24. Les sourires dans la montagne

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24.


—      Le château ne bougera plus ?

—      Calcifer n'y est plus assiégé, il pourrait même s'effondrer d'un instant à l'autre.

—      C'est triste.

Quand l'aube vint totalement, répandant sur les montagnes froides le rayon du jour, le château n'apparaissait plus que comme un énorme tas de ferraille et de béton. Un édifice vieux comme le monde, qui bientôt, allait se laisser périr dans la nature. L'ombre des nuages survolait sa carcasse, elle ne bougeait plus, elle s'était assez battue. Seungmin, Hyunjin et Calcifer étaient les réfugiés à qui on rendait la liberté, mais au fond, la finalité pesait lourd sur leur poitrine.

Ils se tenaient là, debout l'un à côté de l'autre, laissant à leur sens le temps de comprendre qu'ils étaient en vie, que le jour se levait.

—      Est-ce que la guerre prendra fin ? demanda Seungmin.

—      Je ne sais pas.

Le plus jeune pivota vers Calcifer, qui virevoltait autour de l'aurore, comme une étincelle. Il semblait tellement heureux de pouvoir vagabonder partout, ses cris de joie rappelaient ceux d'un enfant. Pourtant, cet esprit devait avoir plus d'un millénaire.

Seungmin lui tendit la main, Calcifer le vit. Il rebroussa chemin, vint se poser contre sa paume ouverte, et le chapelier put percevoir l'ébauche de son sourire et ses yeux plissés.

—      Tu vas me manquer toi, lui partagea le jeune homme.

—      Je ne compte pas pactiser avec qui que ce soit de sitôt, il ne serait pas impossible que je frappe à vos portes de temps en temps.

Il se rit, et à ses côtés, Hyunjin observait Calcifer. Le familier lui fit un salut solennel, qui vibra dans l'air comme une promesse envers les étoiles.

—      Tu as enfin fait la paix avec tes émotions, c'est bon à savoir, Hyunjin.

Hyunjin voulut rire aussi, mais la voix de Calcifer sonnait comme un sermon, une remontrance. Quand plus jeune, ce mage un peu trop imbu de lui-même a été prêt à offrir son cœur en échange de puissance, il avait eu la même avidité que certains des plus vils personnages. Il était donc étonnant de comprendre que malgré la vanité, l'orgueil et la peur de l'échec, Hyunjin n'en était pas pour autant devenu quelqu'un de mauvais.

Seungmin se demandait même comment lui, un simple marchand de chapeaux qui passait les rues au gré du hasard, lui a rendu une ébauche d'humanité. Il n'y avait sûrement pas de réponse, cela faisait partie des mystères de la langue, de l'être humain, que les sciences avaient tenté d'élucider mais qui n'étaient qu'un point d'interrogation dans tous les bouquins.

Ils commencèrent à se concerter sur la suite, sur comment les choses allaient rentrer dans l'ordre ou non. Les sujets qui fâchent ne sont jamais bien loin, mais parfois, il est bon de les mettre en avant le plus vite possible pour ensuite les oublier. Sauf qu'en plein dialogue bancal, ils entendirent du bruit. Hyunjin fit volteface, les sourcils froncés. Puis il y eut une injure dans la masse du château, derrière plutôt.

—      Qu'est-ce que c'est ?

Hyunjin croisa le regard de Seungmin, mais ce dernier n'en savait pas plus. Seungmin lui prit néanmoins la manche quand le noiraud commença à marcher en direction du bruit, Calcifer sur leurs pas, déjà prêt à lancer une nouvelle raillerie. Il était impossible que la sorcière des landes soit encore ici, elle n'était pas assez idiote.

"Le Château ambulant" 🔚 Seungjin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant