12. Demain

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12.





Avant même que Seungmin ne pût comprendre le sens de sa phrase, Hyunjin avait disparu. Il ne restait plus que lui, une main sur son cœur et les yeux écarquillés, profitant de la pénombre de son placard pour essayer de s'y retrouver.

Mais il n'y arrivait pas, tout était embrouillé, tout se mélangeait.

Il entendait encore sa voix dans le creux de son oreille, comme son plus grand secret.

« Joli cœur ».

Et Seungmin se recroquevilla, les bras autour de ses genoux et le visage perdu dans sa propre étreinte. Il lâcha un râle plaintif, tellement déboussolé.

Parce que, plus que l'idée que le mage le reconnaissait, Seungmin venait pour la première fois de se rendre compte qu'il y avait des failles au sort qu'on lui avait jeté. Actuellement, il se retrouvait seul avec le lui d'avant, celui qu'il a toujours été. Et aussi étrange que ça puisse paraitre, au lieu de le soulager, cette image le terrifiait. Il ne se reconnaissait plus, il n'avait plus la familiarité de ses propres traits. Un visage de dix-huit ans. Dix-huit ans, c'était censé être adulte, mais sincèrement, après tout ce qu'il avait vécu, il se sentait presque nourrisson.

Dans le salon, il entendit finalement la voix de Hyunjin, comme si de rien n'était. Elle se superposait aux questions de Jisung. Et non, il ne pouvait pas y prendre part, il était paralysé, presque roulé en boule contre la cloison.

—      Allons dormir, la journée sera longue demain, dit Hyunjin.

Sa voix était étrange, bien trop terne, et même Calcifer ne trouva rien à rétorquer. Jisung se tut dans la foulée, et Seungmin se décrocha du mur comme si ce dernier l'empêchait de respirer.

Chacun retourna dans son cocon, la nuit devint silencieuse mais les questions fusèrent malgré elles jusqu'à l'aurore.


***



Ce fut dur d'appeler cela un réveil, Seungmin n'était même pas sûr d'avoir pu fermer l'œil. Il en avait juste la brève impression : les voix s'étaient amoindries et le bruit du vent semblait avoir disparu pendant quelques instants. Alors il se disait que même inconsciemment, il avait fini par s'assoupir.

—      Tu es réveillé ?

Il sortit de sa chambre d'un pas lent et lourd, et un frisson violent le prit quand il croisa contre la fenêtre, son propre reflet. Les failles étaient là mais à cet instant, il était redevenu le vieillard qu'ils connaissaient tous. Papy Seungmin, qui ne pouvait même pas prononcer le nom du sort sous lequel il se retrouvait à galérer. A ce stade, il allait faire bien plus qu'une crise existentielle.

Jisung et Calcifer prononcèrent cette phrase, mais avec une intonation différente. Le bambin avait une lueur joviale entre ses canines, un sourire grand et des yeux dans lesquels le soleil brillait en bleu. Calcifer de son côté, restait un peu en retrait, retenu dans ses propres propos, parce qu'il savait que Seungmin savait. Et Seungmin lui en voulait, un peu, un peu beaucoup, de ne pas le lui avoir fait remarquer.

Alors, le vieillard répondit simplement en regardant Jisung. Il n'avait pas la maturité du papy dont il feintait l'identité. A cet instant, il était aigri et avait absolument mal dormi. Son dos lui faisait mal, certainement à cause de ses acrobaties de la veille. Il n'aurait pas été étonné de faire un infarctus dans la matinée.

—      Maitre Hyunjin a quitté le château un peu plus tôt ce matin, je ne pense pas qu'il reviendra ce soir d'ailleurs, précisa Jisung en prenant une tranche de pain sur la table. Viens manger, le lard va refroidir.

"Le Château ambulant" 🔚 Seungjin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant