Chapitre 11

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Il est minuit passé lorsque Ma Kyi Nyunt ferme son livre. Elle est assise dans l'une des alcôves à l'entrée de la demeure et plus rien ne bouge autour d'elle. Les domestiques sont rentrés chez eux, les bâtards endormis. Même son époux ne l'a pas accompagnée. C'est d'ailleurs pour lui qu'elle s'est isolée, de peur de le gêner.

Il a de grosses journées de travail prévues, et elle ne veut pas troubler son sommeil pour une égoïste envie de lecture jusqu'à point d'heure. Elle jette un œil à sa montre et hausse les sourcils. Ca lui est assez inhabituel de ne pas respecter son rythme, mais le lendemain est un jour de congé pour elle et la Birmane se sentait d'humeur intrépide.

Elle se lève et s'étire, laissant le livre terminé sur le fauteuil occupé un instant plus tôt. Puis, resserrant les pans de sa robe de chambre contre elle, elle se glisse vers les escaliers pour les monter sur la pointe des pieds. Elle ne fait pas un bruit, seul un bruissement de tissu reste perceptible, soucieuse de ne pas réveiller la maisonnée. Pourtant, lorsqu'elle passe devant les appartements de son fils, elle se fige.

Il semblerait qu'il soit réveillé, elle peut entendre sa voix. Elle n'est pas sûre de comprendre ce qu'il dit, mais il parle à quelqu'un et il rit à gorge déployée. La mère sent son coeur se serrer. Il y a si longtemps qu'il n'avait pas ri de la sorte ! Avait-il seulement déjà rit ainsi ? Soudain, une voix de femme lui répond et plaisante avec lui.

Ignorant le terrible sentiment qui tord à présent son estomac, Ma Kyi Nyunt étale un sourire sur son visage, imaginant que son fils est en visio avec une amie et que, enfin, il pense à sa vie de famille future. Pourtant, il faut énormément de force à la femme pour se détacher de la conversation dont elle n'entend que les éclats de voix et continuer son ascension jusqu'à ses propres appartements, qu'elle partage avec son époux.

Alors qu'elle se faufile dans le lit, prenant garde à ne pas réveiller le Birman, elle se demande si Arun n'aurait pas pu rencontrer Zoya grâce à Kassem, et que les deux se seraient plu. Peut-elle espérer un aussi bon dénouement ? C'est celle pour laquelle elle prie en tout cas, toute la nuit, alors que ses yeux refusent de se fermer et son esprit de se taire.

U Tha Dara est déjà parti lorsque la femme se réveille. Elle a dormi à peine quelques heures et se sent épuisée. Pourtant, les souvenirs de la veille lui reviennent en plein visage et elle bondit presque de son lit, enfilant rapidement une robe de chambre pour descendre déjeuner. Si elle se dépêche, elle pourra peut-être voir son fils avant qu'il ne quitte la maison.

Elle a presque atteint le bas des escaliers lorsqu'elle entend les mêmes rires que la veille, plus discrets cette fois-ci, qui se taisent aussitôt à peine a-t-elle posé un pied dans la pièce. Là, Arun est à table devant le journal du jour. Derrière lui, Macao. Le garçon lève un regard surpris vers sa mère alors que la bâtarde fixe le plancher.

- Vous ne travaillez pas aujourd'hui, mère ? demande-t-il.

- Tu n'as pas dû t'en souvenir, je l'ai annoncé il y a longtemps, répond la femme en étalant le même sourire que la veille sur son visage. J'ai une journée de congé pour les travaux dans la boîte.

- Ah, oui, fait seulement le garçon en replongeant dans son journal.

- Tu t'es fait des amis, dernièrement, sourit Ma Kyi Nyunt. Pourquoi tu n'inviterais pas les Persans à venir manger un de ces jours ?

- Pourquoi les inviterais-je ? Je ne connais que leur fils, réplique le garçon sans se détacher de sa lecture.

- Oui, bien sûr, hésite la Birmane. Tu t'es fait d'autres amis, à part Kassem ?

- Pas vraiment, non.

Ma Kyi Nyunt voudrait répondre, relancer son fils, mais rien ne vient et elle abdique avec un sourire poli. Comment aborder un sujet dont elle ne veut pas connaître la réponse ? Si le doute était permis cette nuit, cette fois-ci il n'y avait personne d'autre dans la salle. Si son fils est toujours sain d'esprit, alors c'est elle qui entend des voix. Cette solution serait la meilleure, songe-t-elle.

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