Je rejoins notre chambre et heureusement Soukeyna n'est pas là. Je ne compte pas le lui dire ce soir parce que même si elle ne l'avouera pas, cela va l'affecter. Qu'elle le veuille ou non, Aminatou reste sa mère. Elle n'est pas sa mère biologique certes mais elle l'a élevée et malgré tout elle a fait d'elle la femme qu'elle est aujourd'hui. Si Soukeyna est cette femme forte, gentille et responsable c'est à cause ou grâce à Aminatou. Ses comportements envers elle l'ont forgée.

Je prends une douche rapidement. Cet appel a duré moins de dix minutes et j'ai transpire comme si j'avais couru un marathon. Je sors de la chambre après avoir tout fini et je tombe nez à nez avec Keyna. Je l'embrasse furtivement.

- « Qu'est-ce qui se passe ? » demande-t-elle aussitôt presque

- « Rien. Pourquoi cette question ? »

- « Tu oublies que tout se lit sur ton visage. Et là on dirait que tu es inquiet» affirme-t-elle

J'avais oublié à quel point elle est forte pour déchiffrer les expressions sur le visage. On ne peut rien lui cacher.

- « C'est juste un problème au bureau. Je vais régler ça demain » je mens

- « C'est sûr ? » fait-elle en arquant les sourcils

- « Oui bébé » je dis en l'attirant vers moi et passe un bras par dessous son épaule

- « D'accord. Je t'appelais pour le dîner. Il sera bientôt servi »

- « Allons-y »

Le lendemain, très tôt, j'ai prétexté une réunion d'urgence au bureau et je n'ai pas attendu Soukeyna. Elle ne me croit pas c'est sûr, parce qu'une réunion d'urgence sans elle qui est notre chargé de relations internationales c'est impossible. Mais j'ai quand même réussi à aller à l'hôpital. Docteur Thiam, qui est la femme qui m'a appelé hier m'a confirmé par message que le transfert a été fait que ma belle mère est arrivée à l'hôpital Le Dantec.

J'arrive à la réception et on m'indique rapidement sa chambre. Je la trouve réveillée et elle me sourit légèrement.

- « Vous pouvez parler ? » je demande

Elle hoche la tête. Je m'assois sur la chaise à côté d'elle. On reste longtemps sans rien dire. Je ne sais pas quoi dire. On n'a jamais été proches, elle me déteste même. Si je suis là c'est uniquement pour Keyna. Je croise ses yeux et je vois des larmes perler au bout. Cela me perturbe un peu parce que je n'ai jamais vu Aminatou dans cet état. Aussi faible et impuissante. Aduna mo goud tank deug.

- « Je suis ... désolée. Je ... suis tellement désolée ... Mouhamed » réussi-t-elle à dire difficilement

Je ne dis rien et continue à soutenir son regard. Ses larmes ruissellent désormais sur son visage.

- « Je vais ... te rembourser. Pour le transfert » ajoute-t-elle

- « C'est simple de s'excuser quand on est cloué sur un d'hôpital n'est-ce pas ? Et vous n'avez pas à me rembourser » dis-je fermement

- « Du fond ... du cœur, je te demande pardon. Pour toutes ... les choses que je t'ai faites. Depuis le début. Je ne me suis pas rendue compte ... à quel point j'étais un monstre avec tout le monde. Je ... »

- « Je crois que c'est à votre famille que vous devez ces excuses. À Soukeynatou, votre fille. Vous ne vous rendez pas compte à quel point vous lui avez fait du mal. À quel point vous lui avez fait perdre confiance en elle parce que sa mère ne l'aimait pas ... » je lui coupe la parole

- « Ce n'est pas vrai » cette fois sa voix est claire et limpide

- « Vous avez une drôle de manière de montrer votre amour alors » dis-je avec un léger rire

- « Tu lui as dit ? Il n'y a que toi qui est au courant pour l'instant »

Je secoue la tête. Elle m'explique, toujours avec difficulté, qu'elle a peur des réactions de sa mère et de sa sœur ainsi que de Soukeyna. Elle a peur qu'elles ne viennent pas. Peur de quoi ? Tout le monde n'est pas comme elle, tout le monde n'est pas si cruel. Elles ne vont laisser leur mère, fille ou sœur crouler ici.

- « Je vais la prévenir tout à l'heure » annoncé-je

- « Tu es un homme bien Mouhamed. J'étais aveuglée par ma vengeance. Ma sœur était ... mon tout, mon pilier. Je n'ai pas supporté le fait de le voir se marier avec Mamadou ... l'homme que j'aimais. L'homme avec qui je sortais. Je ne suis pas la seule fautive dans l'histoire » déclare-t-elle en essayant de se relever

Je me lève de mon chaise et l'aide à se mettre en position plus ou moins assise.

- « Est-ce que vous êtes responsable de sa mort ? » je demande parce que c'est très bien possible

- « Évidemment que non »

- « D'accord je vous crois. Je vais y aller, je vais revenir ce soir avec Soukeyna. Et ... je vous pardonne »

Point de vue Soukeyna

J'arrive au bureau et à ma grande surprise, ou pas, aucune trace de mon mari. Il avait dit qu'il avait une réunion importante wala ? J'ai demandé à sa secrétaire et elle m'a dit qu'il n'est pas encore arrivé. Depuis hier je le trouve bizarre et cachotier alors que ce n'est sa nature. De toute façon, fi la may fekk.

Je rejoins mon bureau et l'appelle mais il ne répond pas. Je n'insiste pas et commence à travailler. Quelques minutes, non une heure plus tard, je le vois entrer dans mon bureau et s'assoit sur le fauteuil en face de moi.

- « Tu me trompes Mouhamed ? » je demande aussitôt

- « Cheuut toi aussi » fait-il en rigolant

- « Tu étais où alors ? »

- « J'étais à l'hôpital » dit-il simplement

- « À l'hôpital ? Qu'est-ce que tu faisais là-bas ? Tu es malade ? » questionné-je

Il prend un long moment avant de répondre.

- « On m'a appelé hier pour me dire que ta mère a été admise à l'hôpital de SaintLouis. Elle a fait un début d'AVC et j'ai demandé qu'on la transfère ici à Dakar. Et je suis allée la voir ce matin» déclare Mouhamed dans le plus grand des calmes

L'information tarde à arriver à mon cerveau. Je mentirai si je disais que ça ne me fait pas quelque chose mais Mouhamed aurait dû me le dire et ne pas aller la rendre visite à mon insu.

- « Je lui ai dit que je reviendrai ce soir avec toi »

- « Avec qui ? » demandé-je en levant un sourcil

- « Avec toi » fait-il fermement

- « Je n'ai pas envie de la voir. Malade ou pas. Toi tu n'es pas rancunier peut-être mais moi je n'arrive pas à digérer encore ce qu'elle m'a fait »

- « Quand est-ce que tu vas passer à autre chose ? On sait tous ce qu'elle a fait mais on ne peut pas vivre continuellement comme ça. On ne peut pas effacer le passé certes mais il faut qu'on raye cet épisode de notre vie Keyna. Tu verras on sera plus soulagé si on lui pardonne et que chacun vive sa vie »

- « Mouhamed ... » tenté-je

- « Tu vas juste la voir. Si tu ne peux pas lui parler on rentre »

Je hoche la tête.

- « Mais on peut attendre demain ? Je suis un peu fatiguée aujourd'hui » proposé-je

Je ne me sens pas capable d'affronter Aminatou aujourd'hui. Il faut que je me prépare émotionnellement d'abord.

- « Pas de soucis. Si tu ne sens pas bien, tu peux rentrer aussi »

- « Non ça va » affirmé-je

Il hoche la tête à son tour et fait le tour du bureau. Il se penche pour m'embrasser tendrement avant de caresser mon ventre.

- « À tout à l'heure alors. Je t'aime » s'exclame-t-il en s'avançant vers la porte

- « Je t'aime encore plus »

- « Bayil door yi » fait-il amusé

- « Wa guenal sakh. Sors de mon bureau »

Mouhamed et Soukeyna Where stories live. Discover now