Le poète

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Julius avait une demi-heure de trajet pour atteindre l'immeuble vétuste où vivait le poète. Son mal de crâne s'évapora plus vite qu'il ne l'aurait espéré. En chemin, il demanda alors quel était le motif de la soudaine réapparition de son ancien acolyte : L'agent Kosh. Celui-ci avait dû remettre un colis à la police Glasgow le plus discrètement possible. Cela l'avait retenu une semaine, mais il était revenu aujourd'hui et à peine avait-il passé la porte qu'on lui avait demandé de porter le message à propos du poète au vieil inspecteur. MacPharlain douta soudainement de la présence de Sullivan à son retour.

Le suspect vivait sous les toits dans un local délabré que les deux agents atteignirent par de fragiles escaliers tandis un de leurs collègues sécurisaient les issues. La pièce était fermée par une porte branlante, mais verrouillée. Au plafond s'étaient installées quelques chauves-souris, l'inspecteur eut néanmoins l'honneur de ne croiser aucun rat. Il frappa à la porte. Aucune réponse. Il colla son oreille contre celle-ci et n'entendit qu'une respiration rauque. Une grimace passa sur son visage et il regarda Kosh avec un léger mouvement de tête vers le panneau de bois vermoulu. L'acolyte sortit son pistolet tandis que Julius enfonça la porte d'un mouvement d'épaule, celle-ci se plia sans difficulté, tombant au sol et laissant place à un spectacle étrange. Assis sur un matelas à même le sol, un homme avec une couverture sur les épaules regardait le duo qui venait d'entrer dans sa chambre avec si peu de politesse. Il se contenta de demander :

"Il y en a d'autres dehors. Alors, je suis pris au piège ?"

Le crâne du poète était parsemé de touffes de cheveux, ses pommettes étaient saillantes. Ses côtes visibles et sa peau d'une blancheur cadavérique étaient de bien mauvais signes. Son regard s'accrochait sans logique autour des personnes présentes, papillonnant comme celui d'un dément. Malgré ces caractéristiques, il semblait calme, engoncé dans sa couverture, il chantonnait. MacPharlain n'arrivait en saisir que des brides.

"...aimer Elise de tout mon coeur..."

L'inspecteur fouilla la pièce des yeux, rien de notable. Puis il réalisa doucement que la plupart des meubles étaient brisés, comme ayant été soumis à une force dévastatrice. Dans cette atmosphère poussiéreuse et désordonnée, le fait ne l'avait pas choqué. Artemis, toujours assis à hauteur du sol, fit un léger mouvement d'épaule. Julius eut juste le temps d'apercevoir un éclat métallique au niveau du bras gauche. Il commença doucement à pousser Kosh vers l'arrière avec lui. De son autre main, il cherchait désespérément un objet pour se défendre.

"...Elise, n'as-tu pas de coeur ? Je t'aime..."

Un son désagréable se fit entendre, comme le cliquetis métallique d'une machine qui se met en marche. MacPharlain réussit enfin à trouver une longue barre de fer un peu rouillée. Kosh se cachait avec courage derrière une table à trois pieds, son pistolet bien en main. Le poète promenait son regard d'un torse à un autre.

"... Coeur..."

Peter Kosh eut juste le temps de se cacher derrière la table avant que celle-ci ne soit brisée en deux. Le dément avait sauté en dehors de son lit, découvrant une machinerie étrange qui couvrait de sa main jusqu'à l'épaule. Il avait brisé relativement simplement le bois vermoulu avec ce qui ressemblait à une pièce d'armure de cuivre et d'argent. Julius n'eut que peu de temps pour bloquer la deuxième attaque qui aurait tué à coup sûr son acolyte. Il donna un large coup à l'arrière des genoux du poète qui tomba sur le sol, pataud. Artemis tenta d'attaquer MacPharlain, mais celui-ci bloqua la "main" de machinerie avec la barre de fer. Les doigts de métal claquaient sinistrement de chaque côté de l'arme de fortune, menaçant de la briser d'un instant à l'autre. Avec une force improbable, le poète commença à repousser l'inspecteur qui y mettait pourtant tout son poids et prendre le dessus. Au coeur de la poigne de fer, Julius voyait des lames tourner lentement sur elles-mêmes, prêtes à un atroce découpage. Seule la sagacité de Kosh sauva Julius. Armé de tout son courage, l'agent donna un grand coup de crosse sur le crâne du poète qui s'effondra sans plus de cérémonie. Le premier réflexe de l'inspecteur fut de retirer cette étrange arme du bras du poète, elle avait arrêté de se mouvoir d'elle-même. Il grimaça devant l'état du bras et de la main qui étaient dans la machine, depuis combien de temps n'avait-il pas retiré cet engin ?

Il examine la machinerie en question, du sang caillé était encore présent dans les interstices. Une arme de crime bien particulière... Par quel procédé pouvait elle bouger ? Y avait-il une manivelle ? Il chercha un instant, secouant chaque partie qui semblait pouvoir être amovible et trouva enfin une petite fiole, calée au fond d'un mécanisme complexe. Il tenta de la saisir, mais elle glissa entre ses doigts et ce qu'il restait du contenu se renversa dans les différents engrenages jusqu'à goutter sur le sol. Avant que le liquide ne soit absorbé par les lattes de bois, il aperçut un reflet verdâtre.

Il ne comprenait pas comment cette étrange huile pouvait faire marcher cette machine. Il caressa un sceau qu'il venait d'apercevoir sur le poignet de l'objet, deux étranges croches filant vers le bas. Il avait une intuition puissante, il était certain que Sullivan pourrait lui expliquer ce qui se passait et qu'est-ce qu'était cette chose. Tandis qu'il se penchant de nouveau sur l'inconscient, une toux se fit entendre dans son dos. Un homme habillé d'un élégant complet gris perle se tenait dans l'encadrement de la porte, accompagné d'un supérieur de MacPharlain. Julius n'avait pas vu Peter sortir.

"Il semblerait que l'affaire soit résolue. Nous nous occupons du reste." dit l'homme d'un ton neutre.

L'inspecteur se releva, mécontent : loin d'être résolu cette affaire, oui. Ils avaient un coupable pour les meurtres, mais il y avait quelque chose de plus puissant à l'oeuvre. Le vieux loup se débrouillerait sans ce genre d'officiels dans les pattes pour la suite de son enquête. Il attendit qu'on lui fasse de la place et passa. Il accorda un coup d'oeil furieux à l'inconnu. Celui-ci lui rendit un regard perçant d'une couleur qui ne sembla pas naturelle au vieil homme. Il se retourna brusquement vers lui, mais l'homme n'avait que deux yeux bruns relativement communs. Ainsi qu'un sourire en coin.

De retour dans son bureau, il constata sans surprise qu'il était vide de toute présence. Les dossiers toujours au sol.

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⏰ Last updated: Oct 16, 2021 ⏰

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La folie des ImmortelsWhere stories live. Discover now