Les gouttes coulent, c'est la récompense.

66 5 6
                                    

(Attention passage spécialement gore sur la fin)

L'air doux de cette matinée ensoleillée me fait du bien. La température est un peu basse à mon goût mais mon café me réchauffe les mains. Je suis assis sur un petit muret, c'est la "pause" du matin. Je viens me poser sur cet endroit précis depuis tellement longtemps que j'ai l'impression qu'il m'appartient. En réalité, c'est un peu vrai. La maison où nous nous trouvons appartient en partie à moi et à ma collègue, si je peux l'appeler ainsi. Notre travail consiste à accueillir les enfants qui ont eu des problèmes, d'ordre psychologique. Nous les accueillons un petit moment, le temps qu'ils se remettent en état, pour pouvoir vivre en société. Je lève les yeux de mon verre ; il y a peu de nuages aujourd'hui, le ciel est dégagé.

J'entends ma collègue arriver, ses pas crissent dans les graviers. Elle vient se placer à côté de moi, admirant le paysage verdoyant et le bleu pâle du toit du monde. On reste ainsi, tous les deux, silencieux un moment, profitant de l'instant, puis l'un de nous commence à émettre un son :

"Bonjour monsieur Hoks.

- Bonjour, madame Cilas, vous m'apportez des nouvelles ?"

Elle me lance un regard avec un petit sourire qui me fait comprendre : "Je sais que tu aimes bien qu'on se vouvoie mais n'en fais pas trop non plus..."

Elle reprend avec un air plus sérieux

- Je viens de recevoir un coup de fil, dit-elle, la petite nouvelle ne restera pas la journée, malheureusement.

-Ben pourquoi ? m'étonnai-je. Qui a appelé ?

-L'hôpital psychiatrique du coin. Selon eux, elle serait trop dangereuse pour qu'on s'occupe d'elle. Nan mais sérieusement...

-Je comprends pas, elle est adorable cette petite ! ripostai-je avec énergie. Elle a juste un problème avec le sang, c'est pas insurmontable !

-Oui, je sais bien. Mais.... toujours selon eux, certaines de ses crises peuvent ne pas être très appréciables voire meurtrières pour son entourage, rétorque-t-elle, agacée.

-Ah bon ? Mais est-ce qu'ils l'ont déjà vue au moins ? Elle est aimable et polie !

-C'est la question que je me pose... Nan, parce qu'elle a déjà fait une crise ce matin, c'était pas du tout dangereux."

Je plonge mes yeux dans le liquide marron de mon verre, légèrement dégoûté.

"On peut rien y faire de toute façon, c'est officiel tout ça, non ?

-Oui, malheureusement. Le plus dur va être de le lui expliquer..."

*****

Nous sommes assis, tous les cinq, autour de la table du salon ; moi, Alice, Jean, Martine, Clément et la nouvelle. Monsieur Hoks et Madame Cilas ont mangé avant nous, ils ont dû aller parler à des gens importants. Ils nous ont dit qu'on était assez grand pour ne pas faire de bêtise, alors ils nous ont laissé. Du coup, on mange les lasagnes que monsieur Hoks nous a préparées, elles sont super bonnes ! On les a dévorées ! Sauf la nouvelle. Elle n'a pas touché à une miette de son assiette. Jean lui a demandé si elle n'aimait pas, elle a répondu qu'elle n'avait pas faim. J'ai du mal à y croire, elle dit ne pas avoir mangé hier soir et elle est arrivée trop tard ce matin pour pouvoir déjeuner. Et puis même, ça se voit qu'elle a faim et qu'elle serait prête à tuer pour quelque chose de goûtu pour elle. Je la comprends pas, elles sont bonnes ces lasagnes !

*****

J'ai fini mon assiette, en dernier une fois de plus, je suis trop lent. Ah non, la nouvelle n'a pas touché à son plat. Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, elle n'a pas l'air dans son assiette. "Tu n'aimes pas les lasagnes ? lui demande Jean, ce type lit dans mes pensée c'est pas possible autrement.

Petites histoires pour s'endormir...Where stories live. Discover now