10 Terminus, tout le monde descend

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Ce jour là, Émilie récupéra Eliott au collège afin de rencontrer Corinne son assistante sociale. Il était demandeur de rendez-vous réguliers car il avait peur que leur situation s'éternise et il mettait la pression à Corinne. Quand Émilie le retrouva une demi-heure plus tard après la visite au centre médico-social, la mauvaise humeur du garçon bascula et il passa ses nerfs à la taquiner. Elle eut droit au couplet sur ses lunettes, et venant d'Eliott, cela la fit sourire. Ils s'arrêtèrent dans une grande surface et Émilie chargea Eliott d'aller acheter les ingrédients manquant pour le gâteau d'anniversaire de Kelly. Pendant ce temps, elle se gara devant la station essence. Perdue dans ses pensées, elle avait machinalement verrouillé sa porte de voiture (économique, mais pas automatique, avec toutes les commandes manuelles), ayant auparavant ouvert le clapet d'essence, puis claqué la portière.

Elle attrapa le pistolet à la pompe et remplit le réservoir.

Quand Eliott revint, elle lui fit un grand sourire, « en route ! » avant de se figer sur la poignée de la portière. La porte était fermée à clés, et stupeur, Émilie se rendit compte qu'elle avait laissé la clé sur le contact.

« Oh, non ! » dit-elle en tournant frénétiquement autour de la voiture, constatant avec dépit la fermeture de toutes les issues, coffre compris. Après deux tours complets, Eliott se mit à rire et se moqua d'Émilie :

« Tu vas tourner encore longtemps ? »

« Mais non, j'ai laissé la clé sur le contact, mais quelle nouille ! »

« Ah, bravo Émilie ! Tu es gratinée ce soir, ... comment on fait maintenant ? »

« Oh, non, c'est toujours à moi que ça arrive ! Bon, j'appelle mon chef, il a le double des clés. Je vais en prendre pour mon grade. »

Pour toute réponse, Eliott pouffa de rire. Décidément, elle était trop drôle Émilie.

« Pourquoi, demanda-t-il ensuite, ce n'est pas la première fois ? »

« Ben, pour ça si, répondit-elle, mais c'est toujours sur moi que ça tombe ces histoires de bagnole... »

« Vas-y, raconte ! » s'enthousiasma Eliott, chez qui la bonne humeur était définitivement revenue.

Il n'y avait rien d'autre à faire en attendant le chef, Émilie raconta :

« La première fois, c'était il y a trois ans et je venais juste d'être embauchée. On avait encore un vieux minibus, avec lequel on se demandait à chaque fois si on allait démarrer. Je rentre donc des écoles avec quelques enfants à bord et je m'arrête pour les déposer devant le foyer. Il me reste un transport à effectuer un peu plus loin. Alors, je sors du véhicule sans couper le moteur et j'accompagne les enfants jusqu'au perron. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête du dernier à descendre car il a soudainement abaissé tous les loquets de fermeture. Et le temps que je réagisse, il claque la portière ! »

« Ah, la vache, il a dû morfler ! » conclut Eliott.

« Heu, oui, c'est vrai que j'étais vexée et furax, je crois que je lui ai crié dessus pendant cinq minutes ! » avoua Émilie.

Alors Eliott fit de grands moulinets avec ses bras en imitant son éducatrice en colère, il était ravi de sa prestation puis rajouta malicieusement :

« Et donc, tu as appelé ton chef ! »

« Hé oui, le minibus en warning sur le trottoir avec le moteur qui tourne sans pouvoir rentrer à l'intérieur, c'était une bonne blague. Mon chef m'a ressorti plusieurs fois cette histoire... »

« Bon, il me tarde de voir la tête du chef tout à l'heure... Et c'étaient quoi tes autres exploits ? »

« Oh, ça va, c'est le dernier », et Émilie poursuivit son récit :

« Nous étions partis en camp avec Fred et sept enfants en utilisant un fourgon. Il y avait Mathias, Charline et Karine. A la moitié du séjour, nous avons organisé une balade avec un pique-nique. C'étaient les vacances de Toussaint, il ne faisait pas chaud. Mathias s'est assis devant, à l'abri dans le véhicule sur le siège passager. Eh bien, quand Fred a repris le volant, il a découvert une moitié de cure-dents enfoncé dans le neiman du contacteur. Mathias avait sans doute voulu imiter la clé de contact. Fred n'en revenait pas, il était dégoûté... Il a tenté de retirer le cure-dents qui était coincé ; je suppose que Mathias l'avait cassé en essayant de l'enlever.

Fred n'a rien pu faire, on a été bon pour appeler l'assurance, la dépanneuse... »

« ... Et le chef, la coupa Eliott ! D'ailleurs, le voici ! » dit-il tout sourire.

Eliott en fut pour ses frais, le chef était pressé. Il leva les yeux au ciel en tendant le double des clés à Émilie et repartit aussitôt.

« Bon, c'est pas tout, dit Émilie, mais il y a un anniversaire à fêter ! »

Pendant le retour, Eliott demeura songeur et il se disait qu'il ne louperait pas Fred sur le coup du cure-dents quand il le verrait le lendemain.

Au secours, Émilie !Where stories live. Discover now