Chapitre 42 - La réalité

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Après son service du soir, Ange avait eu envie de se rendre dans un bar qui lui était plutôt familier. Là-bas, il avait passé pas mal de soirées avec Fabrice. Là-bas, il avait gagné pas mal de paris. Là-bas, il avait cramé pas mal d'argent, lorsqu'il était encore victime de son addiction aux jeux.

— Salut Ange, lança Gaston.

Gaston était un homme qui avait autrefois eu la vie parfaite avec une femme et deux enfants et avait tout foutu en l'air pour une simple histoire de sexe. Une histoire de sexe dont beaucoup de monde avait entendu parlé et l'avait amené à être vu comme un paria.

Alors depuis que son mariage avait volé en éclat et qu'il avait jugé incapable de s'occuper de ses enfants, Gaston était un adepte des soirées arrosées. Il voulait noyer sa peine dans l'alcool et les parties de billard qu'il perdait tout le temps.

Parfois la vie n'était pas drôle. Certes, certaines personnes provoquaient un peu les choses en déconnant, mais Ange songea que la vie n'était tout de même pas drôle.

— Salut Gaston, comment ça va ce soir ?

L'homme haussa les épaules avant de se gratter la barbe.

— Une petite partie de billard, ça te tente ? proposa Ange.

Il avait besoin de décompresser. Sa soirée de boulot avait été horrible. Son chauffe-eau était tombé en panne, ce qu'il faisait qu'il avait dû prendre une douche froide et que le professionnel n'était pas encore disponible avant deux jours pour venir faire des réparations. Et comme si cela n'avait pas été suffisant, il avait eu la mauvaise surprise de découvrir que sa messagerie mail plantait.

Heureusement qu'il n'était pas comme Fabrice qui parlait plus par mails que SMS. Parce que là, il aurait été plutôt embêté.

— Évidemment, je suis toujours partant pour une petite partie ! s'écria Gaston.

— On partage les frais ? proposa l'homme.

— Non, j'offre, ça me fait plaisir.

Comme Gaston venait de dire ça en levant son verre, Ange lui tapota l'épaule et l'informa qu'il revenait. Il avait beau devoir compter pour payer son loyer à la fin de chaque mois, il n'était pas du genre à profiter.

Durant plusieurs minutes, le blond vénitien se concentra sur la partie. Quelques habitués du bar s'étaient regroupés autour des deux joueurs et alors qu'il s'apprêtait à viser, Merick, un ancien partenaire de jeux, s'écria :

— On ouvre les paris ? Je mise dix euros sur Ange. C'est le plus sobre des deux.

Étrangement, entendre Merick parier le dérangea. Car ça lui rappela que lui aussi autrefois aurait été du genre à balancer ce genre de propositions. Genre de propositions qui lorsqu'il perdait, ne l'aidait pas à payer ses factures. C'était tellement bizarre d'être passé de l'autre côté et trouver désormais ces défis ridicules.

— Moi je parie sur Gaston, déclara un autre homme qui fréquentait le bar. Il est doué Gaston au billard.

Ange regarda le billet de cinq euros se poser sur le bord du billard.

Est-ce que tout le monde avait la même vision vis-à-vis de l'argent ? Pour lui, voir ces billets se poser sur les cendriers lors de ses services, ça l'énervait. Voir Fabrice sortir cet argent et cracher dessus en disant que ça venait de son père, ça le saoulait. Tout cela semblait si mesquin alors que lui était traité comme un rat pour gagner quelques malheureux euros.

Des euros qu'il aurait misés autrefois. Lorsqu'Ange était encore l'ancien Ange. Et des euros qu'il avait donnés ce soir pour faire une simple partie de billard. Le nouvel Ange était-il si différent de l'ancien finalement ?

Baisers salés (Terminée)Where stories live. Discover now