : dans une telle situation, ce bracelet ne me sera d'aucune aide.

Le vrombissement redouble d'intensité, générant des secousses apocalyptiques dans toute la carcasse de l'appareil. Le verre d'eau qui repose sur la tablette voisine entre dans une espèce de transe mystique. Mon voisin de siège, un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux plaqués en arrière, l'observe dans la plus grande des indifférences. J'ai beau essayer, je ne comprends pas comment c'est possible d'assister à une scène si inquiétante en direct sans rien faire.

Oh non, je sais. Ils ont été drogués !

Pris d'une bouffée de panique, je me repasse le film de ma venue jusqu'ici et, soudain, tout fait sens. Je me souviens qu'à l'entrée de l'avion, les stewarts ont proposé aux passagers des sortes de bonbons. Pour ma part, j'étais tellement préoccupé par le vol qui m'attendait que j'ai décliné leur offre.

Ces bonbons pourraient-ils contenir une substance occulte ? Un genre de somnifère qui nous plongerait dans un état d'indifférence totale à notre environnement ? Nerveux, je baisse les yeux. La main de mon voisin de siège, ornée d'une énorme montre, laisse entrevoir l'emballage vide du bonbon meurtrier.

Oh. Mon. Dieu.

Je tourne la tête dans tous les sens. L'expression qui anime mon visage doit être à mi chemin entre celle d'une carpe et d'une biche prise dans les phares d'une voiture. Tout autour de moi, je ne croise que des visages las. Certaines personnes sont même endormies. Endormies ! La drogue commence déjà à faire effet !

Il faut que je fasse quelque chose. Je suis peut-être le seul encore conscient. Si nous sommes les cobayes d'une expérience clandestine et que nos vies sont menacées, je dois tenter d'agir avant qu'il ne soit trop tard !

Les secousses s'intensifient. Le gobelet de mon voisin, semblable à un verre de cristal sous le chant d'une castafiore, est à deux doigts de l'implosion.

— Madame, madame ! S'il vous plait !

Mes cris font sursauter mon voisin de siège. Alertée, l'hôtesse de l'air qui se tenait debout à quelques mètres s'approche. Sa démarche est si fluide qu'elle paraît presque en lévitation. Âgée d'une trentaine d'années, ses cheveux retombent autour de son visage lisse dans un carré plongeant impeccable.

— Que se passe-t-il, monsieur ?

— Ces secousses, ce n'est pas normal ! Il faut faire quelque chose, aidez-moi !

L'hôtesse me fixe d'un regard perplexe.

— L'appareil est en mise en marche, monsieur. Tout va bien, ne vous en faites pas.

Sa voix apaisée, semblable au chuchotement d'une rivière, me rappelle celle des gares ou des annonces publicitaires. Comment est-ce possible de rester aussi calme ? Et c'est sans compter sa frange qui, bien que nous soyons secoués dans tous les sens, ne bouge pas d'un millimètre.

Frappé par ce qui s'apparente à une révélation divine, je m'exclame :

— Vous êtes un robot ! Un robot programmé pour rassurer les cobayes pendant l'expérience !

Samuel et l'air de l'incertain [Terminée]Where stories live. Discover now