Chapitre 33 - Virée en mer

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Ange resta silencieux. Premièrement car il venait de remarquer que Luce était seule avec elle-même dans ses souvenirs. Et deuxièmement parce qu'il réalisa à quel point cela devait être dur pour elle de parler de beauté visuelle qu'elle n'était pas capable de voir désormais.

— Tu ne m'as jamais parlé de tes parents, avoua cependant l'homme dans un murmure.

Il pensait que la brune n'entendrait pas. Mais l'audition de cette dernière étant plus que bonne, Luce tourna la tête approximativement vers lui.

— Parce qu'il n'y a pas grand-chose à dire à leur sujet. Ils ont été de bons parents. Ils ont fait des erreurs, comme tout le monde, mais ils ont été là pour moi. Ils ont vu leur fille dépérir petit à petit et je pense qu'ils se sont sentis impuissants. On en a jamais vraiment parlé, mais même si je ne voyais plus leur visage, j'ai compris au son de leur voix qu'ils avaient souffert. Pas comme moi, certes. Mais ils ont souffert, à leur façon. D'une façon que je ne pourrais pas comprendre à moins que je sois spectatrice d'un de mes enfants perdant quelque chose d'important. Je ne sais pas comment je le vivrais, si une chose pareille arrivait.

Seul le bruit des vagues cognant contre le voilier et les colocataires de l'eau rompit le silence qui s'installa.

— C'est comment de reprendre après un accident tel que celui-ci ?

Cette question, Luce ne s'y était pas attendu. Elle avait pensé qu'après un tel paragraphe concernant ses paternels, Ange n'aborderait plus ce sujet si douloureux. Mais apparemment, l'homme avait décidé de la faire parler.

— Tu parles professionnellement, amoureusement ou bien individuellement ?

— Les deux premiers ne rejoignent-ils pas le dernier ? demanda le blond dans un sourire.

La grimace de Luce fit comprendre à Ange qu'elle n'était pas vraiment d'accord avec lui.

— Individuellement, tu passes d'un être humain indépendant et libre à un sujet d'étude scientifique impotent et tenu en laisse. Amoureusement, tu as l'impression d'être sans cesse entouré du néant. Il te frôle, te caresse, mais malgré tes tentatives de découverte, tu ne peux jamais savoir si une fois le dos tourné, il ne sourit pas du sale tour qu'il va te faire. Et professionnellement, c'est simple, à part si tu veux devenir une sorte d'accordeur humain, tu n'existes pas aux yeux des patrons. Tu ne peux plus voir, alors tu ne sers plus à rien.

Sur le moment, Ange ne sut pas s'il avait bien fait de poser la question ou pas.

— Et toi, comment tu vis le fait d'avoir été exilé de chez ta famille et ne pas savoir ce qu'ils deviennent ?

L'homme grinça des dents mais reconnut qu'il l'avait bien cherché. Cependant, il nota tout de même que c'était la première fois qu'ils arrivaient à parler d'eux et se provoquer sans rentrer dans une colère monstrueuse.

— On se sent con, et en colère, et inquiet. On ne cesse pas de ressasser le passé, se demander si jamais c'était à refaire, comment on réagirait. Puis quand on arrive à la même conclusion, jour après jour, on se demande si c'est notre vision qui a un problème. Ça m'arrive parfois de songer à demander des nouvelles à propos de mes parents et de ma sœur. Mais généralement, je ne vais au bout du truc.

— Parce que tu as peur ?

— De quoi ?

Même si Luce resta immobile, il comprit à son visage qu'elle avait saisi qu'il essayait de gagner du temps.

— Dans la famille, j'ai toujours été le bagarreur comme je t'ai dit l'autre fois. Alors ouais, j'ai peur de me faire chasser à coups de pied au cul. Puis je pense que j'appréhende. Quand je suis parti...

Luce nota qu'il évitait cette fois-ci de citer le mot.

— Quand je suis parti, ma sœur était mal au point. Et je ne sais pas comment elle est désormais. Je pense qu'une part de moi flippe à l'idée qu'elle puisse être moins bien encore que lorsque j'ai dû la laisser.

Parce que la voix d'Ange tremblait, Luce attrapa sa main. D'ailleurs, lorsque les doigts de l'homme serrèrent sa peau, la brune sursauta. Elle ne s'était pas attendu à ce qu'il réponde ainsi à son soutien silencieux.

— Je ne suis pas bien placée pour donner des conseils et je ne le ferai pas, mais tu ne crois pas que tôt ou tard, tu vas regretter de ne pas avoir tenter de prendre de leurs nouvelles ?

Le silence d'Ange ne troubla pas Luce qui avait compris que l'homme réfléchissait.

— Peut-être que oui. Peut-être que non.

La main de Luce paraissait si petite dans celle d'Ange.

La peau de l'homme était douce. Si douce que la brune sentit son cœur bondir.

— Tu sais, je ne vais pas te faire de mal.

Luce sursauta à l'entente de la phrase d'Ange. Parce qu'elle eut soudainement l'impression qu'il venait de lire dans ses pensées. Pensées qui étaient sombres et incertaines.

— C'est dur de faire confiance, souffla-t-elle.

— Je sais.

La jeune femme resta silencieuse, tout comme lorsqu'Ange passa un bras autour de ses épaules. Mais quand les lèvres de l'homme se posèrent sur le front de Luce et laissèrent un doux baiser sur sa peau, la brune ne put s'empêcher de frissonner.

Après tout, il ne leur restait qu'une semaine. Elle avait tout à y gagner : de la tendresse, une oreille attentive, des activités amusantes. Puis Ange n'était pas son ennemi. Il ne l'était plus du moins.

Alors que risquait-elle au final ? A part y laisser son cœur tout entier ?


On sent la  progression de la relation d'Ange et Luce ? Oui ? Non ? Un peu de  douceur entre les rebelles, ça fait du bien, n'est-ce pas ?

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On sent la progression de la relation d'Ange et Luce ? Oui ? Non ? Un peu de douceur entre les rebelles, ça fait du bien, n'est-ce pas ?

Baisers salés (Terminée)Where stories live. Discover now