Chapitre 5

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   Quelques minutes plus tard, Bianca avait été emmenée dans une nouvelle pièce, sombre, exiguë.

Les soldats l'avaient agrippée soigneusement par les épaules, avant de la déposer dans un fauteuil poussiéreux, et de quitter la pièce.

La fillette ne pouvait comprendre. Venait-elle de voir un homme se faire tuer devant ses yeux ?


Soudain, la porte brune s'ouvrit à nouveau.

Un homme y pénétra. Il s'avança avec douceur, jusqu'à ce que Bianca puisse le discerner dans la pénombre. La peau mate, les cheveux bruns, les yeux noisette...

Le Seigneur de Langtoft.

L'entièreté de son corps se mit à frémir.

Abzal s'approcha d'elle, et s'agenouilla sans bruit, le visage impassible.


« J'ai été informé de ce qu'il vient de se passer, indiqua-t-il, sans colère.

La peur envahit la fillette.

-Je n'ai pas fait exprès...implora-t-elle d'une voix enfantine. Je jure que je n'ai pas voulu cela...

Abzal la coupa, déposa son doigt chaud sur ses lèvres fines et humides.

-Personne ne te croit coupable, la rassura-t-il. Rien de tout cela n'était de ta faute.

-Mais le médecin est...

Les mots s'étranglèrent dans sa gorge, et elle ne parvint à articuler davantage.

L'homme hocha la tête.

-Oui, en effet, confirma-t-il. Le docteur Hopper n'est plus de ce monde malheureusement.

L'effroi se rua dans ses yeux bleus.

-Il en savait trop, expliqua Abzal avec calme. »



Bianca était infiniment perdue, le cœur brisé en mille morceaux. Les émotions lui brûlaient les paumes et les talons, et elle dut se repositionner sur l'assise pour ne pas céder.

Abzal laissa passer un rictus désagréable sur son visage, avant de bloquer les genoux de la fillette de tout mouvement.

Puis, d'un calme profond, il sortit de la poche de son pantalon beige une longue seringue. Son contenu était d'un vert translucide, captivant.


« Je suis sincèrement navré, ma chérie, reprit-il. Mais nous ne pouvons prendre le moindre risque, tu es trop précieuse pour cela. »


Avant qu'elle n'eut le temps de répliquer, l'aiguille s'enfonça dans son épaule, et un liquide chaud se balada dans ses veines.

Autour d'elle, les choses devinrent floues. Son sang bouillonnait, et ses membres semblaient prêts à exploser sous la puissance qui traversait son petit corps. Une énergie à l'état pur caressait son esprit, à la fois rassurante, et insupportable.

Bianca perdit connaissance, sous cette voix qui l'appelait.

Elle avait la sensation de descendre. Pas vite, au contraire, très lentement et chaleureusement. Un vent humide soufflait contre son visage. Elle sentait des odeurs fortes et agréables. Elle flottait au-dessus d'un paradis sans images, juste avec ses autres sens.

Bianca parvint à un immense cercle noir, bordé de pourpre, effrayant, mais captivant. Sa rondeur était parfaite, comme s'il avait été gravé dans un sol invisible.

Visage de l'oubliWhere stories live. Discover now