Second chances Tome 1/6

Chapitre 31

Face à la demande de travaux, le propriétaire, incapable de trouver un acheteur depuis plusieurs mois, accepta finalement de baisser le prix de vente du restaurant. Quelques jours plus tard, la vente fut conclue, et cela fut une occasion de célébrer. Kara et Bethany organisèrent une fête avec leurs amis, qui étaient tous associés à leurs vies personnelles. Ils présentèrent Abigail comme le nouveau membre de leur fratrie, la petite sœur de Bethany. Abigail apprécia d'être introduite ainsi, telle quelle, et se sentit pleinement acceptée et incluse.

La musique, les rires et la nourriture eurent un effet bénéfique sur Abigail, qui fut rapidement adoptée par plusieurs personnes. Son agenda se remplissait d'invitations à des activités passionnantes, comme apprendre à surfer, faire du bateau, visiter des endroits emblématiques de Los Angeles tels que Beverly Hills, Rodeo Drive, Hollywood Boulevard et le Walk of Fame. Elle eut également la chance de découvrir des musées, comme le Museum of Selfies, où elle s'amusa énormément lors de sa visite, et elle se promit d'y retourner un jour avec Tilly. Abigail se sentait parfois dépassée par toutes ces opportunités, mais chaque fois qu'elle croisait le regard affectueux de Bethany posé sur elle, elle se sentait bien, acceptée et pleinement intégrée au groupe.

Bethany prit plusieurs fois Abigail en photo tout au long de la soirée animée. Une fois celle-ci terminée, alors qu'elles s'installaient pour savourer un verre dans un coin tranquille, Bethany sortit son téléphone et lui montra les photos prises. Abigail eut du mal à se reconnaître dans ces clichés. Où était donc passée la fille au style gothique, à l'humeur sombre, peu loquace et toujours sur la défensive ? À la place, elle découvrit une Abigail souriante, affichant un début de bronzage qui soulignait sa nouvelle vitalité. Les bagues, boucles d'oreilles et piercings qui la caractérisaient avaient disparu, laissant place au plus beau des bijoux : un rire sincère et communicatif.

Alors que les photos défilaient sur l'écran du téléphone, Bethany murmura d'une voix douce, passant tendrement son bras autour des épaules d'Abigail : « Voilà donc Abby. J'aime cette nouvelle version de toi, elle respire le bonheur. Continue d'être toi-même, car cette Abby-là, elle est magnifique.

— Merci, Beth. Pour tout ça », dit-elle en étendant les bras pour englober tout l'espace autour d'elle, « vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça compte pour moi.

— Si, je le sais. Il y a quelques années, j'étais à ta place. Quelqu'un a pris soin de moi, comme je prends soin de toi maintenant. C'est ma façon de contribuer au karma. »

Kara était rentrée chez elle pour travailler sur la création du restaurant, en s'occupant des formulaires et des permis. La soirée était donc réservée à Bethany et Abigail. Bethany demanda à Abigail de prendre une veste, puis elle sortit la Harley-Davidson du garage. Elle la conduisit jusqu'à un endroit qui continuait de la faire rêver. Abigail se tenait fermement derrière Bethany, admirant la vue sur la ville, s'imprégnant des paysages qui s'offraient à elle, jusqu'à ce que Bethany s'arrête et coupe le moteur. Depuis l'arrière des lettres géantes formant le mot "HOLLYWOOD", Abigail avait une vue imprenable sur la ville illuminée. C'était un point de vue magnifique, qu'elle ne pouvait nier. Bethany prit une photo d'Abigail, ajoutant ainsi un merveilleux souvenir à son album. Profitant de l'endroit et du moment, Bethany décida de partager son passé avec Abigail, pour qu'elle comprenne d'où elle venait et les épreuves qu'elle avait traversées. Abigail écoutait attentivement, une main plaquée devant sa bouche, horrifiée, les yeux écarquillés par la stupeur, des larmes coulant silencieusement sur ses joues avant de prendre Bethany dans ses bras avec tendresse. Elles ne parlèrent pas. Lorsqu'elles remontèrent sur la moto pour rentrer, Abigail serra Bethany plus fort qu'auparavant, non pas parce qu'elle avait froid, mais comme pour absorber un peu de la force de Bethany.

Elle regardait la ville sous un autre éclairage, ainsi que Bethany et Kara. Une fois la Harley rangée dans le garage, Abigail posa sa veste sur le dossier d'une chaise avant de se précipiter dans les bras de Bethany, la prenant par surprise. Même si ses paroles étaient entrecoupées de sanglots, Abigail laissa son cœur et son âme meurtris, souillés, s'exprimer. Son histoire était bien plus sombre que ce que Bethany avait imaginé. Le beau-père d'Abigail l'adorait. Il était entré dans sa vie quand elle avait seulement sept ans. Depuis le départ de son géniteur, parti chercher du lait un matin et ne revenant jamais, elle avait connu plusieurs figures paternelles éphémères. Mais Simon était resté plus longtemps que les autres. Il était gentil avec elle, lui achetant des poupées, des livres, et l'accompagnant à l'école. Abigail avait fini par le considérer comme son père, n'ayant que peu de souvenirs du sien.

Il y eut des gestes, des marques d'affection qu'elle prenait pour un jeu. Un soir, pendant que sa mère travaillait, cela avait commencé, d'abord partiellement, car cela lui faisait mal, puis complètement la deuxième fois. Abigail ne voyait rien de répréhensible dans ces actes, Simon lui expliquant que c'était ainsi qu'on faisait des bébés. Abigail aimait Simon, peut-être même un peu trop. Les marques d'affection étaient devenues de moins en moins discrètes à mesure qu'elle grandissait. Et puis, les crises de jalousie avaient fait leur apparition lorsque qu'elle avait commencé à sortir avec ses amis et à avoir un petit ami. Sa vie était devenue un équilibre précaire entre les deux hommes, partagée entre eux chaque semaine, comme une garde alternée. Quand sa mère, Elleen, avait découvert ce qui se passait sous son toit alors qu'Abigail avait seize ans, elle n'était plus vierge depuis cinq ans, aussi Elleen avait chassé Simon. Elle en voulait à sa fille de lui avoir "volé" son homme, plongeant dans l'alcool et la privation alimentaire.

Abigail s'était alors concentrée sur ses études, poursuivant sa vie du mieux qu'elle pouvait. Elle gardait néanmoins contact avec Simon, mais en gagnant en indépendance avec un emploi et en emménageant dans un petit appartement, les comportements de Simon étaient devenus de plus en plus possessifs. Il surveillait ses allées et venues, espionnait ses amis et se pointait sans prévenir lorsque son petit ami venait lui rendre visite. C'est lors d'une violente dispute un soir, alors qu'il réclamait toujours plus d'elle, qu'il l'avait frappée. Il avait forcé sa porte, l'attendant chez elle après son travail. Il l'avait giflée, exigeant des explications sur son retard, la rabaissant et l'humiliant, affirmant que désormais ils auraient des rapports sans préservatif pour qu'elle lui donne un enfant. Abigail avait refusé catégoriquement, proclamant que tout était fini entre eux, que Simon sortait définitivement de sa vie. Furieux, il l'avait agrippée violemment et projetée au sol, la faisant violemment heurter le comptoir de sa cuisine. Abigail, le visage couvert de sang, avait réussi à se relever tant bien que mal, une colère brûlante montant en elle comme un volcan entrant en éruption. C'est alors qu'elle avait saisi le premier objet à portée de main, un gros cendrier où elle posait habituellement ses clés, et s'était retournée pour se défendre. À la vue de Simon étendu au sol, blessé et en sang, elle avait pris la fuite, abandonnant tout derrière elle.

Bethany n'avait rien dit, attendant la fin de son récit, avant de simplement continuer de la serrer dans ses bras et déposer un baiser sur son front.

« Est-ce que je suis une mauvaise personne ? » pleura-t-elle à chaudes larmes.

« Tu n'as rien à te reprocher, petite sœur. Tu étais jeune, sans père, et il a profité de toi, il t'a manipulée. Tu ne dois absolument rien te reprocher. Mon cœur souffre pour toi, Abby. Mais je suis tellement fière de toi, tu as repris le contrôle de ta vie, de ton être. Tu n'as pas choisi le chemin le plus facile, mais tu n'as pas sombré, tu t'es relevée avec une force incroyable. Je t'admire et je te respecte infiniment pour cela, Abby. »