Chapitre 1 : Esmée

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Je cesse de penser aux cours et descends les escaliers à l'affut du moindre nouveau piège de Charlie. J'ai l'air d'une imbécile à m'avancer ainsi sur la pointe des pieds mais mon idiot de frère passe des heures à essayer de me piéger. Le coup de la poignée, c'est une nouveauté. Il ne manque pas de créativité. Il faudra que j'y prenne garde à l'avenir. Lorsqu'il trouve une nouvelle idée, il l'intègre dans une sorte de routine. J'ai donc de plus en plus de traquenards à éviter et de vérifications à faire. Arrivée en bas de l'escalier, je lève la tête pour vérifier qu'un seau d'eau n'est pas en train de se précipiter sur moi comme la semaine passée. Au-dessus de moi, il y a plus d'étages que je ne peux en compter mais nous n'avons pas d'ascenseur. Mon père a plein de choses rangées là-haut auxquelles il ne veut que l'on touche à aucun prétexte mais je crois que lui-même ne se souvient plus de tout ce qui s'y trouve. J'ai toujours eu une flemme terrible d'essayer de monter tout en haut. Maman m'a assurée que tout était vide mais si elle dit ça, c'est qu'elle a commencé à y cacher toutes ses fringues qui ne rentrent plus dans ses placards. Papa fait mine de ne rien voir mais il doit bien constater sur ses relevés de compte que de grosses sommes sont prélevés et que les libellés ne correspondent qu'aux achats compulsifs de Maman. Famille aisée ou pas, ce genre d'achats ne doit pas passer inaperçu.

J'arrive sans encombre dans la salle. J'ai le sentiment d'être un agent secret dans ma propre maison à me déplacer d'un mur à l'autre en lançant des regards inquiets autour de moi.

Mon cœur se serre lorsque je vois les restes de ma tasse en porcelaine sur la table. Un malheureux coup de coude est à l'origine de sa chute. J'ai bien essayé de la rattraper mais elle s'est abattue sur le sol et brisée en mille morceaux. Charlie a fait une mine si désolée que, pour une fois, j'ai accepté ses excuses sans broncher. Je voulais juste qu'il me laisse tranquille et qu'il disparaisse de ma vue pour me laisser pleurer en paix. Puis, j'ai demandé à mon robot d'aller chercher la super glue. Le constat de mon échec cuisant s'étale encore sur la table. Pas moyen de la recoller. À partir d'aujourd'hui, je devrais me contenter d'une tasse en lidinium ordinaire. Je sais qu'elles sont quasiment identiques. Mon père m'a bien expliqué que je ne pourrais pas distinguer à l'œil nu une tasse en porcelaine et une tasse de lidinium imitation porcelaine. Je demande à voir. Il me sous-estime sans doute, comme toujours.

Mon robot arrive et je lui donne à regret mon accord pour balayer les débris. Je la genre au féminin parce que je m'amusais à l'habiller avec mes vêtements quand j'étais petite et que je la voyais donc comme une sorte de copie de moi-même. Aujourd'hui, c'est juste un robot gris comme tous les autres, que je ne reconnais qu'à la taille : plus petit que ceux de mes parents, plus grand que celui de mon frère. Elle sait que je suis triste. Elle doit le percevoir dans mes expressions faciales qu'elle analyse en continue. J'essaye d'en jouer et lui demande de mettre en place le programme réconfort : chocolat et bain moussant à volonté mais je ne dois pas être assez mal au point. Elle me connait mieux que moi-même.

« Après consultation avec le réfrigérateur, l'accès à ce programme n'est pas autorisé. »

Je m'y attendais mais ça ne m'empêche jamais d'essayer chaque fois que l'occasion se présente. J'attends le jour où un bug me permettra de me vautrer dans un bain de chocolat chaud.

La télévision traîne dans un coin, roulée par terre comme un vieux tapis. Charlie ne range jamais rien. Je l'attrape et la jette contre un mur pour qu'elle s'y accroche. Puis, j'allume ma console. Les yeux grands ouverts, ma boîte de lentilles de contact s'ouvre pour les laisser s'accrocher à mes pupilles. J'aime bien commencer la journée avec un peu de sport et ça m'évite d'avoir à subir les rappels constants du réfrigérateur que si je veux manger, je dois me dépenser. Je prends le circuit le plus dur : savane, option buffles, niveau expert. Je vais suer des litres mais je pourrais ensuite manger quelques crêpes.

Les Secrets du LidiniumKde žijí příběhy. Začni objevovat