Visage perdu

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Kara

Je me réveille en sursaut. J'ai encore vu cette fille, cette fille dont je ne peux que distinguer qu'un visage flou. Un visage que je n'arrive pas à rattacher à qui que ce soit.

J'avais treize ans lorsque j'ai perdu mes parents dans un accident de voiture. J'y étais aussi, je m'en suis sortie avec une perte de certains souvenirs de l'année précédente, y compris cette personne qui m'obsède toujours autant, des années après.

Je ne sais pas qui elle est, je ne connais pas son nom ni même comment nous nous connaissions. Et je suis la seule à me souvenir d'elle. J'ai bien entendu posé des questions à mon entourage lorsque j'en ai été capable, mais il semblerait que cette inconnue n'a jamais rencontré qui que ce soit en dehors de moi.

Tout ce qu'il me reste, c'est une image brouillée et un fort sentiment d'attachement. Je suis presque sûre que, si je la croisais, je serais capable de la reconnaitre. Le problème, c'est que je suis incapable de savoir par où commencer mes recherches.

Aujourd'hui, plus de dix ans après cette déchirure, son visage continue d'apparaitre dans mes rêves sans que mes proches ne soient au courant. Je ne veux pas les inquiéter, particulièrement ma soeur, alors j'ai fait croire qu'il s'agissait d'une hallucination et que tout était réglé. Une conséquence sans gravité de mon cerveau légèrement dérangé par l'accident.

Sauf que rien n'est réglé. Absolument rien. Et elle continue de me hanter régulièrement.

Honnêtement, à ce stade, j'ai perdu espoir de la retrouver un jour. J'ai déménagé dans une grande ville et il y a fort à parier qu'elle en ait fait de même. Les chances pour que nos chemins se croisent à nouveau sont tellement minces que cela fait plus de mal qu'autre chose de penser à elle, bien que je le fasse régulièrement non-intentionnellement.

Je trouve finalement le courage de sortir de mon lit, prête pour une nouvelle journée. Et pas n'importe quel jour : aujourd'hui, je commence officiellement mon travail de journaliste avec une interview exclusive. C'est étrange qu'une débutante comme moi soit choisie pour quelque chose de cette ampleur mais il paraitrait que la jeune PDG, Lena Luthor, m'a demandée spécialement.

Je ne sais pas pour quelle raison particulière je suis celle qu'elle a voulu. Je veux dire, je ne la connais que par ce que les journaux disent d'elle. Et encore, je dois en savoir plus sur le reste de sa famille, particulièrement son frère, que sur elle spécifiquement. Et malgré mes quelques recherches afin de ne pas poser de question idiote, je n'ai presque rien trouvé.

Tout ce que j'ai appris, c'est qu'elle a toujours évité les médias depuis sa plus tendre enfance. Elle a été adoptée par la famille Luthor à l'âge de quatre ans et ne s'est jamais vraiment investie dans l'entreprise familiale jusqu'à il y a peu de temps, lorsque Lex lui a laissé l'entreprise en héritage.

Peut-être voulait-elle simplement une personne assez inexpérimentée pour pouvoir détourner les questions si besoin ? Manque de chance pour elle, je ne compte pas me laisser mener en bateau.

C'est encore interrogative que je passe les portes de l'imposant bâtiment. L'intérieur grouille telle une fourmilière. Pourtant l'ambiance ne me semble pas spécialement lourde contrairement à ce que j'aurais pu croire. J'ai cru comprendre que, lorsque Lex était à la tête de l'entreprise, ce n'était pas vraiment la joie. Sa soeur semble différente, en tout cas c'est ma première impression. Peut-être ne s'agit-il que d'une idée sans fondement. Ou simplement un relâchement de la part des employés.

De toute façon, je ne dois pas me laisser influencer par des suppositions. Pas pour écrire cet article. Mais je peux déjà noter que les personnes croisées ne semblent pas mal. C'est déjà un bon point pour elle.

L'assistante de la PDG me fait patienter quelques minutes avant que je ne puisse entrer. Après tout, je suis un peu en avance, elle doit certainement avoir un planning très chargé. Enfin, je suppose.

En attendant, je me permets d'observer un peu plus les lieux. Je n'ai rien de particulier à faire d'autre de toute façon. Tout me parait tellement chic et luxueux. Je me demande si la décoration était déjà ainsi avant ou si elle y a ajouté sa touche personnelle. Ce qui est sûr, c'est que l'imposant tableau représentant la famille Luthor, assez connu pour trôner devant le bureau, a totalement disparu. A-t-elle des problèmes avec toute sa famille ou est-ce une manière de montrer qu'elle n'est pas comme son frère ?

- Mademoiselle Luthor va vous recevoir.

Je me relève vivement et me dirige vers les importantes portes que la jeune femme m'a désignées. Inspirant un grand coup pour me donner du courage, je m'avance enfin.

La pièce dans laquelle je pénètre est très lumineuse de par le mur vitré donnant une vue impressionnante sur le reste de la ville.

Pourtant, ce n'est pas ce qui retient mon attention. Non, c'est la jeune femme derrière son bureau.

Ses yeux d'un vert profond me fixent comme s'ils essayaient de lire mon âme, me mettant légèrement dans l'embarras.

J'essaie de reprendre contenance en lui tendant la main.

- Bonjour mademoiselle Luthor. Je suis Kara Danvers, journaliste chez Catco Worldwide media.

Elle me toise encore un instant avant de répondre à mon geste et de m'inviter à m'installer.

Je retire ce que j'ai pu dire plus tôt, l'ambiance est carrément glaciale. J'ai l'impression d'avoir pénétré dans un congélateur.

L'interview se passe relativement bien malgré tout. Ses motivations semblent louables et elle a l'air de vouloir réellement s'émanciper du nom Luthor et des méfaits commis par son frère dans le passé.

Si les propos échangés restent cordiaux, sa manière de me fixer ne l'est pas vraiment.

Et à ça se rajoute un étrange sentiment de déjà-vu. J'ai la sensation étrange et persistante d'avoir déjà croisé son chemin par le passé. Pourtant c'est impossible, nos parcours sont totalement opposés et nous vivions dans des villes de chaque côté du continent. En tout cas, de ce que j'ai pu lire sur elle. J'ai bien pensé qu'elle pourrait être la femme dans mes souvenirs, sauf qu'elle était vraisemblablement en Irlande à cette période, dans un pensionnat. Impossible que l'on se soit croisées : je ne me suis jamais aventurée dans ce coin du globe, même pour de courtes vacances.

En bref, cette situation est plus qu'étrange et me laisse un arrière-gout assez désagréable.

- Je pense que nous avons fait le tour. Merci pour votre temps mademoiselle Luthor.

Elle soupire lourdement en se calant un peu plus dans son siège.

- Alors c'est ainsi maintenant ? C'est ce que vous voulez ?

- Je ne comprends pas bien...

Mais qu'est-ce qu'elle me veut à la fin ?

- Je vous pensais différente, elle souffle, que ce qu'il y avait entre nous était vrai. Mais il semblerait que je me sois trompée. J'ai compris le message, Kara, il n'y a rien de plus à ajouter.

Complètement déboussolée, je quitte finalement les lieux.

Qu'est-ce qui vient de se passer à l'instant ?

31 jours (OS Supercorp)✔️Where stories live. Discover now