Chapitre 15 : Combat

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Lanaya 

Obscurité. Lorsque mes paupières s'entrouvrent d'elle-même, il fait encore sombre dans le chambre. Je suis tentée de me retourner dans la couette afin de replonger dans cette transe si douce et réparatrice. Dans un soupir, je repousse doucement le drap. Je sais que je ne me rendormirai pas, alors autant ne pas rester là, à attendre, narguer les souvenirs et pensées douloureux. Je saisis mes poignards posés sur ma table de nuit en prenant garde à ne pas réveiller Lyanna et quitte la chambre sur la pointe des pieds. Evidemment, le parquet grince sous mes orteils dans le couloir, je grimace. Autant à cause du bruit que de la brusque lumière du jour. J'ignore quelle est la marque des rideaux de la chambre mais je veux les mêmes. Lorsque je récupérerai une vie simple et normale. 

Je descends avec précaution les marches jusqu'au rez-de-chaussée où mes pieds sont accueillis par la froideur du carrelage et mes narines par l'odeur de pain brûlé. C'est toujours mieux que par l'humidité et les cendres. Je sangle tous mes couteaux à leur place respective dans une série de mouvements mécaniques et range le pistolet dans ma ceinture. La pendule accrochée au mur du salon, faite de rouages et de chiffres romains, m'indique dix heures du matin. Je jette un coup d'œil autour de moi. Si la veille, la maison m'avait paru aussi sombre qu'un manoir hanté, force est de constater que sous les rayons de soleil, elle est éclatante. Tout s'accorde entre blanc et gris pour les couloirs, mais j'ai l'impression, en déambulant vers la cuisine, que chaque pièce est ponctué de touches colorées ; rouge et or pour le salon, bleu et bronze pour la salle à manger... Je pénètre dans la pièce censée abriter la nourriture et ai la désagréable surprise de la trouver occupée par Yollan, la fille aux cheveux bleus que Maya a nommée Nahia et son pote dont je ne me rappelle plus le prénom. Je les salue d'un signe de tête en passant la main dans mes cheveux. 

Des yeux, je cherche instinctivement l'origine de l'odeur de brûlé. Et je ne tarde pas à la trouver. Notre apprenti assassin est penché au-dessus du grille-pain et le contemple avec une moue dubitative. Ca va mieux à manier le couteau pour tuer que pour manger... J'hésite à le laisser se débrouiller, juste pour assister à sa peine, mais ma générosité me rattrape, profitant que mon sadisme ne soit pas encore bien réveillé. 

— Je t'aide ? 

Il me lance un regard où règne l'hésitation et l'incompréhension. Sa haine non plus ne doit pas être encore bien réveillée, tiens. J'attrape le grille-pain pour le tirer vers moi et regarde à l'intérieur. Je comprends rapidement l'origine du problème et par conséquent de l'odeur. Il n'y a pas de pain. Et pourtant, les résistances ont rougeâtres, chauffant et brûlant les derniers résidus, les dernières miettes du fond. Je fais sauter les tartines imaginaires pour arrêter le désastre. J'avoue que je serais curieuse de savoir à quoi il pensait que ça servait. 

J'observe le petit déjeuner composé de charcuterie, de pâtes, de fromage étalé sur la table. Horreur, malheur. Je suis incapable d'avaler du salé à cette heure-ci. Sans un mot, je me fais chauffer de l'eau et remarque la cafetière éteinte. 

— Un café ? proposé-je à la cantonade. 

Et la cantonade me répond par un murmure d'assentiment. J'imagine que si le grille-pain leur est inconnu, la Senseo doit être un extraterrestre. En attendant le sifflement de ma bouilloire, je prépare plusieurs tasses de café que je pose sur la table. Trois mercis franchissent avec peine la barrière de leurs lèvres. Waouh... Serais-je toujours en plein rêve ? J'ai l'intelligence de garder ma raillerie pour moi et de profiter de cette trêve silencieuse pour m'installer et sortir de quoi me faire un sandwich à base de pain, beurre, chocolat, pomme et miel. Je passe le tout au micro-onde avec une touche de fromage de chèvre, seule exception salée que je tolère. Je profite de ce moment pour verser l'eau fumante dans une tasse et mettre un sachet de thé à infuser. 

Alementa II- FlammeWhere stories live. Discover now