Introduction

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PARTIE 1 - LA PÉRIPHÉRIE

Le petit corps sans vie est descendu dans la tombe de fortune, bringuebalant de tous les côtés alors que les engrenages vétustes tentent tant bien que mal de faire leur travail. Macao jette un regard à Skooma, son meilleur ami, et les deux pouffent. Ninja, elle, trépigne déjà d'impatience. Pourquoi perdre autant de temps à chaque fois qu'il faut enterrer quelqu'un? Elle préférerait retourner courir dans les rues comme elle fait à chaque minute de sa vie. Les Racés auraient dû garder le corps, ça aurait réglé la question.

- C'était ton frère, fait doucement Caramel en mettant un léger coup de coude à Macao.
- Je connais tout le quartier, répond la jeune fille sur le même ton. Je ne vais pas pleurer pour chaque cadavre.

Aussitôt dit, elle s'enfuit de la cérémonie, immédiatement suivie par un groupe de jeunes gens. De toute façon, ça n'allait plus durer très longtemps, et la moitié des personnes qui s'étaient présentées en premier lieu étaient déjà reparties.

- C'était long, râle Ninja avant de partir en courant sur quelques mètres et de revenir vers le groupe. Pourquoi est-on resté aussi longtemps ?
- Tu pouvais partir quand tu voulais, se moque une jeune rousse au petit visage.
Ninja fait la moue puis tourne une fois autour d'un poteau.
- On est restés parce que c'était le frère de Macao, rappelle Skooma.
- C'est même pas son vrai frère, siffle encore la petite.
- Est-ce que quelqu'un ici a une vraie famille? rit doucement le groupe.

Les pieds dans la boue, les vêtements usés et le nez froid, les habitants de la Périphérie doivent s'estimer heureux lorsqu'ils ont le ventre plein. Tous les jours, les cimetières et fosses communes se remplissent, et sont creusées toujours plus grandes, créant de véritables douves et murailles autour de la ville. Il n'y a rien après, inutile d'aller chercher une meilleure vie. Après, c'est le désert. Le désert, les douves et les murailles, la Périphérie, puis la Ville.

La Ville, c'est un rêve. Macao y est déjà allée, malgré les interdictions, et elle y va encore parfois. Le secret, dit-elle, c'est de garder les yeux fixés sur le sol. Et c'est bien suffisant. Rien que là, il y a tant à voir. Des couleurs, des pierres de mille sortes, parfois même des parterres de fleurs, de l'herbe tendre et verte, et surtout, surtout, les chaussures des Racés. Escarpins, bottines, souliers, cuir, lin, plastique... C'est toute une vie à découvrir au ras-du-sol.

Mais surtout, ne pas lever les yeux. C'est ce qui avait tué son frère, de lever les yeux. A force d'entendre les histoires de sa sœur, et malgré les interdictions de Caramel, le petit Platon avait fini par courir jusqu'aux ponts qui séparent la Ville de la Périphérie, en traverser un en courant, enlever ses chaussures boueuses à la sortie et entrer dans la Ville. Mais, béat, il n'avait pas eu le temps de faire un pas qu'il avait croisé des regards. Et les bâtards de la Périphérie ne doivent pas regarder les Racés dans les yeux. C'est simple, c'est la règle.

Parfois, on a de la chance et comme Platon on se fait juste exécuter. Parfois, on doit servir la personne dont on a croisé le regard, jusqu'à sa mort. Et ça, tout le monde le sait, c'est la chose la plus terrible qui puisse arriver. Macao est rassurée. Son frère est mort et en plus on lui a rendu son corps pour qu'elle puisse lui dire au revoir. Il est tombé sur des Racés bienveillants.
Skooma lève un rapide regard vers le ciel.

- Il va falloir aller à l'usine, fait-il remarquer. Tu as une journée de repos, Macao ?
- Yep, confirme la jeune fille. Ils m'ont accordé une journée de deuil : je ne vous accompagne pas, si le contremaître me voit, il va me retenir.
- On se retrouve chez Blanche-Neige alors, ce soir, propose une jeune femme au teint clair.

Macao lève la main, les doigts formant un "ok" d'approbation, puis s'éloigne en courant. Dans la Périphérie, quand on est seul, on court. Là-dessus, pas de sexisme, tout le monde est logé à la même enseigne. De toute manière, avec cette crasse et ces couches de saleté qui s'accumulent sur les visages, il devient difficile de définir si la personne en face est une femme ou un homme.

La RaceTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang