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- Je suis désolée Thomas mais c'est urgent. Nous ne serons pas longues, et je vous promets de vous retrouver ici dès que nous aurons terminé.

- Bien. Je ne vous cache pas que je suis quelque peu déçu mais soit, je ne vais pas aller contre votre décision. Je vais vous conduire jusqu'à une pièce reculée où personne ne pourra vous entendre, suivez-moi.

Julia ouvre grand ses yeux et te saisit le bras, comme si une ampoule venait de s'illuminer au-dessus de son crâne.

- Attendez !

Avec ton cavalier, vous la fixez ébahis.

- Je ne me sens vraiment pas bien, je crois que je vais vomir ! Je dois absolument me rendre dans la salle de bain, Abby vient avec moi.

- Oh, je peux également-

- Non merci, je sais où c'est !

Julia ne laisse pas le temps à Thomas de répondre, elle resserre la prise qu'elle a sur ton bras et s'élance en te trainant derrière elle. Tu essayes de suivre son rythme, toujours dans l'incompréhension la plus totale. Vous sortez de la salle de bal laissant derrière vous un Thomas frustré qui tourne les talons pour rejoindre le balcon. Une fois devant l'escalier d'angle de l'entrée, elle relâche ton poignet endolori et t'explique son geste :

- Désolée de t'avoir trainé ici mais tu ne semblais pas vouloir avancer.

- Mais pourquoi tu as fait ça ?

- Tu ne te rappelles pas ce que Cade a dit ? En fait, moi non plus je m'en souvenais pas, c'est quand il en a parlé que ça m'est revenu. Elle s'arrête un instant mais en voyant tes sourcils se froncer, elle continue. Elle a dit de se méfier si notre cavalier ou cavalière essaye de s'isoler dans une chambre avec nous.

- Oui mais il n'a jamais parlé de chambre.

- Sans blague, Sherlock ! Tu as raison, il a juste parlé d'un endroit RECULÉ, donc ISOLÉ ou personne ne pourra nous ENTENDRE, sérieux tu ne vois pas où je veux en venir ?

Tu restes muette.

- Tu sais que je t'aime et que je te trouve intelligente mais des fois tu es franchement stupide, elle prend une grande inspiration avant de sortir d'une traite, ton cavalier essaye de nous tuer ! Il fait partie de nos ennemis !

Ayant enfin saisi, tu prononces un long "oh" de compréhension mais réalisant soudain les intentions de ton cavalier tu ponctues ta phrase par un "oh" beaucoup plus bref et grave.

- Bon, il n'a pas l'air de nous suivre, ça te dirait d'aller voir les cuisines ?

Tu acquiesces et la suis lorsqu'elle traverse l'entrée pour faire discrètement coulisser le large panneau de bois, que ton cavalier a ouvert plutôt dans la soirée. L'une au-dessus de l'autre, vos têtes s'engouffrent dans l'entrebâillement de la porte. A la lumière des flammes vacillantes, tu remarques que la pièce n'a pas changé : chaque assiette, chaque couvert et chaque verre sont restés bien sagement à leur place et il n'y a toujours pas de plats au centre de la table.

Vous entendez des pas venir de mur opposé. Vous avez à peine le temps de sauter sous la table qu'un homme en costume fait son entrée par une deuxième porte coulissante. Tu tiens le bas de la nappe dans ta main essayant de réfréner le courant d'air qu'à provoquer votre plongeon. Tu la relèves délicatement et suis de ton regard les pas de l'homme. Au vu des bruits métalliques qu'il provoque, il doit sûrement déposer des plats ou remettre en place des couverts. Il finit par pousser un soupir de soulagement et s'éloigne par la porte que vous avez empruntée. 

Après quelques secondes, vous sortez de votre cachette et passez la deuxième porte coulissante. Elle donne sur un large escalier en colimaçon en pierre. Vous descendez à toute vitesse les marches de peur que l'homme ne redescende les escaliers et qu'un autre les monte, les marches sont certes larges mais pas assez pour vous permettre de ne pas vous retrouver bloquées.

 Vous vous arrêtez à la dernière marche et zieutez discrètement l'intérieur : c'est une cuisine aux murs bordeaux, des plus normales. Des cuisiniers et des hommes en costume courent dans tous les sens, des casseroles s'entrechoquent, de l'huile crépite dans une poêle et des plats sont réunis sur une table.

Tu remarques l'ombre d'une flamme danser sur le sol devant la colonne de l'escalier. Après avoir vérifié que personne ne regardait dans votre direction, tu te précipites d'un côté à l'autre de l'ouverture donnant sur les cuisines et appelles ton amie. Tu rejoins l'ombre et découvres un renfoncement pas plus grand qu'un placard à balais. Les deux endroits sont très rapprochés pourtant tu n'entends plus aucun des sons que tu avais entendus auparavant.

"Sûrement une des cachettes des bonus."

Persuadée de ta théorie, tu te permets de parler à voix haute avec Julia :

- Y a quand même beaucoup de monde, tu veux vraiment qu'on y aille ?

- On est obligées, il y a forcément quelque chose à trouver. Par contre... Rien ne nous oblige à y aller à deux.

Tu roules des yeux ; décidément Julia ne changera jamais, c'est toujours la première à proposer des plans mais aussi la première à se retirer quand ça devient compliqué ou risqué. Ce trait de caractère de ton amie, hormis son manque de ponctualité, est celui qui t'exaspère le plus. Tu n'es pas non plus, plus courageuse qu'elle mais tu te défends en te rappelant que toi au moins, tu ne proposes pas sans arrêt des plans stupides et dangereux.

Voyant que tu ne réponds pas, elle te relance :

- Alors, on se sépare ?


Y aller seule : (43)


Y aller à deux : (16)

Les morts aussi savent danserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant