Chapitre 7 : Destin fatal

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Après avoir marché péniblement dansla forêt où l'indomptable vent s'y engouffrait, accompagné de la pluie, Moaréussit à atteindre la plage. Ses longs cheveux bruns étaient bien mouillés ettout ébouriffés Elle tenait quelques mèches de ses cheveux pour éviter qu'ellesne lui cachent la vue. L'eau trempait abondamment ses vêtements. Elle cherchades yeux son compagnon à travers le rideau de pluie qui tombait depuis le cielnocturne recouvert par les nuages sombres de la tempête. Elle aperçut alors labarque flottant sur l'eau en train de rejoindre la machine volante. Constatantque les individus repartaient d'où ils venaient, la jeune femme appela aussitôtTawoé afin de savoir s'il se trouvait dans les parages. Seulement, aucuneréponse ne faisait écho à son appel. Elle continua de regarder dans toutes lesdirections mais ne distingua pas la moindre silhouette. Son regard recroisa labarque et y resta fixé durant un moment. Tout à coup, elle sursauta face àl'étouffante vérité qui se présentait à elle : « Oh non ! Ilsont dû l'emmener ! ». Sans plus attendre, Moa alla chercher lapirogue dissimulée dans les feuillages et la poussa jusqu'au bord de l'eau. Uneseule et unique idée dirigea à présent ses actions : aider, à tout prix,Tawoé à se libérer des étranges êtres qui l'avaient arraché des siens et de sonfoyer.

Cependant, la mise à l'eau de l'embarcation fut périlleuse du fait des intempéries qui rendaient la mer plus capricieuse qu'à l'accoutumée. La mère de Tao ne se laissa pas décourager pour autant. Elle finit par s'engager sur les vagues déchaînées par le souffle ardent du vent. Elle peina beaucoup à avancer ; n'ayant pour seul instrument de navigation qu'une pagaie pour affronter la houle. Son cœur battait à toute allure. Moa refusait d'abandonner l'homme qu'elle aimait tant. Sa détermination l'incitait sans cesse à poursuivre son but. Elle continua d'avancer péniblement. Ne ménageant point ses efforts, elle se répéta autant de fois que nécessaire ceci : « Non ! Je ne peux pas le laisser ! ». Ces mots lui permettaient de se motiver davantage afin de ne pas céder au désespoir.

Même la barque animée par les quatre rameurs eut du mal à avancer. Au bout de quelques minutes, le petit groupe rejoignit l'engin volant qui était encore plus impressionnant vu de près. Un drôle de visage y était sculpté. L'ouverture en forme de bouche se rouvrit lorsque la barque arriva à son niveau. Le quatuor fit monter de force Tawoé sur la passerelle. Une fois sur l'appontement, les étranges individus lui ordonnèrent de continuer à avancer. L'homme voulut regarder une dernière fois l'île avant de la quitter. Il tourna la tête. C'est alors qu'il repéra la pirogue voguant sur les flots, qui se dirigeait vers l'étrange machine.

Épris d'un élan de rébellion, Tawoébouscula ses ravisseurs et en profita pour prendre un de leur poignard afin dese détacher les mains. Il réussit à défaire les liens avec une habileté peucommune. Sans attendre, l'homme courut vers le bord du ponton. Le chef des dela bande se releva, puis, avec énervement, ordonna à ses subordonnés :« Mais rattrapez-le, bon sang, il va s'échapper ! ». Sescomplices tentèrent alors de le rattraper mais ce fut trop tard. Arrivé aubord, Tawoé plongea aussitôt dans la mer agitée. Les énigmatiques personnagesse refusèrent à le poursuivre. Il put alors s'enfuir laissant ses poursuivantssur la touche. L'homme commença à nager à travers les flots tumultueux pourrejoindre la pirogue. Malheureusement, la gravité de sa blessure fut plussérieuse qu'il ne le pensait. Le sel de la mer ranimait la douleur logée auniveau de sa cheville gauche. Ce qui amplifia la difficulté à la nage. Dans cesconditions, la nage lui coûtait énormément d'efforts. Tawoé essaya au maximumde contenir son mal pour continuer à avancer.

Les étranges êtres venus du ciel se résolurent à laisser leur proie à la mer. Ils rentrèrent finalement à l'intérieur de leur machine. Quelques instants après, les réacteurs de l'engin volant s'allumèrent, ce qui enclencha son ascension. L'action du décollage créa un immense et violent tourbillon d'eau, entrainant inéluctablement la pirogue et l'homme dans ses remous.

Moa avait beau agiter sa pagaie,rien n'y faisait. « Je ne contrôle plus rien ! Le courant est tropfort ! » dit-elle de sa voix tremblotante ; ne sachant plus quoifaire pour s'en échapper. Tout à coup, un éclair frappa la machine qui répanditalors sa lumière sur le ciel tout entier en l'espace d'une seconde. Grâce auflash, la jeune femme repéra l'homme au milieu de la mer agitée, pris lui aussidans le tourbillon. Elle rama aussitôt dans le sens du courant pour tenter dele rattraper. La force du vortex la mena rapidement à lui. Une fois arrivée àson niveau, Moa tendit sa pagaie à Tawoé. Celui-ci réussit à l'attraper mais neparvint pas à se hisser sur la pirogue, sentant ses forces l'abandonner suite àsa lutte perpétuelle contre les vagues. Il ditalors : « Ah ! Je n'en peux plus ! Je n'y arrivepas ! ». Tout en tenant bien la pagaie, sa femme l'encouragea de vivevoix pour qu'il puisse s'accrocher à l'embarcation : « Allez !Tu y es presque ! N'abandonne pas maintenant ! ». L'homme sedécida à réunir ses forces une dernière fois et s'aida de la pagaie pourarriver jusqu'à la pirogue. Finalement, il réussit à attraper l'une des barresqui reliaient les deux compartiments de la pirogue pour s'y hisser. Moa l'aidaà le libérer de l'eau déchaînée. Une fois à bord, Tawoé put enfin, souffler. Denouvelles larmes coulaient des yeux de la jeune femme. Elle enlaça soncompagnon tout en lui avouant :

« - J'ai bien cru que j'allais te perdre ! Je n'aurais pas supporté que tu nous quitte !

- Mais voyons, jamais je ne vous abandonnerais, toi et Tao, répondit Tawoé de sa voix à moitié coupée par son essoufflement pour rassurer sa compagne. »

Malheureusement, la pirogues'approchait dangereusement du centre du tourbillon. Leurs retrouvailles ne futqu'un simple instant de répit au milieu de ce cauchemar. Malgré tous leursefforts, le couple sentit que leur fin était proche. Tous deux repensèrent alorsà la vie simple mais heureuse qu'ils avaient pu mener vaillamment. L'île, leurarbre-maison, le bonheur d'avoir un enfant. Leur fils qu'ils chérissaient plusque tout au monde. Ils allaient devoir le quitter.

Soudain, un craquement retentit depuis la coque. L'eau déchaînée finit par la percer. Le liquide salé s'infiltra à l'intérieur, faisant, par conséquence, sombrer l'embarcation dans le corps de la mer. Le couple n'avait plus aucune échappatoire.

Moa et Tawoé se tenaient très fort l'un contre l'autre. Ils ne voulaient plus se séparer. Ne pouvant plus supporter les intempéries qui la lynchaient de toute part, la coque finit par se briser en deux. L'homme et la femme furent déséquilibrés.

Ils tombèrent inévitablement dans le courant violent, les emportant dans l'œil du vortex qui les engloutit aussitôt dans les profondeurs de ce destin fataliste.

Seul sur son îleWhere stories live. Discover now