Joséphine

💍 CHAPITRE 38 💍

Elle s'était expressément levée pour le regarder partir, ses yeux le suivant jusque sur le trottoir d'en face tandis qu'elle se tenait discrètement derrière un rideau. Il y a encore quelques minutes, il était là, assis au bord de son lit, sa main aussi douce que chaude posée délicatement sur son visage. Il y a encore quelques minutes, ils se sont embrassés. Un geste fort, une marque d'affection certaine. Lui qui lui paraissait non pas réticent mais suspicieux devant l'idée de s'unir avait soudainement initié l'action à sa plus grande surprise et pour son plus grand plaisir.

Ces images, cette sensation, Joséphine a, pendant un temps, l'impression que rien ne pourrait les effacer car cela fait un petit moment qu'elle ne s'est pas sentie aussi heureuse. Tout simplement. Pour la première fois depuis ce qui lui semble être une éternité, Joséphine se sent heureuse et ce simple constat, aussi idiot soit-il, la fait sourire. Pour la première fois depuis ce qui lui semble être une éternité, Joséphine n'a pensé ni à sa famille, ni à rien d'autre qu'elle-même.

Mais parfois, un rien peut perturber le bel équilibre que l'on vient de trouver et le «rien» de Joséphine porte un prénom qu'elle pensait être tombé dans l'oubli. Un prénom, qu'elle pensait elle-même avoir réussi à mettre de côté.

- Madame, vous avez de la visite, annonce une domestique remplaçant Ninon partie bien trop vite

- Qui est-ce ? Il ne me semble pas attendre quelqu'un.

- Un dénommé Christophe.

A cet instant précis, Joséphine fut partagée. Voilà bien trois ans qu'elle n'avait pas entendu ce nom, ni même quoique ce soit en rapport avec ce dernier. La curiosité, l'envie de le revoir était là, mais que dire à un homme vous ayant laissé du jour au lendemain brisant par la même occasion une promesse vieille de douze ans ? Peut-être était-ce venu le temps pour la jeune femme d'avoir la réponse à cette question qu'elle n'a jamais pu oublier.

- Laissez-le entrer.

Installée dans un fauteuil, Joséphine attends. Patiemment. Des images d'un passé qui lui parait bien lointain semblent la hanter tandis que progressivement sur le seuil de la porte de sa chambre se dessine une silhouette bien trop familière à son goût. En quelques instants, il était là. Présent devant elle dans sa plus belle tenue d'apparat. Trois années revenant soudainement dans sa vie. Trois années de souvenirs. Trois années de rires. De folies et d'amour.

Il ne dit rien. Son regard ne dissimule presque pas son inquiétude et pourtant il est fuyant. Leur dernière rencontre a été pour tous deux, un événement marquant.

- Bonjour, Joséphine.

Sa voix grave et pourtant douce rappelle à la jeune femme ô combien elle l'avait un jour aimé. Elle pouvait l'écouter parler pendant des heures, tout semblait si fascinant avec Christophe. Tout semblait si facile, comme si le monde allait un jour lui appartenir. Mais tout ceci n'a été en réalité que de tristes et futiles paroles de jeunes gens se croyants dispensés de leurs obligations respectives.

- Il me semble que l'usage veut que l'on interpelle les gens par leur titre en guise de respect et de politesse, lui signale froidement cette dernière ne daignant qu'à peine le regarder, Surtout quand on se présente dans une maison sans la moindre invitation. Cela est tout à fait inconvenant.

- Vas-tu me traiter comme le premier des étrangers ? lui demande-t-il attristé par sa façon de le traiter

- Ne l'es-tu pas ? N'est-ce pas toi qui m'a dit «Nous ne sommes rien l'un pour l'autre». Devrais-je te traiter différemment d'un autre ?

- Il est vrai que j'ai eu des mots que je regrette tous les jours. Je n'ai jamais été le plus brillant des garçons, mais ça tu le sais déjà.

- Que fais-tu ici Christophe ? Je doute que ta visite soit de simple courtoisie.