Père et fils : II

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Ren les invita dans les pièces à vivre de son cair. Isolda, même si elle reconnut le vaisseau, le trouva changé. De fait, ses affaires comme celles des enfants, des filles, de Rika, de Círdan ou de Tanit ne s'y trouvaient plus. Tout était vide et fonctionnel. Et lorsque Śimrod mentionna ces noms, dépliant le dessin qu'avait fait Isolda, Ren prétendit ne pas les connaître.

— Mais enfin, insista Śimrod, sur le point de perdre à nouveau patience. Tu ne reconnais aucune de ces personnes ?

Il brandit à nouveau le dessin sous le nez de Ren.

— Non, fit ce dernier en secouant la tête. Je ne connais que Mana.

Śimrod étouffa un juron.

— Je ne vois qu'une explication, lâcha-t-il. Soit tu es sous le coup d'un puissant geis ou dwol, soit tomber dans cette cuve de minerai a rendu ton cerveau aussi troué qu'une passoire !

Ren le regarda d'un air entendu.

— Je suis insensible aux geas et aux dwol... Comme toi.

Śimrod échangea un regard avec lui.

— Oui, bon, ça aussi on en parlera plus tard... Idiot ! répéta-t-il encore. Alors ? Tu n'as donc aucune idée ?

Ren secoua la tête.

— Aucune. Et je commence à me fatiguer de t'entendre me traiter d'idiot à tout bout de champ. Qu'est-ce que tu dirais si je te tirais du sommeil pour te dire que tu as une femelle humaine et une portée de perædhil ? Tu me rirais au nez, je pense.

— Je te dirais, bien vu, répliqua Śimrod avec un sourire carnassier. Et je te ferais confiance, parce qu'au fond de moi, perte de mémoire ou pas, je saurais que mon fils a raison. Mais toi, tu t'obstines à refuser de nous croire !

— Rien ne prouve que je suis ton fils, fit froidement Ren. On est originaires du même clan, certes. Mais tu l'as quitté du jour au lendemain, sans raison aucune, en me refilant un fardeau bien lourd à porter... Donc, je ne sais pas si je peux vraiment te faire confiance, Śimrod.

Le susnommé le regarda en silence, les yeux étincelants. Isolda songea, une fois de plus, que la situation était vraiment mauvaise.

— Ren, dit-elle enfin. D'après vous, pourquoi serais-je là ? Je ne suis qu'une humaine que vous et votre épouse avez secourue, et qui n'est même pas dans son véritable corps. En quoi le sort de ce petit semi-ælv et celui des autres me concerne-t-il, d'après vous ?

Ren la regarda.

— Parce que tu es la mère de ce petit, tenta-t-il.

Isolda, qui sentit le regard de Śimrod sur elle – ce dernier avait toujours un doute – secoua la tête.

— Je ne suis jamais allée au lit avec un ælv : j'avais déjà bien assez à faire avec les gars du village. Et ce petit est un perædhel noir, comme vous pouvez le voir. Vous portez cette robe tous les deux... Mana la porte également, ainsi que deux de ses filles. À part ceux que je viens de nommer, je n'ai jamais vu aucun ælv noir, et je peux vous dire que ces derniers temps, j'en ai vu beaucoup. J'ai même croisé une bande d'ælves troubadours, qui ont assuré l'amusement dans votre vaisseau. Aucun d'eux n'était un ælv noir, mais tous ont dit que c'était rare comme le loup blanc.

Ren parut enfin réagir.

— Des filidhean ? Ici ? Il y en a encore ?

— Il y en a encore, confirma Śimrod. Plus que jamais, même, je dirais. J'en ai croisé moi-même il y a quelques années-lumières, dans la Trame. La guilde d'un certain Syandel du Chemin Voilé... Une fière troupe filidh. Ils m'ont dit être en contact avec beaucoup de vaisseaux des nôtres, qui ont échappé à la Grande Extinction.

Astres gelés (Le Dit de Rika III)Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon