Chapitre 18 : Immunisée

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Les mains serrées contre mon bol de thé chaud, je médite tout sauf les évènements de la nuit, assise sur la marche d'accès au jardin. Enveloppée dans un pull de laine rouge trouvé dans une penderie, j'observe le brouillard se déplacer, cherchant des forme dans les brumes. 

— Salut ! 

Je tourne la tête pour dévisager l'inopportun, venu me déranger. Adeline me sourit timidement. Je me pousse pour lui faire une place. 

— Ca va ? 

Je lui demanderais bien si elle a bien dormi mais j'imagine que ça serait mal accueilli. Elle hoche la tête. L'odeur du café émanant de son visage me fait grimacer. Je déteste cette odeur. Ma mère n'en buvait jamais et s'en plaignait tout autant que moi lorsque mon père faisait couler le sien, le matin. Pourtant après sa mort, la cafetière n'a jamais bougé.  

— Où est Cameron ? 

Je lui montre le toit d'une main tout en me délectant de mon thé au jasmin. Il est comme chaque matin en train de fumer sa clope en compagnie du lever de soleil. Adeline expire un grand coup, les yeux fermés, un air de tranquillité peint sur le visage.

— Ca fait tellement du bien de ne plus craindre le bruit des avions et des bombardements... 

Je la regarde, étonnée. J'imagine que tous les Alementas du Camp Septentrional l'ont remarqué - difficile de passer à côté - mais elle a la première à avoir le cran de le formuler à voix haute. Après j'ignore si les autres persistent à garder la tête dans le sable, ou s'ils pensent que taire l'évidence la rendra plus discrète. 

— J'imagine... commencé-je avant de me reprendre. En fait, non, je n'imagine pas, mais je peux comprendre que cela soit déstabilisant. Voir tout ce que l'on croyait connaître s'effondrer est effrayant, surtout lorsqu'il dévoile un noir abyssal. 

— Tu parle d'expérience ? 

Je tourne la tête pour croiser son regard café plein de curiosité. 

— Comment ça ? 

— J'ignore comment vivent les Alementas hors des camps, mais tu as découvert ta nature tardivement ? 

— Oh non, ma mère a toujours été honnête et clair là-dessus. 

— Et ton père ? m'interroge-t-elle. 

— Il est mort, il y a deux ans. Me reléguant son don également. 

— Qui est ? 

J'hésite, les lèvres pincées. Je n'ai encore dévoilé à personne d'autres que Lyanna et Cameron mon second don et je ne sais pas pourquoi à cette idée, un malaise m'emplit. Adeline doit remarquer mon trouble car elle n'insiste pas et détourne le regard. Des pas et des voix résonnent dans notre dos, venant de l'intérieur de la maison. Je me décale pour permettre aux gens de passer tout en protégeant ma tasse. Je la finis au moment où Cameron atterrit dans les graviers avec la même souplesse que d'ordinaire. Je me lève en m'étirant.

- Bien dormi ? lance innocemment l'Alementa de l'Ombre à la cantonade. 

Un nuage passe et une pluie de regard mauvais lui tombe dessus alors que son sourire à lui s'agrandit. Je secoue la tête, amusée. Il faut dire que l'après illusion a été plutôt sympa... Après moult braillements auxquels l'Alementa de l'Ombre a répondu avec le plus grand des calmes, tout le monde a fini par retourner se coucher. Et je pense que s'il est un peu tôt pour en plaisanter aussi ouvertement, chacun a compris l'enjeux de ce test et au fond, se doutait que quelque chose de ce genre finirait par leur tomber dessus. Voilà pourquoi la dispute ne reprend pas. De toute manière, tout le monde a bien compris qu'il est à peu près aussi utile de crier sur Cameron parce qu'il est... lui que sur une allée d'aubépines parce qu'elle nous pique. 

Alementa II- FlammeOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz