Chapitre 8 : Seul

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Cette nuit cauchemardesque finit par faire place à l'aurore. La tempête avait passé son chemin, laissant derrière elle de nombreuses séquelles sur l'île : La terre encore mouillée, les arbres déchirés, les branches tombées, l'odeur de l'humidité. À présent, on pouvait de nouveau observer le soleil s'élever dans le ciel.

Tao était resté comme convenu dans l'arbre-maison. La nuit dernière, lorsque le tonnerre commençait à gronder, le garçon s'était réfugié dans la pièce à coucher. Il eut beaucoup de mal à dormir. Au final, il n'avait quasiment pas fermé l'œil de la nuit ; à cause du bruit assourdissant de la tempête ainsi que de l'inquiétude de ne pas voir ses parents revenir.

Le garçon décida de se lever unefois que la lumière du soleil éclairait bien la forêt. Quand il sortit de sonabri, il constata les nombreux dommages causés par l'effroyable tempête. Leschaumes de certains toits laissaient entrevoir des trous. Une bonne partieavait atterri sur le plancher à l'intérieur des cabanes. Beaucoup de branchesavaient détérioré les infrastructures intermédiaires notamment le pontpermettant d'accéder à la réserve de nourriture. Une partie du balcon bordantle grenier avait également souffert des intempéries. Par chance, les objetsmais surtout les parchemins de la pièce demeuraient intacts.

Seulement, les dégâts ne furent pas la préoccupation qui inquiétait le plus le jeune garçon. Ses parents n'étaient toujours pas rentrés ; même après le lever du jour. Face à cette situation inhabituelle, Tao descendit de l'arbre et partit à la recherche de ses parents. Il commença par les appeler aux alentours de leur foyer : « Papa ! Maman ! Où êtes-vous ? ». Tout en avançant dans la forêt, il continua ses appels. Hélas, aucune réponse ne parvenait jusqu'à lui. Alors, le jeune garçon alla aux endroits que ses parents et lui fréquentaient très régulièrement comme la source d'eau douce, les emplacements des pièges pour capturer les rongeurs, la partie regorgeant d'arbres fruitiers. Toujours aucune présence humaine. Tao décida donc de tenter sa chance à la plage. Malgré son jeune âge, l'enfant avait vite compris que cette situation n'était pas des plus communes. Il avait toujours l'habitude d'être accompagné, de sentir une présence à ses côtés, de vivre en sociabilité avec sa famille.

Une fois arrivé aux abords de la plage, le garçon remarqua que la pirogue n'était pas dans sa planque. Par conséquent, il pensa que les deux adultes étaient partis en mer ou à la grotte située à l'autre bout de l'île. Ces hypothèses s'effacèrent en un instant lorsqu'il regarda en direction de la mer. Deux silhouettes étaient visibles au bord de l'eau. Le jeune garçon accouru aussi vite qu'il le put. Il écarquilla les yeux face à sa trouvaille : Ses deux parents étaient affalées sur le sable encore humide par la marée où des débris de la pirogue étaient éparpillés tout autour.

Tout en se penchant sur eux, Tao s'écria :« Papa ! Maman ! Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ? ».Ne voyant aucune réaction de leur part, le garçon secoua les deux corpsinanimés pour essayer de les réveiller : « C'est pas un endroit oùdormir ! Allez ! Réveillez-vous ! ». Il ne savait pascomment réagir face à cette triste situation et continua de lesinterpeller : « C'est pas drôle ! Allez ! Dites-moi quelquechose ! ». Plus les minutes passaient et plus la sinistre vérité sedessinait dans le cœur du jeune garçon ; sans que l'on ne puisse y changerquoi que ce soit. Ses mains tremblèrent. De profondes larmes finirent partroubler sa vue, puis, elles commencèrent à couler le long de ses joues. Savoix aussi ne put plus supporter la tristesse qui montait considérablement enlui ; comme si elle était sur le point de se briser. Le garçon ne put direque ces mots : « Pourquoi ?... Pourquoi vous êtes partis ?...Pourquoi vous me laissez tout seul ?... ». Le bruit des vagues neretentissait plus à ses oreilles. Il ne pouvait plus rien écouter autour delui. Tao, qui était d'ordinaire si plein de vie, éclata en sanglots devant lesdeux corps refroidis. D'innombrables larmes nourries par le chagrin coulèrent àflot. Le pauvre garçon ne pouvait plus s'arrêter de pleurer. Il cria de toutesses forces pour évacuer toutes les émotions qui le tourmentaient en ce moment.Mais elles ne lui laissaient aucun répit et sa souffrance ne semblait pluspouvoir s'arrêter.

Pendant de longues heures, Tao resta assis devant les deux corps dont la peau mate avait fini par pâlir. Quelques larmes restèrent encore sur ses joues. Il avait beau attendre un signe quelconque, hélas, le destin de ses parents était déjà scellé.

Lorsque le soleil entama sadescente vers l'horizon, le garçon décida de se lever. Il alla dans la forêt etretrouva l'endroit peu végétalisé où son grand-père y était enterré. Il sefabriqua une pelle de fortune avec le reste d'une des pagaies puis, commença àcreuser un trou dans le sol. Cela lui demanda plus d'efforts qu'il ne lepensait. Il termina sa besogne quand vint le crépuscule. Il coupa quelqueslianes pour les attacher à ses parents afin de pouvoir les tirer jusqu'àl'emplacement de leur sépulture. Une fois de plus, ce fut une épreuve trèspénible pour le simple petit garçon qu'il était. Une fois les avoir amené, ilinstalla les deux corps côte à côte dans la fosse. Tao reprit sa pelle pour lareboucher. Cependant, au moment de le faire, il s'arrêta net. Le garçon étaitparalysé devant la tâche qu'il s'apprêtait à achever. Ses pensées l'acculaientde nouveau ; il se disait : « Plus jamais je ne les reverrai.Plus jamais je pourrai aider papa à la pêche. Plus jamais maman m'apprendra denouvelles choses. ». Enfin, il pensa :

« Plus jamais on ne sera heureux ensemble. »

Tao ne put en supporter davantage. Il lâcha la pelle et retomba au sol ; ses jambes n'ayant plus la force de le porter. Ses pleures reprirent de plus belle. Il plaça ses mains sur son visage, essayant de cacher l'horrible réalité qui se présentait devant lui : désormais, il allait devoir vivre seul.

À la tombée de la nuit, le garçon s'efforça dereboucher la sépulture. Une fois son harassante tâche terminée, il remontaaussitôt dans l'arbre car il se rappela que les animaux se déplaçaient etchassaient principalement la nuit. Il s'installa dans la chambre à coucher pourse reposer. Pourtant, malgré tous ses efforts, son cœur, accablé par lechagrin, ne put l'autoriser à dormir. Tao se demandait donc comment allait-ilpouvoir vivre car maintenant, il était seul.

Seul sur son îleWhere stories live. Discover now