18 A propos de Stéphane Barry

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Cela faisait maintenant deux ans que Stéphane Barry s'était installé dans la région, après sa dernière mutation.

Il avait fait la demande, conséquence de sa récente séparation. A vingt-neuf ans, il préférait laisser derrière lui son chagrin. Annabelle avait quitté ce monde en pleine jeunesse, happée par le malheur et la négligence d'un chauffeur alcoolisé. La séparation fut brutale, frontale, accidentelle. Il n'avait même pas pu lui dire au revoir ni je t'aime, elle s'en était allée côtoyer le ciel. Annabelle portait en elle leur enfant, quelques mois à peine. Ils n'avaient pas eu le temps de choisir son prénom ; c'était un garçon. Mort sans être né. Stéphane croyait avoir tout perdu.

Il n'arrivait pas à achever son deuil, à envisager un avenir où le bonheur lui ferait de l'œil. La route qu'il empruntait chaque jour pour aller travailler le hantait et le terrifiait.

Alors, emportant avec lui le dernier souvenir d'Annabelle, son sourire, leur bébé, il décida de changer de vie et de paysage.

Quittant son plat pays, il émigra vers des terres vallonnées, traversant de vastes forêts. Stéphane s'intégrait progressivement, il était satisfait de son école, ses élèves, ses collègues et fit quelques connaissances en dehors du travail. Il avait de la famille non loin et un ami d'enfance que le hasard avait remis sur son chemin.

Son ami était célibataire, par période du moins, comme le constatait Stéphane au fil de leurs rencontres. Avec lui, pas le temps de s'ennuyer, ils se retrouvaient une fois au bowling, une autre fois pour pratiquer le squash. Mathieu tentait de présenter des copines à Stéphane. Malgré des soirées animées, ce dernier restait sur sa réserve, en mal de fréquentation, mais impuissant pourtant à s'ouvrir davantage. Il ne laissait pas indifférents les cœurs à prendre, quand lui les estimait sympathiques et tout juste passables. Stéphane n'était pas de même nature que Mathieu, plus papillon, butinant de fleurs en fleurs. Il demeurait à l'abri sous sa carapace, frileux.

Depuis la dernière rentrée, Stéphane avait décidé de reprendre un sport régulier et se rendait ainsi une fois par semaine à la piscine. Son quotidien était rythmé par sa vie professionnelle, les sorties au bowling ou autres divertissements culturels, au gré de quelques amitiés. Il retournait rarement dans sa famille et acheva de tourner la page avec Annabelle, la distance aidant.

En janvier, une nouvelle était arrivée dans sa classe, mignonne petite fille, un peu perdue, mais vive et joyeuse. Kelly s'était assez bien adaptée à son école et paraissait heureuse, malgré les changements dans sa vie.

Or, venant de Sainte Clotilde, Stéphane fit la connaissance de son éducatrice référente au cours d'une réunion plurielle concernant cette enfant...

... Il n'était pas prêt d'oublier sa première rencontre avec Émilie !

Il avait été brûlé par sa maladresse, touché par sa gêne et ému par son regard. Les lunettes bleues qu'elle portait avaient éclairé son visage. Il fut bouleversé. Il n'avait trouvé qu'à sourire face à la confusion d'Émilie et depuis à chaque fois qu'il l'apercevait, il lui adressait un signe avec son sourire mi-charmeur, mi-moqueur. C'était maladroit, mais c'était ainsi.

Pour Émilie, il ressentait une émotion intense et il demeurait troublé, indécis, incapable de mettre des mots à la place de ses sourires énigmatiques.

Il s'en ouvrit à Mathieu qui l'incita, sans surprise, à l'aborder de façon franche et cavalière.

A la piscine, Stéphane abusa de la gêne d'Émilie et son sourire vint cacher un temps encore sa timidité.

Annabelle était venue le chercher, il l'avait laissée faire, c'était facile !

Il ne savait que penser des sentiments d'Émilie à son égard, elle se montrait mystérieusement attirante et réservée.

De plus, depuis qu'elle avait accompagné les filles de Sainte Clotilde à la piscine, il ne la voyait plus le jeudi. Il faudrait peut-être qu'il change ses horaires pour la croiser à nouveau. Elle lui manquait, mais pour le lui signifier il y avait un pas à franchir. Et s'affranchir de sa crainte.

Au secours, Émilie !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant