Chapitre 12 : Deuil

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Cameron

J'observe Lana s'éloigner pas à pas, d'abord vacillante puis de plus en plus assurée. Sa cheville traîne légèrement dans les feuilles mortes, rendant sa démarche déséquilibrée. Dans quelques minutes, sa faiblesse ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Je m'étire le dos, fais rouler mes épaules pour les dénouer. Ce n'est pas tout ça, mais je l'ai quand même porté sur plus de trois kilomètre, cette gonzesse, et mine de rien, ce n'est pas un poids plume... 

Rant' qui renifle je-ne-sais-quelle piste à quelques mètres de moi, relève la tête dès que je commence à ralentir. En une seconde, il est dans mes pattes. Ce chien est un vrai pot de colle. De comme ces dernières semaines, je l'ai un peu délaissé que se soit chez nous ou ici, il est encore pire que d'habitude. 

Je laisse le groupe me distancer pour me retrouver seul. Pas de bavardages inutiles incessants, pas de faux-semblants, pas de silence pesant. Rien que mes pensées... et les halètements de mon chien qui me regarde avec des grands yeux de biche. J'attrape une branche au sol, la secoue pour en ôter la boue et feuilles moisie, arrache les derniers rameaux et l'envoie le plus loin que je puisse. Rant' démarre au quart de tour si bien que je dois reculer pour éviter la giclée de feuilles mouillées qu'il décolle en partant comme une balle. 

Sans m'arrêter, je poursuis ce petit jeu, guettant le ciel du coin de l'œil et de l'oreille. Si j'ai bien croisé les informations, nous ne sommes sur la route la plus rapide ni des casernes les plus proches ni de celles des premiers renforts. On ne devrait donc pas faire de mauvaises rencontres. Et au pire des cas... songé-je en effleurant le métal froid de mon browning coincé dans ma ceinture. 

Mon sac à dos se secoue à chaque pas. La machine volée dans le camp Septentrional y est dissimulée avec les dossiers mortuaires découverts dans le même pièce. Il contient également mes deux autres armes à feu et deux ou trois dagues de lancer. Mes plus grandes, qui ressemblent presque à de courts katanas pendent à ma hanche. Je ne m'en sépare jamais. J'en avais une deuxième paire normalement mais Lana les a envoyé au paradis des lames lors de notre dernier combat l'un contre l'autre. Ma main vient en trouver la garde sans les dégainer. Je n'ai pas cet attachement futile que peuvent avoir certains pour leurs dagues en fonction de qui les leur a offertes ou je-ne-sais-quelle autre raison. Une arme est une arme. Ce qui les différencient, ce sont les personnes qui les tiennent. Un bon combattant est capable de gagner même avec une lame qui n'est pas la sienne, avec laquelle il n'a pas d'affects, tout comme il est capable de s'en sortir avec une arme de moins bonne qualité. Seulement, j'aimerais autant ne pas perdre celles-ci car elles se font rares sur le marché. On ne trouve pas tous les jours des dagues capables d'ôter les pouvoirs des Alementas. Des dagues capables d'ôter la vie, oui, mais des dons, c'est plus rare. Je les ai payées une fortune. D'autant plus qu'une mauvaise manipulation de ma part, une seconde d'inattention, et elles me feront passer l'arme à gauche en une entaille. 

Je ramasse le bâton de Rant' et l'envoie de nouveau dans un geste mécanique. Mes mains s'essuient sur mon pantalon, pleines de boues et de sueur. Ma peau est moite. Je soulève d'une secousse mon sac pour aérer mon dos trempé et frotte ma nuque pour éviter à mes cheveux de subir le même sort. J'accélère le pas pour faire passer les frissons. Une rafale de vent insolente augmente mes tremblements et le froid me saisit à son tour. Je secoue la tête, luttant contre les maux de crâne. 

Un jappement à mes pieds me tire de mes pensées. Je caresse mon chien qui, trop content d'avoir de l'attention, se laisse tomber sur le dos. J'entends en même temps que lui, les pas s'approcher de nous. Il se redresse d'un bond et se tapit, en grognant. En une seconde, il est passé du chien complètement gaga à un berger allemand de quarante kilos qui montre les dents. J'affronte le regard de Yollan, lui souriant également, aussi froidement et menaçant que Rant' à mes pieds. Ses yeux vert bouteille me fixent avec la même hargne que d'habitude, mais il ne fait pas un pas de plus. Je me demande toujours pourquoi il a accepté de se séparer de son jumeau. Sans lui, il est comme une balle sans pistolet, un poignard sans teneur ; complètement inutile. Au moins, on ne va pas s'ennuyer, ça, c'est sûr. Yollan n'est pas dangereux en lui-même. Faible en combat au corps à corps, moyen en lancer, médiocre en visée. Il ne sait faire qu'aboyer comme le chiwawa qu'il est, espérant atteindre le malinois. C'est de son ambition dont il faut se méfier. En tant que Sentimental, il n'est pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche, dans le sens où leur reconsidération par les Anciens est très récente. Yollan a tout à prouver s'il veut une place, un nom. Et quel meilleur moyen que d'arrêter un groupe de jeunes terroristes comptant répandre tous les petits secrets de son idole afin de mieux les abattre ? Surtout si ce dernier compte le monstre le plus meurtrier et recherché par le Conseil ? 

Alementa II- FlammeWhere stories live. Discover now