Les enchantements de Lathé : IV

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Je décidai de ne pas raconter à Ren l'histoire tragique des amours de son père avec l'esclave qu'il avait appelée Elohar. Isolda était adulte. Si elle voulait s'encanailler avec Śimrod, c'était son problème, pas le mien. Cette seule résolution me soulagea d'un poids immense, mais il restait un autre problème : les rumeurs dont m'avait parlé Lathelennil.

— Les enfants sont couchés dans leur chambre, m'annonça Ren en revenant, alors que j'étais plongée dans de sombres réflexions. Je crois qu'ils ont beaucoup joué : ils se sont endormis tout de suite.

J'étais assise en tailleur sur le lit, les yeux relevés vers mon compagnon. Ce dernier s'approcha au bord et me regarda, avant de porter ses mains à ses cheveux pour les dénouer. Je savais ce que ce geste voulait dire chez les ældiens : Ren voulait reprendre le programme annoncé tout à l'heure. Mais lorsqu'il se coucha sur moi, je repliai les bras contre mon ventre, mal à l'aise. Plus je songeais à ces rumeurs évoquées par Lathelennil, moins j'avais envie d'étreindre mon compagnon. En me remémorant l'horrible hallucination dont j'avais été victime lors de notre petite incursion dans l'Ethereal, je fus prise d'un violent frisson. Ren interrompit ses embrassades.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il en me regardant, appuyé sur son coude.

— Comment ça se fait que tu sois tout le temps excité, sans avoir tes fièvres ? murmurai-je en réponse.

Ren eut l'air surpris.

— Eh bien, je ne sais pas, ça doit être le contexte, ou le paysage, toute cette nature... Et puis, tu es très belle, Rika, fit-il en attrapant mes longs cheveux entre ses doigts.

Je soupirai. Au fond, je savais ce qui lui plaisait tant. C'était le fait qu'on n'ait plus recours aux configurations pour faire l'amour.

— Ren, repris-je, je viens de voir Lathelennil, et il m'a dit quelque chose qui m'a un peu interpellé.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Ren patiemment, tout en caressant mon avant-bras.

Je me tournai vers lui.

— Il m'a parlé de rumeurs qui couraient sur ton père à l'époque. Selon lesquelles il aurait du sang d'orc, et même... du sang de... d'araignée.

Ren ne répondit rien. Il se contenta de soupirer, et arrêta immédiatement de me caresser.

— Tu connaissais ces rumeurs ? demandai-je en cherchant son regard.

— Oui, avoua Ren en se laissant tomber à plat dos sur le lit. Je les connaissais.

Je me redressai et vins me percher à côté de lui, de manière à l'avoir en visuel.

— Ren, articulai-je solennellement, est-ce que c'est vrai ? Dis-moi la vérité.

Ren hocha la tête.

— Oui. C'est vrai, asséna-t-il en me regardant droit dans les yeux.

Silencieuse, je détaillai mon compagnon, allongé presque nu devant moi. Sa peau anthracite, ses cheveux blancs comme la soie, sa queue rayée, son troisième œil, que je n'avais vu chez aucun autre mâle à part Śimrod... Et sa musculature, il est vrai plus développée que celle d'un Lathelennil ou d'un Uriel, qui étaient pourtant deux guerriers eux aussi. Si je pensais à Mana, avec ses quatre yeux rouges... Maintenant que j'y réfléchissais, aucune autre reine ældienne n'avait quatre yeux rouges.

— Est-ce que c'est un problème, pour toi ? me demanda Ren avec toute la détermination à faire face qui le caractérisait.

Je n'en savais trop rien. Pour l'instant, oui, c'en était un.

Astres gelés (Le Dit de Rika III)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن