Je craignais bien que non.

- Tu te fous de nous ? s'énerva Kalya. Ce n'est que maintenant que tu nous le dis ?

- J'y peux rien si vous vous lavez jamais les oreilles ! répliquai-je, insolent.

J'aimais tellement provoquer mon monde ! J'étais sans doute né pour ça. Un grondement qui se voulait menaçant s'échappa de la bouche de Kalya. Si elle croyait m'impressionner avec ça...

- Qui ça peut être ? souffla Kalya, agacée.

À croire que c'était toujours de ma faute ! Mais qu'est-ce que j'y pouvais si j'étais le meilleur vampire au monde ? Ils pouvaient bien me jalouser, tant pis pour eux.

- Je suis génial mais pas devin, ricanai-je.

Ornella laissa échapper un petit rire. Elle rigolait toujours à mes conneries. Clément était encore prostré et Bruce, bras croisés, restait impassible. Camille m'envoya un regard mauvais. Quelle tension dramatique ! On se serait crus dans un film. Je haussai les épaules. Cette mission partait vraiment en cacahuètes. Comme nos vies depuis cette foutue guerre. Tout ça pour des questions d'espèces, de conflits, de gens ronchons... C'était n'importe quoi. Moi, j'étais pour Axel président. Avec moi à la tête de la planète, tout cela serait beaucoup plus fun et moins violent.

- Faisons-nous discrets, ordonna Camille.

Il avait cru que j'allais lui obéir ? Il croyait encore au père Noël ! Mes vampires se dissimulèrent immédiatement dans les ombres de la forêt tandis que Kalya et Maya, ronchonnes, grimpaient dans un arbre. C'était assez drôle à voir. Je soupirai avec grandiloquence avant de capituler. Je disparus nonchalamment derrière un tronc épais, avec ma classe légendaire. Notre stalker ne tarderait pas à débouler. Le temps qu'il se rende compte qu'il s'agissait d'un piège exceptionnel (bien que manquant clairement d'originalité), ce serait déjà trop tard.

Avais-je déjà dit à quel j'étais impatient ? C'était une qualité selon moi. Derrière mon arbre, j'avais bien du mal à me tenir. Je sentais Dylan s'éloigner, prendre de l'avance et je craignais qu'il n'arrive dans la meute de son connard de père trop tôt. C'était un combattant hors pair mais face à une meute entière... Nous n'avions pas de temps à perdre et trainer ici pourrait très mal finir pour lui. Je n'avais pas envie d'entreposer son corps à côté de celui de mon chamallow en croûte. D'une ça serait glauque et de deux, si Dylan venait à mourir, j'aurais bien aimé récupérer sa maison pour en faire une boîte de nuit et non pas un centre funéraire !

Des bruits de pas retentirent. À cette distance, si les loups n'entendaient rien, c'était qu'ils étaient vraiment bouchés ! Le corps tendu de Camille (hum, miam !) m'apprit qu'il se préparait à la venue de notre invité. Hé-hé. Ça risquait d'être divertissant. Pour changer.

Le moment de la grande révélation avait sonné.

Une louve au pelage beige apparut à l'horizon. Gracile et rapide, elle me rappela instantanément l'oméga, Chloé. Mais Chloé avait le très charmant Samuel, en train de veiller sur le cercueil d'Hazel. Impossible qu'elle ait désobéi à un ordre direct de son bêta. Conclusion, il ne pouvait s'agir que de sa jumelle, Zoé. Mon sens de la déduction m'épatait. Que faisait-elle là ? Amie ou ennemie ? Après tout, elle faisait partie de la meute de Lorenzo, ce qui ne jouait pas en sa faveur. Je la détestais par pur principe. Ouh, quel suspens, comme c'était excitant...

Camille attendit patiemment qu'elle arrive à sa hauteur pour se jeter sur elle. La louve poussa un glapissement de frayeur et de douleur lorsqu'elle fut écrasée au sol par mon cher et tendre. Il en jetait. En tant que membre de la meute de haut rang, il était le mieux placé pour lui régler son compte, même si je n'aurais pas dit non à un peu d'amusement supplémentaire. Parce que là, sérieux, on se faisait chier.

Je sortis de ma cachette en même temps que les autres. Zoé, sous Camille (heureusement que je n'étais pas jaloux !), se débattait, craintive, son regard parcourant notre petite assemblée. Les mains dans les passants de mon jean tel un ranger du Texas, je m'approchai.

- Alors la canaille on venait fouiner ? Tel est pris qui croyait prendre.

Ornella ricana à nouveau et, cette fois-ci, même Maya ne put s'empêcher un petit rictus. Eh ouais, je faisais toujours mon petit effet. La louve reprit aussitôt forme humaine et Camille la relâcha. Elle se recroquevilla pour cacher sa nudité mais nous adressa un regard fougueux. Quelle petite chenapan ! Elle avait intérêt à avoir une bonne explication.

- Pourquoi n'es-tu pas avec la meute ? me devança Camille, contrarié.

En dépit de son regard aujourd'hui doré et de son nœud papillon à pois offert par Hazel (même à travers la mort elle m'ennuyait encore avec ses cadeaux moches !), il exultait une puissance plutôt séduisante. J'aimais bien quand il faisait sa tête brûlée. Son entourage avait trop tendance à le sous-estimer, et lui à se rabaisser pour plaire aux membres vieux-jeu de sa meute mais ce temps-là était révolu. Camille se dressait, fier de sa personne, prêt à en découdre et je le trouvais presque aussi beau que moi.

- Je voulais vous aider ! explosa-t-elle, un peu rouge.

M'ouais. Elle était moins douce que sa sœur. Quoique Chloé avait également son carafon, surtout lorsqu'elle était en compagnie de Samuel. Hé-hé. Tous seuls tous les deux chez Dylan, je me demandais bien ce qu'ils fabriquaient. S'il n'y avait pas eu de cercueil entre eux deux, sans doute qu'ils auraient fait crac-crac. Mais nan, mes rêves devraient attendre pour se réaliser. Non pas que je voue une obsession dérangeante pour ces deux-là mais ils étaient ultra chiants à se lancer constamment des piques.

- Allons bon, et moi je suis Kate Moss ? soupirai-je, déjà ennuyé.

- Mais qu'il me fatigue ! s'agaça Kalya, bien calme jusqu'à présent.

- Merci de le remarquer, rétorquai-je, rêveur. Je fais de mon mieux.

Elle me flanqua un coup derrière la nuque. Je me tendis aussitôt en poussant un feulement. Si elle voulait la guerre... Je me positionnai légèrement en arrière, prêt à lui bondir dessus pour lui faire un masque à la boue mais Camille se plaça immédiatement entre nous. Sa main sur mon torse me rendit tout feu tout flamme.

- Si vous voulez vous battre, attendez qu'on soit arrivés ! rouspéta-t-il.

Je roulai des yeux. Bon. Plutôt mourir que l'admettre mais il n'avait pas tort. Nous ferions mieux de nous concentrer sur notre situation actuelle et de nous remettre en route avant que Dylan se fasse dévorer tout cru.

- Je vous attends, lançai-je, théâtralement.

- Je peux véritablement vous aider ! plaida Zoé. Je connais le territoire de Lorenzo, j'y ai vécu pendant des années ! Je peux être utile et faire pencher la balance en votre faveur.

- Pourquoi est-ce que tu voudrais nous aider ? Qui nous dit que tu n'es pas en train de nous trahir ? l'interrogea Camille, intransigeant.

Je n'aurais pas dit mieux. Ce n'était pas parce qu'il voyait le bon en chacun et était d'une humeur constamment folichonne qu'il ne savait pas sévir.

- Lorenzo m'a volé ma vie, cracha-t-elle, catégorique. Il m'a privée de ma sœur et je...

- Très attendrissant tout ça, mais on n'a pas que ça à faire, l'interrompis-je. Personnellement je suis convaincu.

- Pareil pour moi, trancha Maya.

- Mais si tu t'avises tu nous la faire à l'envers, Lorenzo sera le cadet de tes soucis, la menaça Kalya.

Elle savait comment motiver ses troupes. Zoé hocha la tête et reprit sa forme animale, disposée à nous aider. Génial, moi, plus on est de fous, plus je me marre ! Je m'apprêtais à sortir une réplique grandiose lorsque Camille, Maya et Kalya grimacèrent en même temps. Quelle synchronisation ! Qui signifiait qu'il y avait une couille dans le pâté.

- Il faut qu'on se grouille, marmonna Kalya.

- Dylan est arrivé..., souffla Maya, inquiète.

- Et la guerre a commencé, termina Camille.

Nickel. Bien bien. Sur ces bonnes paroles, nous nous mimes en route. J'avais hâte !

PatienceSWhere stories live. Discover now