Chapitre 37

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En cours, je n'arrive à me concentrer sur rien. Tentant de prendre des notes, je manque un mot sur deux, tartinant mon cahier de fautes d'orthographe et de ratures. Quand l'un de mes professeurs m'interroge, je ne peux que répondre une telle idiotie que même Assia, assise près de moi, a du mal à se retenir de rire.

À l'heure du déjeuner que je passe en compagnie de mes amis, je réponds vaguement lorsqu'ils me posent une question, tournoyant lentement ma fourchette dans mon assiette de haricots verts surgelés. Toutes mes pensées sont tournées vers cet appel de ce matin, qui m'a chamboulé au plus haut point. Sam finit par me demander si je vais bien, je réponds un oui distrait et Hugo, Assia et lui se lancent des regards interrogateurs. Ils voient bien que quelque chose me tracasse mais je ne peux pas leur en parler. Pas pour l'instant en tout cas, je ne me sens pas encore prêt.

Il y a toutefois une personne à qui je peux me confier.

Pendant la pause de l'après-midi, je croise Lucie dans la cour avec des personnes de sa classe. Oubliant mes bonnes manières, je fonce sur elle et la kidnappe, sous le regard interloqué de ses camarades.

Riant aux éclats, elle me jette un regard malicieux lorsque nous sommes seuls sur notre banc de d'habitude. Son écharpe et bonnet blancs lui donnent l'air d'un adorable bonhomme de neige.

— Bah alors raton laveur tu peux plus te passer de moi cinq minutes ?

Je soupire, soufflant sur mes mains nues pour les réchauffer. De la buée s'échappe de mes lèvres. Je ne réponds pas à la question, sachant pertinemment que depuis ce jour où elle a découvert que je me déguisais en fille, la réponse est bel et bien que non je ne peux plus me passer d'elle.

— Il faut que je te raconte un truc...

Je lui parle du coup de fil de ce matin et de ce que Noam m'a dit. Elle reste étrangement silencieuse et sa bonne humeur de tout à l'heure semble s'être envolée.

Après les cours, nous nous retrouvons chez moi pour prendre un thé, comme à notre habitude ces dernières semaines. Camille va passer l'après-midi chez l'une de ses copines chipies, dont la maman va venir la chercher à l'école, me libérant de cette responsabilité aujourd'hui. Sur la route, Lucie a été particulièrement maussade, ne répondant que par onomatopée ou presque, ce qui ne lui ressemble décidément pas.

Lorsque nous sommes attablés dans la cuisine, une tasse fumante devant chacun de nous, je tente de faire la conversation, pensant que quelque chose s'est passé pendant qu'elle était en cours aujourd'hui. Je me dis que je peux essayer de la dérider.

— T'as goûté les haricots de la cantine ce midi ? On aurait dit un croisement entre des vers de terre et des ordures...

Elle hoche à peine la tête, préférant se plonger dans son verre de thé à la menthe. J'essaye encore deux ou trois fois de la sortir de cet état, avant de laisser tomber, me disant que c'est peut-être plus grave que ça en a l'air.

— Qu'est-ce qu'il y a Lucie ? je demande avec un ton inquiet, commençant à imaginer qu'elle s'est fait renvoyer du lycée.

Elle se renfrogne.

— Lucie ?

— Quoi ? répond-elle avec cette agressivité que je n'avais pas vue chez elle depuis un très long moment.

— Tu m'inquiètes... t'as pas dit un mot depuis tout à l'heure.

— Je suis fatiguée c'est tout.

— Mensonge.

— Quoi ? Pourquoi je mentirais ?

— Parce que tu fais ta petite tête de "je te cache quelque chose".

La double vie de Raph'Where stories live. Discover now