Chapitre 14 : Destruction de preuves

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Le lendemain, Greg et Mélissa se rendirent sur la Nouvelle Terre en empruntant le trou de ver et atterrirent dans une aérostation proche de la ville de Renaissance. Ils prirent une navette mise à leur disposition. Les immeubles se succédaient et les recherches ne donnaient rien jusque là. Soit ils tombaient sur des gens trop jeunes ou à l'inverse trop vieux qui n'avaient aucuns liens de parenté. Arrivés à proximité d'un bloc, un attroupement de camions de pompiers, d'ambulances et de badots, observaient un immeuble en feu. Quand ils s'approchèrent de plus près, ils s'aperçurent que c'était là qu'ils devaient entrer. Mélissa se présenta au capitaine des pompiers qui lui dit que le feu était parti d'un appartement du rez-de-chaussée et à cause de la vétusté des équipements, des incendies de ce genre étaient très fréquents dans ce secteur qui était assez pauvre. Ils avaient extirpés des flammes et de la fumée dense, une femme d'une soixantaine d'années qui était fortement choquée et qu'ils l'avaient aussitôt emmenée dans un établissement de soins. Greg tapota sur l'épaule de son amie qui tourna la tête au moment où les secouristes descendaient un nouveau corps mais malheureusement recouvert d'une coque opaque ce qui signifiait qu'il ou elle était morte. Elle s'approcha et demanda des précisions sur l'individu avant qu'ils ne l'emmènent. Le secouriste, encore muni de son masque, lui tendit la fiche des premières constatations. C'était une enfant, dans un état de décomposition avancée, qui avait été conservée dans ladite coque. Ils ne l'avaient pas ouverte mais avaient manipulé les boutons pour enlever l'opacité et essuyé la suie sur le haut de la coque pour voir à l'intérieur. Il fallait identifier le corps à présent. Mélissa fût horrifiée en pensant que quelqu'un avait garder un corps chez lui tout ce temps. Comment pouvait-on vivre en sachant qu'il se décomposait un peu plus chaque jour sous vos yeux ? Mélissa rendit la fiche au moment où la porte du camion se ferma. Elle demanda ensuite où ils les emmenaient et avec Greg les suivirent en direction de l'hôpital le plus proche. Ils reviendraient sur les lieux plus tard.

Dans la chambre aseptisée et équipée des dernières technologies, la vieille dame, mise sous tranquillisants, Mélissa et Greg s'approchèrent et essayèrent de lui parler. La dame répétait en boucle "c'est un bon fils", "ne lui faites pas de mal". Mélissa s'adressa à elle doucement.

- Madame, je suis de la police de l'espace, je peux vous parler quelques instants ?

- Je ne veux pas qu'on lui fasse de mal, balbutia-t-elle.

- A qui ferait-on du mal, Madame ?

- Mon fils, c'est un bon fils, vous savez, reprit la malheureuse.

- Comment vous appelez-vous ?

- Maddie, c'est Maddie, soupira-t-elle dans un effort de mémoire.

- Maddie, votre nom de famille, c'est bien Leimard ?

- Je ... Rarrgh !!!

- Pardon, je n'ai pas compris, Maddie...Maddie..., elle s'est assoupie, on n'en tirera plus rien pour l'instant, dit Mélissa à Greg au moment où l'infirmière entrait dans la chambre et leur demandait de partir sur le champ.

Une fois dans le couloir, Mélissa se tourna vers son ami et lui demanda s'il avait compris ce que la dame avait balbutié en dernier mais celui-ci était en retrait et n'avait pas entendu. Il avait regardé sur sa fiche d'admission mais à la place du prénom et du nom, un blanc subsistait. Maintenant l'infirmière savait qu'elle se nommait "Maddie Leimard" surnom probable de Madeleine. Un indice que Mélissa et Greg allaient s'empresser d'utiliser en recoupant avec le nom de Leimard. Ainsi ils retrouveraient sa famille et reconstitueraient enfin les morceaux du puzzle. Mélissa se souvint de l'histoire qu'elle avait lue sur sa tablette à propos du garçon qui avait bénéficié d'implants d'yeux par le professeur Rubens. Elle l'avait téléchargée et regarda de plus près les détails de l'affaire qui avait été médiatisée à l'époque et qui avait fait grand bruit. Elle n'avait pas lu la totalité de l'article, juste les passages concernant le petit garçon et la technique du professeur Rubens. Le nom de Madeleine Leimard figurait sur l'article à plusieurs reprises. C'était lui aussi qui avait eu la chance d'avoir une partie de l'héritage du professeur et donc assez d'argent pour concrétiser tous ses projets. Il avait changé de nom et commencé une nouvelle vie parce que l'on perdait sa trace par la suite. Et là ils étaient sur le point de toucher au but quand ils avaient probablement retrouver la mère de leur suspect mais la dame qui était allongée là, perdait la tête et était sous sédatifs pour un bon moment. Mélissa se disait que le mauvais œil s'acharnait sur elle. Elle sourit en pensant à sa dernière réflexion.

- Il y a quelque chose de drôle ? demanda Greg étonné en voyant son petit sourire.

- Non, une pensée m'a traversée l'esprit, c'est sans importance. On y va.

Ils traversèrent le long couloir blanc transpercé de fenêtres immenses qui laissaient passer un maximum de lumière et où l'on apercevait un jardin qui s'étendait devant eux. Il remplissait l'espace qui formait le "U" de la cour intérieure surmontée d'un dôme en verre. Les convalescents s'y promenaient avec leur infirmière en uniforme blanc et vert. Des bancs étaient disséminés ça et là à l'ombre de grands arbres qui fournissaient une fraîcheur appréciable en été. Mélissa croisa le médecin qui s'occupait des urgences et lui demanda quand elle pourrait parler à Maddie et lui de dire qu'elle le pourrait aussitôt que les analyses seraient faites et la patiente tirée d'affaires. Mélissa pressa le médecin, elle voulait les résultats au plus vite. Elle lui demanda également pour le second corps et il répondit que ce serait délicat. Il la préviendrait en temps voulu. Les deux amis sortirent par la porte principale et rejoignirent leur navette.

De son côté, Julien avait reçu les instructions de Mélissa et recherchait toutes les informations correspondantes à l'histoire de Maddie Leimard. Recherches fructueuses puisqu'il retrouva l'arbre généalogique de celle-ci. Elle avait été mariée deux fois. Son premier mari, un drogué succomba à une overdose de TRAX. Elle avait 20 ans. Son second mari Henri, le père des jumeaux David et Marie Leimard, alcoolique et violent, leur avait fait vivre un enfer selon les mains courantes de la police et les rapports des passages à l'hôpital pour coups et blessures sur elle et ses enfants. C'est après une querelle, un soir où Henri Leimard était parti se saouler dans un bar que le feu avait pris à leur appartement. On ne réussit à sauver que David et sa mère des flammes et de la fumée. Dans un même temps, le corps de Marie disparut de la morgue. Le mari de Maddie revint une fois, une dispute éclata entre les époux pour la énième fois et il déménagea. Après ça, Maddie n'entendit plus parler d'Henri et resta seule avec David alors âgé d'une dizaine d'années et pratiquement aveugle. C'est là qu'un professeur, à la recherche de cobayes pour des expérimentations sur les yeux, lança un appel à la population et que Maddie, à court d'argent, avait répondu à l'annonce. Parvenu au succès, le professeur Rubens récompensa les petits miraculés en leur offrant une partie de sa fortune pour leur permettre de recommencer une nouvelle vie à leur majorité. Apparemment, Maddie n'avait pas bénéficié de l'argent de son fils puisqu'elle avait continué à vivre modestement. Ensuite, plus de trace de David, comme s'il avait disparu du jour au lendemain. C'est là qu'il avait dû changer de nom. Julien envoya les résultats à Mélissa qui sauta de joie en les lisant. Elle raconta ses découvertes à Greg, tout en montant dans le vaisseau qui les ramenaient sur l'Argon. Ne restait plus qu'à attendre le réveil de Maddie pour en savoir plus.

Dans la nuit, une ombre blanche et verte, furtive s'introduisit dans l'hôpital, longea les couloirs éclairés par les deux lunes et entra dans une des chambres. A tâtons, l'ombre se saisit d'un oreiller posé sur un fauteuil à coté du lit, s'approcha et regarda le visage endormi, hésita un instant et recouvrit celui-ci. La personne ne se débattit pas ou peu, visiblement diminuée par les calmants. Un bruit de pas dans le couloir l'interrompit, une alarme se déclencha sur la puce collée sur la tempe de la patiente, ils se dirigeaient vers la porte. Vite, il se cacha dans la penderie et attendit que l'infirmière vérifie les constantes et sorte. L'infirmière parla quelques instants avec le médecin qui avait accouru. Les pas et les voix s'éloignèrent. Il soupira et décampa en laissant son projet en suspend. Il avait le temps, il reviendrait. Le week-end commencerait, il y aurait moins de surveillance.

Les yeux du passéWhere stories live. Discover now