9. Une forteresse hors contrôle

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ZANG LUO :

Je traverse avec précaution les rues qui mènent à la demeure de ma famille. Les gardes surveillent chaque recoin, ils fouillent les citoyens. Ils sont parfois brutaux en jetant des hommes à terre pour les humilier et les frapper. On sent qu'ils sont sous tension et que l'impératrice a dû leur poser un ultimatum. Ils agissent ainsi par la force et la peur qu'il n'arrive malheur à leurs familles. Cette violence gratuite traduit leurs inquiétudes. Il n'existe plus de manières et de dialogues dans de telles conditions, chacun tente de protéger les siens.

C'est triste de constater que notre ville est devenue un champ de bataille remplis d'êtres diaboliques. La frayeur a fait place à la plénitude et la sérénité. Cette tension qui règne sur les uns et les autres devient de plus en plus insupportable. En ce qui me concerne, je dois faire profil bas. Alors, je me cache derrière les étales des vendeurs pour observer avant de poursuivre ma progression. Tous les habitants de la ville se rendent chez eux pour fuir la terreur environnante. A travers les actions des gardes, on devine aisément l'état d'énervement de cette machiavélique femme. Rien ne l'arrête, et, pour elle, une vie ne vaut rien. Nous nageons en pleine tragédie et désolation.

Je m'avance très lentement vers la porte d'entrée de la maison de mon père. Je suis étonné de découvrir une troupe d'une vingtaine d'hommes postés devant. Ils sont méfiants, et scrutent chaque passant pour tenter d'intercepter quelqu'un. Ne serais-ce pas moi ? Je serre les lèvres. Ils ont déjà envahi notre maison. Je comprends que la situation est très critique pour les miens. Je me réjouis d'avoir éloigné de ce lieu la femme que j'aime. Cependant, je m'inquiète pour les membres de ma famille. Ils ont dû découvrir que je faisais parti des hommes qui ont délivré le prisonnier royal. Ils veulent se venger, et m'attendent pour me cueillir. Si telle est le cas, les miens sont en danger. Je mesure parfaitement l'ampleur de la gravité de la situation. Je dois agir pour les sauver. J'avance lentement, et j'assomme l'un des gardes, celui qui est le plus éloigné des autres. Ce sera son erreur. Je le traine plus loin, et le cache derrière un talus. J'enfile son hanbok de combattant, et je m'infiltre parmi les autres gardes. Je conserve au maximum ma tête baissée pour éviter d'être reconnu et découvert.

Je profite d'un mouvement d'agitation à l'intérieur de la propriété pour entrer en compagnie d'autres hommes. Et je stoppe lorsque j'aperçois mon père à genou au milieu de la cour, une lame d'épée posée sur sa gorge devant tous les membres de ma famille et les serviteurs.

L'un d'entre eux, leur chef, je suppose, le menace :

"- Où se trouve votre fils ?" Il l'interroge en le cognant à l'estomac.

Mon père crie de douleur. Je sens la colère monter en moi. J'attrape mon épée, et commence à la retirer de son étui, lorsque je croise le regarde de mon géniteur. Il me supplie du regard de ne pas réagir. Ses yeux se remplissent de larmes, je comprends qu'il s'offre en sacrifice pour préserver ma vie. Je ne peux le tolérer, et avant même que je ne puisse bondir pour le défendre, le garde coupe la gorge de l'homme qui a été mon exemple pendant des années. Il s'écroule au sol, sous les pleurs des femmes. Son dernier regard avant son dernier souffle est pour moi. Je ne cache pas mon trouble. Mes mains tremblent, mes jambes sont faibles. Mon père ne souhaitait pas que je me mette en danger. Je me vengerais avec certitude de cet acte gratuit. Je n'épargnerais personne, la mort de mon père ne sera pas vaine. Tant que je n'aurais pas obtenu vengeance, je ne pourrais pas abandonner de poursuivre ces meurtriers.

Ma présence dans ces lieux, n'est plus utile. Je m'éclipse lentement pour ne pas évoquer les soupçons. Mais, je suis arrêté par un homme. Son épée menace mon dos. Je bloque net. J'ai été découvert. Puis, je revois la gorge tranchée de mon père, son corps qui s'écroule au sol. Je serre les poings. Je me retourne brusquement et saisit mon ennemi à la gorge. Il lâche l'épée pendant l'affrontement, et je la ramasse pour la planter dans son cœur. Je suis en colère, énervé. Je tuerais qui s'opposera à moi. Je dois me cacher dans la forêt. Je ne peux pas retourner chez mon ami Yang Tao. Je pourrais être suivi, et notre planque sera découverte. Je m'enfonce davantage dans la densité de la végétation. Je me retourne pour vérifier que j'ai réussi à semer mes ennemis.

Il règne un silence effrayant. Je me sens seul au monde. Des larmes jaillissent de mes yeux. Je laisse libre court à mon chagrin. Les derniers mots échangés avec mon père auront été durs parce que nous nous sommes disputés au sujet de mon amour pour Gu Quinzgy.J'aurais aimé avoir plus de temps pour lui expliquer le pourquoi de mon comportement à son égard, et la raison de mon refus de ce mariage arrangé. Dans ses yeux, j'ai compris qu'il souhaitait que je vive pour perpétuer l'existence de notre famille. Son sacrifice m'a donné un goût amer dans la bouche. Je n'oublierais pas ce meurtre, je serais sans pitié pour les assassins de mon père.

Je m'installe pour passer la nuit. Je me sens épuisé tout à coup. Je réfléchirais demain à ma riposte, et, à un moyen de retourner auprès de mes amis et de la femme que j'aime. Je ferme les yeux, cette image terrible de l'effondrement de mon père tourne en boucle dans ma tête. Je ne peux pas la chasser, c'est horrible. Elle représente le dernier souvenir que j'ai de lui. Je secoue ma tête. Je dois me reposer. Je m'allonge sur le sol froid, je n'ai pas le choix. Je dois affronter la nuit à la belle étoile. J'admire le ciel qui déploie toutes ses étoiles pour me plaire. J'oublie mon chagrin pendant quelques secondes. Puis, il revient immédiatement. Je serre les poings. Je n'ai rien pu faire, je ne peux pas admettre cette impuissance à laquelle mes ennemis m'ont contraint. Je serais sans pitié, j'en fais le serment pour l'honneur de ma famille, pour honorer la mémoire de mon père.

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YANG TAO :

Je m'inquiète que Zang Luo. Il n'est toujours pas revenu. Je garde pour moi mes craintes, mais je crois qu'il a eu des ennuis. Mon regard croise celui du blessé. Je comprends qu'il pense comme moi. Nous gardons le silence. Sa longue absence est anormale. Je suis conscient que pour l'instant, nous ne pouvons pas sortir sous peine d'être attrapés par les gardes. Même si je sais que mon ami est en danger, je sais pertinemment également qu'il ne me pardonnerait pas de mettre les personnes qu'il aime en danger pour le sauver, lui. J'ai combattu longuement avec lui pour savoir discerner ses valeurs. Ce guerrier est un homme d'honneur avec un bon sens de la justice. J'ai toujours été fier de me battre à ses côtés, et, aujourd'hui, je dois lui prouver qu'il peut compter sur moi.

Les heures de la nuit passent, il reste absent. Je marche de long en large. J'ai des difficultés à contenir mon énervement. Dae-Hwi me contemple. Pas besoin de parler, l'inquiétude se lit sur nos visages. Même Young Min nous a rejoint dans cet échange de regards. Personne ne parle pour ne pas effrayer la jeune femme. Des coups violents portés sur la porte de notre demeure nous sort de nos pensées. Je jette un regard à ma mère, et lui explique :

"- Mère, vous ouvrez la porte et expliquez aux soldats que vous êtes seule avec votre fils malade !"

Elle hoche affirmativement la tête, et nous allons nous cacher. Dae-Hwi se recouvre entièrement le corps et la tête. Ma mère, comme convenu, ouvre la porte, et, je prie pour qu'elle ne commette pas d'erreur.

"- Madame  ! Nous avons ordre de fouiller toutes les habitations de la ville !" S'exprime un des gardes.

"- Il n'y a personne, ici ! A part moi, et mon fils malade !" Elle joue bien son rôle pour l'instant.

L'un des hommes fronce les sourcils, et insiste pour vouloir entrer. Elle s'écarte pour leur laisser l'accès, en les prévenant toutefois.

"- La maladie de mon fils est contagieuse ! Je vous conseille de ne pas trop l'approcher !" Elle exagère exprès.

Les hommes reculent d'un pas. Ils scrutent l'intérieur, et constatent qu'il n'y a effectivement que la vieille dame et son fils malade.Ils ne désirent pas s'éterniser à l'intérieur par crainte de contracter la maladie contagieuse. Ils sortent de la demeure. Nous sommes soulagés que pour une fois ma mère a été à la hauteur de ce que l'on attendait d'elle ..........................

Se battre pour l'amour de ma princesse/Dae-hwi. Tome 4 saga AB6IXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant