Chapitre 7

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- Ok, est-ce que je peux poser une question ?

- Je t'ai dit de ne plus demander la permission, rappelle Arun.

Les deux jeunes gens, toujours dans la salle de jeux, picorent les miettes de leur repas. Arun est assis sur le fauteuil en cuir, Macao adossée à celui-ci. Au mur, la cible est criblée de fléchettes.

- Ok j'y vais alors : Kassem m'a dit que les Birmans ne subissent pas de mutilation, mais est-ce qu'il a raison ?

- Des mutilations ? s'étonne le jeune homme. Vous subissez des mutilations ?

- Pas nous, corrige-t-elle. Mais par exemple, les Persans ont le nez cassé à la naissance.

- C'est une chirurgie, pas une mutilation.

- La chirurgie, c'est pas pour améliorer les choses ? Là, non seulement c'est moche, mais en plus ça crée des problèmes de santé.

Arun reste silencieux un instant. Elle n'a pas tort. Il se penche et attrape un morceau de pain pour saucer le contenu de son assiette.

- Il ne nous arrive pas grand chose, quand on est Birman, rassure-t-il finalement. Juste parfois des gouttes dans les yeux quand ils ne sont pas d'un bleu suffisamment vibrant. Certains ont même recours à la chirurgie pour avoir un meilleur bleu de manière permanente.

- Les vôtres sont très bleus.

- C'est pour ça qu'on ne m'a pas embêté. Et toi, tu as eu des chirurgies ? Tu m'as dit qu'il n'y avait pas eu de mutilation, mais qu'en est-il des chirurgies ?

- J'en ai eu une, reconnaît Macao. Une stérilisation.

Le jeune homme se tourne vers elle, surpris.

- Tu ne voulais pas d'enfant ?

- Les stérilisations à la Périphérie ne sont pas des chirurgies pour lesquelles on peut donner son avis. De temps en temps, quand le nombre de naissances est trop élevé, la milice attrape toutes les filles qui passent et fait des stérilisations de masse. Ça s'appelle "ligue des troupes" ou quelque chose qui ressemble.

- Ligature des trompes, corrige le garçon.

- Ce n'est pas plus mal, en vérité, reconnaît Macao. Si j'avais eu un enfant, je l'aurais sûrement abandonné. C'est beaucoup trop cher, ça demande trop de temps et d'énergie que tu ne consacres pas à gagner de l'argent, sans parler de l'accouchement en lui-même qui est, parait-il, une vraie torture. Beaucoup de femmes n'y survivent pas.

Arun hoche la tête, circonspect. Peut-être est-elle satisfaite du résultat, mais la stérilisation forcée lui semble tout de même demeurer une pratique assez violente. Il pose son assiette au-dessus de celle de Macao, terminée depuis un moment déjà.

- Vous vous en êtes bien sorti, finalement, rit la jeune fille. J'ai cru que vous alliez tout renverser au début.

- J'en ai renversé une partie, rappelle Arun en désignant les feuilles d'essuie-tout roulées en boule. C'était la première fois que je ne mangeais pas sur une table. C'est assez déstabilisant.

- L'assiette était déstabilisée, reconnaît Macao en riant.

- Macao ?

- Oui, Monsieur ?

- Non, rien.

La jeune fille se lève, récupérant le plateau rempli de vaisselle sale.

- Je vais porter ça à la cuisine, informe-t-elle. Voulez-vous que je revienne après, ou allez-vous dormir ? Il est déjà tard.

La RaceWhere stories live. Discover now