Chapitre 15

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La sonnerie de dix-huit heures retentit, mais contrairement aux enseignements obligatoires, je n'en suis pas enchanté. Tandis que tous les lycéens inscrits à des cours optionels emplissent les couloirs des bâtiments pour se diriger vers la sortie en papotant joyeusement, je progresse à contre courant dans cette marée d'élèves pour rejoindre le secrétariat général, où deux heures d'ennui mortels m'attendent dans leur minuscule salle de colle.

À une bifurcation entre couloirs, une jeune fille fonçant comme un bolide me percute violemment, manquant de me faire perdre l'équilibre. Je m'apprête à l'insulter, mais, visiblement très gonflée, elle me devance.

— T'es aveugle ou débile ? beugle-t-elle. Tu pouvais pas bouger ton fion ?

Cheveux cuivrés aux boucles désordonnées courtes, bras tatoués et yeux noirs lançant des éclairs, elle tape du pied d'un air impatient.

— Je t'en prie t'excuse pas surtout !

J'ouvre la bouche pour rétorquer mais elle ne me laisse même pas le temps de caser un mot qu'elle est déjà repartie à tout allure. Non mais je rêve, qui c'est cette énergumène ? Je masse mon épaule qu'elle a failli déboîter en me fonçant dessus et reprend mon chemin, prenant garde à chaque nouvelle bifurcation.

— Mhh, ton nom ? me demande la secrétaire lorsque je me présente au bureau.

Elle a l'air profondément blasée et mastique bruyamment un chewing-gum.

— Raphaël Droux.

D'une lenteur incomparable, elle attrape son carnet, parcourt les pages de ses doigts squeletiques et desséchés, interminablement. Après dix bonnes minutes, elle me regarde de nouveau en soufflant comme si elle venait de courir un marathon.

— C'est quoi ton nom déjà ?

C'est une blague ?

— Raphaël Droux, je répète, puisant au fond de moi-même toute la patience du monde. Ra-ph-a-ël...

— Oui ça va j'ai trouvé, me coupe-t-elle sèchement. Deux heures de colles, on viendra te chercher vers vingt-heures.

Sans ajouter un mot, elle me pointe du doigt une porte dont l'écritau tout amoché et sinistre affiche "salle de détention". Super, ça ne pouvait pas être plus déprimant encore.

J'entre et referme la porte derrière moi, désireux d'être seul et de ne plus voir cette morue.

À mon grand désarroi, la petite salle exigüe et sans fenêtre n'est pas vide. Une autre élève est installée devant l'une des tables, les pieds posés dessus comme si elle était chez mamie. C'est la lycéenne qui m'a bousculé tout à l'heure. Visiblement, elle me reconnaît aussi car elle me toise d'un air mauvais avant de couper sa musique et d'enlever son casque.

— C'est pas vrai, encore toi ! s'écrie-t-elle.

Parfois, l'indifférence est le pire des mépris. Je l'ignore donc complètement, choisis la la table la moins dégoûtante (toutes les autres sont bourrées de tags, papiers et chewing-gum), sors nonchalament mes affaires de français de mon sac et m'installe de sorte à lui faire dos.

— Eh raton laveur tu m'écoutes quand je te parle ?

J'ouvre posément l'un de mes livres sur Rimbaud et commence à chercher la réponse à la première question du devoir supplémentaire que m'a donné la professeure. 

Ne trouvant rien dans le bouquin, je gribouille une solution hasardeuse tandis qu'un crissement de chaise ainsi que des pas lourds se font entendre. L'élément perturbateur se plante devant moi et cogne son poing contre ma table, m'arrachant un sursaut.

La double vie de Raph'Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu