14 ... furent aussi ceux de Kelly

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Bastien sut reconquérir le cœur de Marlène, et à force de gentillesse, il lui redonna goût à la vie et à l'amour.

Il débordait d'affection et d'attention, Marlène se laissa ainsi griser d'un état de dépendance à un autre.

Tout chez Bastien débordait. Au début, sa gentillesse déstabilisa Eliott qui relâcha sa méfiance récurrente à l'égard des prétendants de sa mère. Il n'avait plus l'habitude de ces attitudes de douceur. Quant à Kelly, elle était littéralement sous le charme...

... Il opéra tel un poison, pernicieux.

Ce furent d'abord des gestes empreints de tendresse à l'accent paternel, puis la main glissa plus bas sur les cuisses quand il aidait Kelly à faire ses devoirs dans la chambre. Ensuite, en racontant des histoires avant de lui éteindre la lumière, il amena Kelly vers un univers inconnu, les papouilles dépassaient les chatouilles, embrouilles, baisers dans la nuit.

L'innocence de Kelly joua en sa faveur et elle mit naïvement la puce à l'oreille maternelle. Marlène travaillait tard ces derniers temps et avait entamé une formation. Elle s'épanouissait dans sa vie, avec des projets en perspective même si Bastien se révélait sous des auspices moins chatoyants, pâle copie de l'Apollon des premières heures.

Alors, la puce piqua la curiosité de Marlène, qui rentra plus tôt ce soir là, prétextant la maladie de sa fille. Furtivement, Marlène se glissa dans la chambre, et au chevet de Kelly, elle surprit l'ombre dans toute sa laideur.

Bastien se retourna, cacha sa malignité dans un sursaut :

« Marlène, ce n'est pas ce que tu crois ! »

Marlène rugit sa colère et maltraita Bastien sauvagement.

Ombre de lui-même, il s'enfuit dans la nuit.

Passée la colère, gâchée la formation inachevée, Marlène roula sous la table du salon, un verre à la main. Eliott courut aussitôt alerter les voisins et Kelly emprisonna ses souvenirs, sentiments mêlés emmêlés, dans l'ombre de son petit cœur d'enfant.

Marlène rencontra Jérémy à ses heures d'errance, elle voulait oublier et lui se souvenir. Il mettait le nez dans quantité de produits, parfum de nostalgie d'un pan de son enfance bénie, et prêtait son bras au piquant de la vie, souvenir cruel d'un amour éconduit. Ils se plurent et turent leur chagrin dans l'euphorie d'une étreinte.

Eliott se méfia de la fiabilité d'un fumeur de joints, à la gentillesse douteuse. Cependant, comme à chaque fois, Marlène buvait moins et reprenait goût à la vie, s'occupant avec plus d'assiduité de ses enfants chéris, trop souvent délaissés. Alors Eliott ravalait un supplément de fierté pour accepter le nouvel amant de sa mère.

Quant à Kelly, âme toujours naïve, elle accueillait l'amour et l'affection qui lui tendaient les bras. Et comme l'amour de sa mère marchait de pair avec ses compagnons de route et d'infortune, Kelly investit cette nouvelle figure masculine.

La lune de miel, sauce champignons hallucinogènes, chavira sur un aigre-goût de déjà vu. Le very bad trip de Marlène avec Bastien refit surface et elle fut prise de panique, la gentillesse et la douceur de Jérémy avec ses enfants lui paraissant soudain suspecte. La délicatesse mal perçue de ce fumeur de joints solda leur relation au terme de leur troisième mois de vie commune. Marlène le mit à la porte de sa demeure, sans autre forme de procès.

Marlène maintenait le cap tant bien que mal et poursuivait sa quête.

Un jour, une dame vint à la maison. Corinne mit en garde Marlène et proposa une assistance éducative, ce qui eut l'effet d'un électrochoc. Le coup de semonce poussa Marlène à réagir, elle fit cohabiter sobriété et solitude.

En effet, pendant six mois, sa quête d'amour prit une dimension plus spirituelle : Quelques jours après le passage de l'assistante sociale, Marlène s'était confiée à Hélène sa voisine. Elles avaient beaucoup parlé et Hélène lui avait suggéré de confier ses soucis à la Sainte Vierge. Elle témoignait de sa dévotion à Marie, son sentiment d'être sous sa protection maternelle, du changement dans sa vie qu'elle offrait en partage :

Hélène racontait sa joie dans l'échange avec les autres. Une présence aimante de Dieu, elle était habitée.

Chez Marlène, c'était trop de vide à combler. Ces espaces béants dans son cœur comme autant de précipices, sa chair meurtrie. Elle admirait chez Hélène sa capacité à aimer, sans juger.

Marlène avait décidé d'accompagner sa voisine à la messe et un jour elle avait participé à une soirée de prière. Une fois seulement, trop dur pour Marlène, non pas qu'elle se sentait jugée mais elle se croyait prise en pitié et indigne d'amitié. Pourtant, Marlène reçut la grâce d'une pincée de mystère. Ce christ, ce petit Jésus, lointain souvenir de son enfance, s'offrit à son regard dans les bras de Marie - une sculpture parfaitement taillée dans le bois - un soir où elle avait pénétré dans l'église silencieuse. Au cours de ces six mois, elle ouvrit son âme, une fissure dans un cœur blessé, mais c'était trop d'amour d'un seul coup. Elle ne le méritait pas, aussi elle déclina les nouvelles invitations de sa sainte voisine.

Ainsi, la poussière en moins à son cœur palpitant, Marlène fit résonner celui de Serge. Cet homme d'âge mûr s'éprit d'elle et il s'ouvrit de son amour. Non pas de manière abrupte et renversante dans une étreinte passionnée, encore moins dans l'approche vulgaire de propos avinés et de désirs endiablés ; mais bien dans les règles de l'art d'une dame courtisée. Marlène tomba à son tour sous le charme de ce cadeau du ciel et l'aventure commença. Eliott lui-même reconnut la vertu de l'homme et baissa la garde.

Mais l'histoire était trop belle, trop tôt encore. Marlène n'était pas prête à recevoir tant d'amour : spirituel, humain, mystique ou charnel.


Un homme à la hauteur et soudain le déclin,

Marlène s'évertue à détruire leur béguin.


Elle se remit à boire parfois, à parler mal souvent et découragea son amant... et Serge partit laissant Marlène dans sa nuit.

Au secours, Émilie !Where stories live. Discover now