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J'ai les yeux exorbités, les mains moites et les poumons en feu. Comment tout a pu changer à ce point en l'espace de quelques minutes ? Ça me paraît irréaliste. Mon corps est soudain sujet à une euphorie grandissante, et je ne pense plus qu'à une chose.

Mon rendez-vous de ce soir.

Je cours. Je cours tellement que ma gorge me brûle, comme si l'air qui entre et sort de mes poumons à un rythme frénétique était à la fois composé d'étincelles et de cristaux de glace.

J'ai mal, mais d'un autre côté, je me sens bien. Sans doute mieux que je ne l'ai jamais été. Mon corps est si léger que j'ai l'impression d'aller plus vite que le vent, et mon cœur qui bat de plus en plus fort dans ma poitrine me fait prendre conscience que tout ça est bien réel, que je ne rêve pas.

Il y a encore une demi-heure, j'étais assis au milieu de centaines de personnes, à écouter une putain de déclaration de la part du mec qui m'obsède depuis des mois. Pendant tout ce temps j'ai cru qu'il s'était foutu de moi et qu'il m'avait trahi, j'ai essayé de balayer tous les souvenirs qui me liaient encore à lui, et je m'endormais le soir en m'imaginant avec quelqu'un d'autre tout en essayant de me convaincre que je pleurais juste parce que j'étais fatigué.

Mais en quelques minutes, tout est revenu.

Mes pensées refoulées ont jailli dans ma tête comme un volcan en éruption, mon cœur s'est tellement élargi qu'il a brisé les chaînes que je lui avais moi-même mises, et toute ma tristesse, ma colère et ma frustration ont disparu aussi vite qu'un médicament amer qui fondrait sur ma langue. J'ai l'impression que mon corps appelle le sien, que le goût de ses lèvres n'a jamais quitté les miennes et que l'air qui m'entoure a exactement le même parfum que lui.

Le rendez-vous n'est que dans deux heures, mais je ne pouvais pas attendre. Le spectacle était durant la dernière heure de cours de la journée, et en ce vendredi après-midi, je me fiche bien de rentrer chez moi pour faire mes devoirs. Je me suis enfui du lycée aussi vite que possible, et depuis, je n'arrête pas de courir jusqu'au lac comme si toute ma putain de vie en dépendait.

Est-ce que je suis raisonnable ? Non. Est-ce que tout ne s'enchaîne pas un peu trop vite ? Peut-être.

Mais ce qui est sûr, c'est que je suis amoureux. Et Levi m'a appris à mes dépends que lorsqu'on tombe amoureux, on fait des choses insensées et on ne réfléchit pas comme d'habitude. Alors au diable la raison.

Je me stoppe d'un coup lorsque j'atteins enfin la petite rive au milieu des arbres qui bordent le lac, et je n'hésitai pas une seule seconde avant de balancer mon sac à dos sur le sol et de tomber à genou devant l'eau claire dans laquelle j'ai embrassé le noiraud pour la première fois. Je penche la tête au-dessus de la surface et m'asperge le visage, espérant ainsi faire retomber la température de mes joues ainsi que mon rythme respiratoire puisque je sens mon cœur pulser jusque dans mes oreilles après cette course folle.

Je suis épuisé comme jamais je ne l'ai été. Mais malgré tout, lorsque je plaquai mes cheveux humide sur le sommet de ma tête en humant le parfum des arbres qui m'entourent, je ne pus me retenir de sourire à m'en décrocher la mâchoire.

Bordel, je suis heureux. Et si Levi était là, je crois que je l'embrasserais.

À cette simple pensée, au seul souvenir de ses lèvres posées sur les miennes, j'eus comme une énorme bouffée de chaleur qui me retourna les tripes et fit virevolter une nuée de papillons dans mon estomac. Je me fis alors la réflexion que, après avoir pensé pendant des années que j'étais quelqu'un d'anormal, j'ai finalement trouvé une personne qui soit capable de me faire ressentir ce genre de sensations si étranges et agréables à la fois.

BlindWhere stories live. Discover now