Chapitre 36

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Les jours qui suivirent furent marqués du sceau d'une routine plaisante qui s'était mise en place naturellement. Chaque matin, Abigail et Bethany se retrouvaient dans le jardin pour faire du Tai-Chi au lever du soleil. Ensuite, Abigail partait pour suivre sa formation, accompagnée de Bethany qui, se sentant inutile, avait décidé de la suivre également. Pendant ce temps, Kara et Tilly travaillaient sur le projet du restaurant, supervisant les travaux dans la cuisine et rafraîchissant la décoration. Tilly s'occupait d'organiser la cuisine pour la rendre plus fonctionnelle, n'hésitant pas à mettre les ouvriers à contribution.

Une fois les menus définitifs approuvés par Kara et Bethany, Tilly s'attelait à monter les recettes, calculant le coût de chacune et établissant la liste des ingrédients de base à acheter, ainsi que le matériel nécessaire. Une confiance en elle, dont elle ignorait l'existence jusqu'à présent, habitait Tilly. Kara l'observait de loin, avec un œil attendri. Elle était totalement investie dans le projet et se doutait de ce qui se tramait dans la tête de Tilly lorsqu'elle alla la rejoindre.

« Ça va aller, Tilly.

— Oui, Kara, ça va, merci.

— Ce n'était pas une question. Je te dis juste que ça va bien aller. Tu te débrouilles très bien. Sache que Bethany et moi avons confiance en toi. Ne te surmène pas, nous allons engager des cuisiniers. Ne stresse pas, je sais que tu vas gérer ton équipe comme il se doit. Tu n'as pas à t'inquiéter à l'idée d'être débordée en cuisine. Nous ne voulons que ton bonheur.

— Mais je suis heureuse, Kara. Le rush en cuisine, c'est une poussée d'adrénaline avec un bonus quand les clients sont satisfaits de leurs plats, tant visuellement que gustativement. J'ai conscience que nous vous devons beaucoup, à toi et Bethany. Vous avez dépensé plus d'argent pour nous que nous ne pourrons jamais vous rembourser. Je dois vous rembourser à ma façon. Ne me l'enlève pas, s'il te plaît, Kara. Après tout ce temps, tu me connais un peu. Tu sais que j'ai des valeurs, comme toi. Tu es généreuse, chevaleresque et attentionnée. Bethany est obstinée, courageuse et sensible.

— Tu... wow ! Alors ça, c'est... oui, c'est vrai, c'est nous. Tu es un peu psy, Tilly.

— Je suis obstinée, comme Bethany. Abby est sensible, comme Bethany. Je suis concernée, comme toi. Tu sais, pendant longtemps, j'étais persuadée que vous faisiez partie de la CIA ou de la mafia, parce que vous êtes tellement exceptionnelles et énigmatiques. Je t'appelais la planificatrice, parce que tu es pleine de ressources et que tu diriges tout d'une manière naturelle. Vous semblez avoir accès à des contacts et des moyens que l'on ne peut pas avoir dans la vraie vie. Bethany, c'est les muscles de votre duo. Tu sais, quand tu as frappé Antonin, on venait d'arriver, et Bethany est sortie de la voiture d'un coup, mais elle marchait lentement jusqu'au moment où il t'a poussée par terre. J'ai alors vu quelque chose d'extraordinaire. Une machine de guerre qui se mettait en marche. Elle a couru lentement avant d'accélérer comme si elle participait aux Jeux olympiques. Je pouvais sentir l'énergie qui émanait d'elle, sa puissance lorsqu'elle a sauté en l'air. Mais qui fait ça ? Sérieusement ? Elle donnait des coups si vite, si violemment, avant de se détourner pour t'aider à te relever. J'ai failli vérifier s'il n'y avait pas de caméras, si ce n'était pas un film. J'ai compris que Bethany t'aimait plus que tout. C'était beau. Tous ses mouvements étaient parfaits, comme... comme un Terminator, tu vois ? Une machine.

— C'est vrai, Bethany tient énormément à moi, tout comme je tiens à elle. Je frapperais à m'en briser les mains la personne qui lui ferait du mal. Sache que Bethany et moi, nous vous protégerons, toi et Abby, de la même façon. Vous faites partie de la famille.

— Est-ce que tu me le dirais si tu faisais partie de la CIA ou de la mafia ? Juste un signe de tête, pas besoin de le dire à voix haute.

— Nous ne faisons pas partie de la CIA et encore moins de la mafia, je te rassure », sourit-elle.

« FBI alors ? Ou NSA ? NCIS ? SWAT ? CSI ?

— Tilly, tu regardes trop la télévision. Nous ne faisons partie d'aucune agence. C'est juste Harper et moi, tout ce qu'il y a de plus normal.

— Mais, et pour les faux papiers ?

— Parfois, il est utile de connaître certaines personnes, c'est vrai. Allez, c'est assez pour aujourd'hui. Viens, c'est l'heure d'aller à la plage. Abby doit être dans la boutique. Tu devrais mettre de la crème, ton dos commence à rougir.

— Planificatrice », murmura Tilly en souriant.

« Non, juste du bon sens », sourit-elle en saluant les ouvriers, les remerciant, tout en poussant doucement Tilly par les épaules pour les quitter.

****

Antonin avait réussi à s'introduire dans la tour de bureaux et à se rendre à l'étage de l'agent d'Erika Sweet. Il avait discrètement dissimulé une caméra miniature dans un pot de fleurs, lui permettant de surveiller les allées et venues depuis sa voiture. Les données étaient sauvegardées en temps réel sur une carte mémoire, qu'il consulterait ultérieurement sur son ordinateur. En début d'après-midi, il répéta le même schéma chez l'agent de Lexi Heart, sa Caro, son ancienne amie devenue actrice porno.

Naïvement, il espérait apercevoir l'une ou l'autre, mais à la fin de la journée, elles ne s'étaient pas montrées. Il organisa donc sa surveillance sur plusieurs jours jusqu'à ce qu'il puisse identifier les agents des deux femmes. Grâce à son logiciel, il parvint à se connecter au serveur du service des immatriculations et à obtenir les adresses des personnes qui pourraient lui permettre d'assouvir sa vengeance. Sans perdre un instant, il se dirigea vers le domicile de Maeve Kirby, l'agent de la brunette Erika Sweet, afin de repérer les lieux et de prendre les choses en main. Garé le long du trottoir, il observa les allées et venues avant de sortir, abaissant sa capuche sur sa tête. Il fit le tour du bâtiment pour repérer les accès extérieurs de la tour d'habitation. Apercevant un guichet automatique sur le trottoir d'en face, il baissa la tête pour éviter que son visage n'apparaisse sur les enregistrements. Il repéra également une caméra de surveillance dans un commerce, dont l'angle pourrait capturer ses plaques d'immatriculation. Il décida de la maculer de boue, avant de la nettoyer quelques rues plus loin pour éviter d'attirer l'attention des policiers. La première étape du plan était en marche, il était temps de trouver un local, dans un endroit calme, qui lui permettrait d'obtenir les informations dont il avait besoin, à savoir les adresses des deux femmes. Pour y parvenir, il savait qu'il devrait probablement se salir les mains. Bien que cela ne le dérangeât pas, il était conscient que dans un conflit, il y avait toujours des victimes collatérales. Antonin jubilait alors qu'il se dirigeait vers les zones industrielles de Los Angeles à la recherche d'un bâtiment désaffecté. Et dans cette ville, ce type de lieu ne manquait pas.

Son expérience dans l'armée lui avait appris à faire preuve de créativité. Étant donné qu'il n'avait pas accès à des produits chimiques pour rendre les interrogatoires plus "humains", il opta pour une méthode plus traditionnelle, qui avait fait ses preuves au cours des décennies précédentes. En regagnant sa voiture, il tapota son coffre avant de l'ouvrir et d'en sortir une génératrice qu'il transporta dans le coin de l'entrepôt où il obtiendrait les informations nécessaires. Quelle merveilleuse invention que l'électricité, pensa-t-il en souriant. S'il pouvait se voir dans un miroir, Antonin ne se reconnaîtrait plus. Sa barbe était négligée, ses yeux écarquillés et il souffrait de tics nerveux. Il savait qu'il flirtait dangereusement avec la ligne menant à la folie, et qu'il ne faudrait pas grand-chose pour qu'il bascule complètement. Un homme qui ne se contrôlait pas était bien plus dangereux qu'un homme lucide. Antonin avait perdu toute lucidité dès le moment où il était sorti de l'hôpital, diminué et n'étant plus que l'ombre de celui qu'il était avant le retour de Caroline au village. S'il ne l'avait pas croisée accidentellement sur la place, il n'aurait pas su qu'elle était là, et rien de tout cela ne serait arrivé. C'était à cause de Nathalie qu'il se trouvait sur cette place, car elle avait insisté pour manger en terrasse. Tout cela était entièrement de sa faute. En plus d'avoir coupé les ponts avec elle, elle était à l'origine des ennuis qui lui tombaient dessus en cascade depuis ce jour-là. Antonin se promit d'avoir une discussion avec Nathalie à son retour, afin de remettre les compteurs à zéro.

Second chances Tome 1/6Where stories live. Discover now