Chapitre 5 : La SPA

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Lanaya

— Laisse-moi deviner, maugrée Cameron. Un enfant de ta troupe de bras cassés ne retrouve plus sa peluche préférée ? 

Son cynisme ne touche pas Caleb qui se contente de le fixer, le visage sérieux. Ok, il y a vraiment un problème pour que même lui, s'inquiète tant. D'habitude, il est comme Alex, plus du genre à dire « Adviendra que pourra ! » que de se faire du mouron pour rien. J'imagine qu'être libéré de l'étau des Anciens les grisent un peu trop. Car depuis qu'il est parmi nous, le Double s'est métamorphosé. Bon, ce n'est pas comme si je le connaissais beaucoup avant, mais je lui découvre un humour fin et une attitude toujours rieuse. Attitude difficile à adopter lorsque on est enfermé entre quatre murs sans savoir si on reverra le soleil de manière définitive un jour. Les jumeaux et lui semblent très proches et bien que leur histoire comporte de grosses zones d'ombre, je pense croire à leur récit d'amitié à la vie, à la mort. Je sais que Cameron est le premier à dire que c'est trop facile, que c'est une excuse toute trouvée, mais il suffit de les voir ensemble pour sentir leur vécu commun. Il faudra que je pense à leur demander des détails afin de me faire un avis. Car pour l'instant, je ne leur confierais pas non plus ma vie sans hésiter. 

Revenant à la situation, mon regard se pose sur l'Alementa de l'Ombre. Cameron a beau être ironique, j'ai vu son corps se tendre lorsque ses yeux ont remarqué l'expression de Caleb. Il sait pertinemment que l'Alementa de l'Apparence ne plaisante pas. Nous le savons tous. Ce dernier nous fait signe de le suivre sans un mot de plus. Un soupir franchit mes lèvres. C'est quoi cette manie qu'ont les gens à ordonner qu'on les suivent avant de s'expliquer ? 

Nous lui emboitons néanmoins le pas, en grommelant pour ma part. Alors que nous pénétrons dans le camp, je vois la bande de jeunes contre qui nous nous sommes battus, posée dans un coin. Alex leur tourne autour comme un oiseau en colère certainement pour les sermonner vu les grands mouvements et la sévérité imprimée sur son visage ainsi que, bien entendu, pour les soigner. Ce qui à mon avis n'est pas leur rendre service. S'ils n'apprennent jamais à assumer les conséquences de leurs actes, ils ne retiendront aucune leçon de ce qui s'est passé aujourd'hui et ne dépasserons pas la vingtaine. Il faut savoir choisir les combats dans lesquels on risque sa vie. Et rien de telle qu'une blessure bien douloureuse pour que ceci leur rentre dans le crâne. Du coin de l'œil, je vois Cameron jouer distraitement avec une dague qu'il fait tourner entre ses mains. Le sang tâche encore la lame de son arme et c'est limite si des gouttes ne trace pas un mortuaire chemin sur son passage. J'esquisse un sourire sans joie. Son regard en dégradé n'a beau pas être dirigé vers les adolescents, je sais que ce geste symbolique leur est destiné. À eux et à tout ceux qui souhaiteraient s'en prendre à lui. Son manège, à défaut d'être discret, a le mérite d'être clair. 

Caleb nous amène jusqu'à un endroit reculé du camp. Aussitôt une petite lumière rouge s'allume dans mon esprit, plus par habitude qu'autre chose. On ne suit pas quelqu'un que l'on connait à peine dans un endroit dépourvue de civilisation comme une forêt ou une ruelle déserte. Ma mère n'avait de cesse de me le répéter lorsque j'étais petite. Comme toutes les mères, j'imagine. Pour appuyer ce conseil maternel, j'accélère le pas. Je me retrouve à la hauteur de Lyanna qui me sourit. Mais son sourire est pâle et presque forcé.

Caleb ne tarde pas à s'arrêter près d'une personne de dos. Il me faut une seconde pour reconnaitre ces boucles brunes pleines de poussière. Maya est assise dans l'herbe, les deux mains sur le sol. Elle ne me fait pas face si bien que je ne vois pas son visage mais la crispation de son corps en dit long sur son état de fatigue. L'Alementa de l'Apparence avance la main vers l'épaule de sa jumelle avant de se raviser.

— Elle ne va plus tenir longtemps, il va falloir qu'on décolle, lâche Caleb en s'éloignant de sa sœur qui ne bouge pas. 

Lyanna s'avance vers elle, certainement pour s'enquérir de son état, mais l'ancien membre du Comité la retient par le bras. Ses yeux crèmes semblent avoir soudain vieillis de dix ans et tout dans son geste transpire un harassement infini qu'il ne présentait pas un instant plus tôt.

Alementa II- FlammeWhere stories live. Discover now