5 - Sable

464 48 60
                                    

— Tu veux rire de moi?

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

— Tu veux rire de moi?

Ma voix se répercute dans la pièce presque vide où je suis convié chaque fois qu'une nouvelle mission doit m'être confiée. Outre un bureau en bois massif pour me séparer de mon employeur, il n'y a qu'une minuscule chaise sur laquelle je suis assis, et qui craque dès que j'ouvre la bouche, ainsi qu'une corbeille à papier dans laquelle je n'ai jamais vu le moindre bout de papier échouer. C'est un bureau tout ce qu'il y a de plus normal, presque banal. Sauf que ce bureau est situé dans une maison inhabitée, à l'écart du brouhaha urbain mais surtout... des oreilles indiscrètes.

Comme d'habitude, Alaster arbore un air impassible, voire ennuyé. Sa chevelure mi-longue elle-même semble lasse face à ma réaction, une mèche glissant en travers de son visage grave, s'accrochant dans les poils courts de sa barbe. Même ses yeux semblent mats, comme si le moindre éclat aurait pu passer pour une étincelle de moquerie.

C'est ça, oui. Il rigole sûrement intérieurement.

— Non, déclare-t-il d'un ton plat.

Évidemment que non. Ç'aurait été trop beau.

— Nous avons passé un contrat, Al, me sens-je obligé de lui rappeler. D'abord, j'ai été embauché pour m'occuper d'une fillette en permanence, ce qui comprenait de faire les repas et les courses, changer des couches et lire des histoires de princesses, voire même pratiquer l'art des tresses. Pas de problème, j'ai quatre soeurs, et j'ai aidé à m'occuper d'elles jusqu'à ce qu'elles soient majeures. Et encore, j'ai l'impression de toujours leur servir de mère.

D'ailleurs, il faut que je passe au garage pour voir Agathe aujourd'hui, avant qu'elle envoie Alex.

Je sors mon téléphone de ma poche pour prendre une note sans me soucier du manque de politesse que ce geste constitue. Pour mes soeurs, la note, pas pour cette proposition indécente. Nous avons établi il y a longtemps que les travaux "spéciaux" qu'Alaster me confie et qui sortent du cadre de mes fonctions officielles ne doivent être consignées nulle part.

— Jouer comme figurant dans un déversement fictif de produits chimiques, puis suivre une femme comme un pervers, entrer chez elle pour poser des caméras et des micros, c'était déjà limite, Al.

— Je sais. C'est entre autres pour cette raison que je t'ai retiré la surveillance.

C'est ça, ouais. Et aussi parce que tu veux être le seul à t'astiquer le manche en la regardant cuisiner ses biscuits à poil. Je comprends totalement, mais au moins, je serais franc à ce sujet, au lieu de faire comme si mes motivations étaient nobles. Je ne vocalise pas ces pensées, mais mes sourcils indiquent assez clairement qu'il n'est qu'un sale hypocrite.

— Ajoute à ça les messages d'intimidation et les menaces que je me charge de transmettre à n'importe quelle heure du jour et de la nuit...

J'aurais dû me douter qu'il y aurait pire. C'était à prévoir.

Le requin chartreuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant