19 Et juin passe, et la meilleure

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L'année scolaire touchait à sa fin. Eliott et Kelly furent admis en classe supérieure, respectivement en 4ème et en CM1. L'audience chez la juge approchait. Corinne avait annoncé aux enfants sa demande de renouveler pour une année l'accueil, avec un retour à l'élargissement du temps des visites chez leur maman lors des week-ends et pendant les vacances. Cette année permettrait d'évaluer la capacité de leur mère à se remobiliser dans une fonction parentale responsable. Il faudrait alors qu'Eliott et Kelly s'arment de patience tandis que leur maman devrait faire ses preuves, avant d'espérer rentrer définitivement chez eux. Corinne avait aussi parlé d'un suivi à domicile, mais ce qui importait aux yeux d'Eliott, c'était le retour à leur maison.

Eliott s'agitait sur son siège, il était nerveux. Kelly se dandinait à côté de lui et fredonnait. Ça l'agaçait :

« Comment peut-elle être aussi détendue, à deux pas de la juge ? »

Il attendait l'heure, préparait ses arguments et redoutait le verdict. Corinne était installée en face d'eux.

Dans le bureau de la juge, justement, Marlène Dufour faisait face, maman courage ce matin, elle s'ouvrait au jugement et lâchait tout : sa volonté de récupérer ses enfants, ses craintes de rechute, ses angoisses, son espérance.

Son espérance surtout en fin de compte. Madame la juge la remercia, Marlène sortit, et ce fut bientôt au tour des enfants.

La juge feuilleta nonchalamment le rapport de Corinne et relit un paragraphe relatif au témoignage d'une voisine de Marlène Dufour.

Enfin, elle se leva et fit entrer les enfants, saluant Corinne d'un sourire discret au passage.

Eliott parla clairement, mais développa peu son argumentaire, tant il était tendu. Le secours vint de Kelly, très à l'aise visiblement, épanouie, racontant le projet de sa maman de lui préparer une nouvelle chambre dans la maison, la plus grande (celle de maman !) où elle pourrait dormir et jouer à son aise.

Corinne présenta la situation puis proposa ses perspectives d'avenir quant à la fratrie Dufour.

Ensuite, Madame la juge demanda à Corinne de faire revenir Marlène et elle s'entretint avec la famille au complet.

Ou presque : malgré les recherches, Monsieur Dufour père restait introuvable, aux abonnés absents.

A la fin de l'entretien, la juge rendit son verdict et suivit mot pour mot les recommandations de Corinne en l'expliquant aux enfants.

Eliott ne savait s'il devait être malheureux ou rassuré, mais la juge lui avait fait bonne impression.

Un peu plus tard, à la fin du mois de juin, les vacances d'été se préparaient à Sainte Clotilde ainsi que les perspectives de rentrée.

Un soir, Fred appela Eliott au bureau, il avait l'air soucieux.

« Assieds toi Eliott, tu as deux minutes ? »

« Oui, je peux avoir un peu plus de goûter, c'était tout petit ?! »

Fred sourit, se pencha sur le côté vers un placard et en sortit une barre chocolatée. Décidément, il avait toujours faim celui-là.

« Mais c'est pas possible, où est-ce que tu mets tout ça ?! » dit Fred en lui tendant la gourmandise.

Fred reprit la parole, pendant qu'Eliott enfournait son second goûter.

« Bon, Eliott, tu as un rendez-vous demain avec notre chef de service, il veut te parler de la rentrée prochaine. »

Eliott manqua s'étouffer.

« Quoi, il va pas me faire changer de groupe quand même ? J'ai pas envie d'aller chez les ados moi ! Ils sont complètement tarés et font n'importe quoi... »

« Je sais, tous les éducateurs ont demandé à te garder, afin que tu puisses rester avec ta sœur et préserver une continuité pour toi et pour le groupe. Mais la Direction a d'autres contraintes et apparemment tu as la maturité suffisante. Ainsi que l'âge pour cela. »

« J'm'en fous, je fuguerai. J'étais bien ici. »

« Oui, c'est ça, t'auras qu'à te réfugier chez nous ! Je suis désolé, on va te regretter toi et tes blagues stupides. Bon, tu sais, il y aura Pierre aussi, il échange avec un autre éduc. »

« J'ai plus faim, déclara Eliott. Je peux l'expliquer à Kelly ? Mais t'es sûr, c'est obligé ? »

Ce soir là, Eliott ne se resservit qu'une fois des nouilles au fromage et aux lardons, tant son estomac était noué.

Séparé de sa mère, et maintenant de sa sœur, « ça c'est la meilleure ! » rumina-t-il.

Dans son lit, il préparait mentalement les arguments qu'il assènerait au chef, espérant le faire changer d'avis.

Le lendemain, dans la salle d'attente des bureaux de Sainte Clotilde, Eliott semblait nerveux, il ne cessait de se tordre les doigts.

Enfin, le chef de service le reçut.

Impressionné, Eliott ne dit mot au cours de l'entretien, baissant la tête et regardant ses lacets de chaussures. Il était contrarié de ce changement de groupe malgré les avantages énumérés et il enverrait bien le chef se faire voir, mais qui ne dit mot consent.

Au secours, Émilie !Where stories live. Discover now