23. Prémices d'aurore

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23.





Seungmin ne pouvait pas juste attendre que les choses rentrent dans l'ordre.

Il passa son bras dans le dos de Hyunjin, essayant de le relever. Le mage, encore une fois, n'en menait pas large, et Seungmin avait peur de lui faire mal en le faisant se déplacer jusqu'au canapé. Une fois allongé, il revint dégager les cheveux noirs et humides qui se balançaient sur son front. Le chapelier se mit à genoux, lui aussi était épuisé. Dehors, il l'entendait rugir dans le tonnerre, la sorcière qui d'un instant à l'autre pouvait revenir les tourmenter.

—      Je sais pas quoi faire Hyunjin, je sais pas comment l'arrêter.

Il n'avait pas de pouvoirs, ce n'était pas un mage ou un sorcier. Tout ce qu'elle lui avait dit en pleine face n'était que l'atroce vérité : s'il avait réussi à survivre, c'est car il s'était accroché à lui, à Hyunjin. Il avait vécu dans le château, en sécurité. Tout seul, il n'aurait pas fait un pas. C'était ça, c'était certainement ce qui l'attendait. Elle savait que d'une façon ou d'une autre, lui et Hyunjin auraient été amenés à se revoir. Elle en avait profité.

Les poings de Seungmin serrèrent le tissu du sofa quand il se pencha davantage, plus les secondes passaient, plus il avait l'impression que l'issue n'existait pas. Ça lui faisait mal au cœur, de se sentir si impuissant alors qu'il s'était déjà tant battu.

—      Hyunjin...

Sa main passa dans ses mèches corbeau, puis sur sa joue. Il avait le visage tourné sur le côté mais les yeux encore clos, les lèvres légèrement entrouvertes. Il respirait, par vagues silencieuses, parfois, c'était même dur de le percevoir. Mais ce semblant de souffle, en se rapprochant, Seungmin put le sentir sur sa peau. Sa gorge était nouée, ses paupières plissées, il avait peur.

Il avait tellement peur.

—      Moi aussi je t'aime, lui avoua-t-il.

Il ne lui avait pas dit en retour, quand Hyunjin était parti. Quand il avait passé les portes de la maison pour aller livrer bataille. Je te préférais peut-être quand tu n'étais qu'un trouillard, pensait Seungmin, par moments, quand il s'inquiétait bien trop.

Seungmin sentit un frisson, mêlé au sursaut qu'il réprima. Lentement, comme un peu plus tôt, les cils de Hyunjin se mirent à battre, papillonner dans la pénombre. Son visage se tendit un instant, quand ses sourcils se froncèrent. Et finalement, le bleu de son iris vint percer dans le noir de la maisonnée. Il se réveillait. Ils avaient besoin de lui.

Par intermittences, Hyunjin reprenait conscience, parce qu'il savait qu'il ne pouvait pas juste disparaitre pendant qu'autour de lui, les bâtisses et les montagnes s'écroulaient. Sauf que cette fois, Hyunjin ne dit rien, il resta muet. Sa léthargie n'entachait pas le sérieux qui se mit à figer ses traits, mais il avait mal, il n'était qu'une carcasse ambulante. Génial, il allait de pair avec sa propre maison.

Il se redressa avec peine, son corps vacillant, faisant que Seungmin eut un mouvement de recul. Tête basse, il fixa ses genoux depuis le canapé. Ses vêtements étaient encore humides et Seungmin put voir ses épaules trembloter, sûrement dû au froid. Lui aussi avait froid, il comprenait. Seungmin voulut juste le prendre dans ses bras, parce qu'il ne savait pas quoi faire. Il avait aidé Calcifer à expulser la sorcière, pourtant, elle était toujours là, à injurier dans le vide, sa bouche béante sifflant son venin comme le plus repoussant des reptiles. C'était incroyable comment son aura si charismatique se mutait en celle d'une bête sanguinaire.

—      J'ai une idée.

Seungmin leva les yeux, la voix de Hyunjin ne portait en elle que sérieux, -et même un semblant de froideur-.

"Le Château ambulant" 🔚 Seungjin Where stories live. Discover now